Généalogie Charente-Périgord (GCP)

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  • Soldat à l’origine, son premier devoir était de défendre les habitants de son fief ; ce qu’il fit à l’époque féodale : l’église et le logis seigneurial étaient les refuges naturels des paysans menacés ; par la suite, la maréchaussée et les soldats du roi suffisaient à assurer l’ordre intérieur.

    Le seigneur devait toujours répondre à l’appel du roi ; lui-même et ses fils servaient souvent comme bas officiers, et nombres de cadets de la maison de la Rochette moururent au combat ou dans les hôpitaux : c’était l’impôt du sang.

    Le seigneur de la Rochette devait aussi rendre hommage à son suzerain immédiat, le comte puis duc de la Rochefoucauld ; à chaque mutation il devait fournir le dénombrement de son fief.

    Ainsi le 17 août 1606, Jehan Frotier rendit foi et hommage de son fief de la Rochette, à Angoulême.

    Dans l’état du revenu des domaines du roi et duc de la Rochefoucauld, il est écrit pour l’année 1661 « La Rochette, Villars, Terrebourg et autres fiefs exploités en Braconne sont possédés par Roc Frotier Tizon seigneur de la Rochette et sont mouvants de sa majesté à hommage lige au devoir et commission de 8 sergents, et de M. le duc de la Rochefoucauld ; il plaira à la chambre de décharger le devoir ainsi qu’elle jugera à propos ; ledit hommage, adveu et devoir n’ont pas été faits depuis le 11 octobre 1476 ».

    Leurs droits étaient d’abord honorifiques ; dans l’église, leur banc était au premier rang ; une litre funéraire, bande noire portant leur blason, faisait tout le tour de la nef. Ils avaient aussi un droit de sépulture dans l’église, comme nous l’avons vu. Leurs droits seigneuriaux étaient donc le cens, l’agrier ou champart et les lods et ventes ; s’y ajoutait le droit de prélation ou de retrait féodale ; le seigneur pouvait pendant cinq à dix ans racheter toute terre vendue dans sa mouvance, sous réserve d’en rembourser le prix et les « loyaux coûts » ; en fait ce dernier droit fut vite acquis par les roturiers sous la forme de retrait familial.

    Le seigneur seul possédait le droit de chasse ; son droit de pêche s’étendait depuis le gué de Villemalet jusqu’au pont de Coulgens, soit sur tout le cours de la Tardoire dans la paroisse ; au XVIIIe siècle, à la requête du seigneur de la Rochette, le maître des Eaux et Forêts d’Angoumois eut à sevir contre ceux qui pêchaient au tramail dans la rivière ; le seigneur seul pouvait posséder un colombier ; mais très vite ce droit cessa d’être exclusif.

    Il ne levait pas lui-même ou par ses domestiques son droit de champart, il l’affermait.

    Le 20 avril 1630, Roc Frotier Tizon affermait à Gérard Desforges, marchand, à Catherine Desbrandes sa femme et Denis Lurat leur gendre demeurant à Angoulême, tous les fruits revenus et émoluments de la seigneurie de la Rochette, Terrebourg et Villars, dans les paroisses de Saint-Ciers, Saint-Angeau, Coulgens et Villars ; ferme faite pour cinq ans et 2.200 livres par an ; le bailleur se réservait la maison seigneuriale et ses dépendances, le grand jardin, la vieille vigne, la gerenne, la fuye, le bois de chauffage dans la garenne et le moulin.

    De même en 130, il affermait à un laboureur de Saint-Angeau, les petites dîmes qu’il partageait avec le curé de Saint-Angeau dans cette paroisse ; au temps des guerres de religion en 1568, les seigneurs de la Rochette et de Saint-Amand de Bonnieure avaient usurpé la majeure partie des dîmes de Saint-Angeau, et le curé du lieu les recouvrit imparfaitement après 1630.

    Le 30 mars 1631, Roc Frotier Tizon affermait sa réserve, la métairie en face du logis, à Jeanne Jonquet et à Jean Benoit son gendre ; il leur fournissait plusieurs prés pour nourrir le bétail et des bois ; le produit des vaches, des cochons, des 40 chefs de brebis et des chèvres, serait partagé par moitié ; le preneur fournait au bailleur 4 pourceaux et 6 oies ; il lui paierait chaque année 6 boisseaux de froment, 6 de baillarge, 2 de seigle ou méteil, 6 d’avoine comble, 12 chapons à la Saint-Michel, 2 douzaines de poulets, 6 douzaines d’œufs et une douzaine de fromages. Tous ces produits seraient portés au logis, ainsi que la moitié des noix bien écallées ; le preneur ferait les charroix nécessaires au bailleur, mais pourrait en faire 4 par an, limités à 4 lieues, pour ses propres besoins ; le preneur paierait ses tailles et sa portion des rentes et agriers ; il porterait le fiant sur les terres de la métairie ; il planterait des arbres, et à son départ devrait laisser 4 journaux de terre en guéret ; les preneurs logeraient dans la métairie. Ferme faite pour cinq ans, 5 cueillettes consécutives, suivant la formule habituelle.

    Il s’agit donc d’un métayage à moitié des fruits ou à peu près.

    En 1642, Roc Frotier Tizon affermait pour un an à Roc Boissier, garde des Eaux et Forêts une partie des rentes de sa seigneurie pour 525 livres.

    Roc Frotier Tizon mort en 1657, son fils Clément appelé le seigneur de Villars lui succéda ; sa femme Antoinette Catrix épousée en 1642 lui avait apporté en dot la maison noble et seigneurie de Barqueville. Antoinette Catrix mourra en 1653, trois semaines après un accouchement, peut-être d’infection puerpérale, laissant plusieurs enfants dont un Roc qui suivra.

    Après le décès de sa feme, Clément Frotier Tizon aura de Ozanne Clément, sa servante maîtresse, originaire de Sainte-Colombe, plusieurs bâtards élevés au logis ; l’un d’eux Louis, Sieur de Savignac sera doté par son père.

    Parmi les serviteurs du logis de cette époque, se trouvaient les régents successifs des enfants, Thomas Pradelle, puis Jean Bouyle et Joseph Ballet ; étrangers à la paroisse, ils y avaient été appelés pour l’instruction des enfants ; Pierre la Ramée était domestique, Barthélémy Dubois jardinier, et Marie Gourineau nourrice.

    A Clément Frottier Tizon, succédera un autre Roc, son fils aîné ; ce Roc, épousera en 1666 Anne-Marie Chesnel ; mais déjà la seigneur de la Rochette avait de sérieux ennuis.

    En 1674, il avait fallu échanger la seigneurie de Barqueville et Flaville, paroisse de Bonneuil, héritée de la grand’mère Antoinette Catrix, pour celle de Villars, de valeur moindre ; 7.000 livres étaient dues à divers créanciers et parmi eux Thomas de Girac ; et il fallait munir d’équipages, d’armes et de chevaux, deux fils cadets prêts à partir pour le service du Roi. Roc mourra en 1693.

    Source : La Rochette, de James Forgeaud.

  • Roch Frotier-Tizon mourut en 1693 ; son fils aîné Clément lui succéda ; mais comme le remarquait le contemporain Vigier de la Pile, cette famille ne possédait plus qu’une partie des droits seigneuriaux de son ancien fief ; il avait été démembré, et les parties prenantes étaient nombreuses ; les fiefs du Roc et de Lagerie dont nous parlerons plus loin, possédaient des terres et des droits seigneuriaux ; le chapitre de la Rochefoucauld avait non seulement la moitié des dîmes mais aussi quelques journaux de terre et des droits seigneuriaux sur d’autres ; le prieuré de Saint-Florent avait des rentes ; les hospitaliers de la commanderie de Vouthon et Malleyrand avaient des rentes sur la prise dite de l’hôpital, près le village des Aillards.

    Des terres étaient mouvantes des seigneurs voisins, parfois partagées entre deux ou trois seigneurs : le duc de la Rochefoucauld, les seigneurs de Coulgens, de Sigogne, de Saint-Mary, de Rivières ; les de Crozan rappelons-le possédaient le fief du Bois.

    Des roturiers même avaient acheté des agriers ; les Fureau de Villemalet les avaient acquis des seigneurs voisins ou même du roi.

    Un bon tiers de la paroisse étaient sorti de la mouvance des Frotier-Tizon.

    Il restait de la seigneurie le logis et ses dépendances, la réserve faite de plusieurs journaux de terres, de prés et de bois, d’un seul tenant ou presque, des vignes ; une belle métairie à quatre bœufs en face du logis, et une borderie à deux bœufs sur la route de Coulgens ; métairie et borderie aux terres bien groupées étaient aussi les plus fertiles de la paroisse ; la seigneurie comprenait également un moulin sur la Tardoire au gué des Aillards.

    Les terres restées dans la mouvance de la seigneurie, étaient sujettes au droit d’agrier au neuvième des fruits et portables, et au cens très amenuisé ; certaines terres, il s’agissait surtout des vignes, étaient dites en complant, car le tenancier devait les maintenir en culture.

    A la fin du XVIe siècle, les Tizon de la Rochette avaient acheté les 2/3 de la seigneurie de Sigogne, mais elle était passée très vite en entier, aux mains d’un autre membre de la famille Tizon.

    La petite seigneurie de Villars en Saint-Angeau, comprenant maison noble et terres appartenait au XVIIIe siècle aux Frotier-Tizon, ainsi que la moitié des dîmes inféodées de la paroisse.

    Malgré cette relative richesse, la situation financière des Frotier-Tizon n’avait cessé de se dégrader.

    En 1622, Roc Frotier-Tizon avait constitué une rente de 200 livres à Martin Constant, écuyer, intendant du Duc d’Epernon, qui avait prêté 3.200 livres.

    En 1637, Roc Frotier-Tizon avait constitué pour sa femme Léonarde Laisné une rente annuelle de 70 livres à Messire Guillaume Martin, Sieur de Montgoumard, avocat au présidial d’Angoulême, qui leur avait prêté 1.400 livres.

    En 1643, Roc Frotier-Tizon avait constitué à Philippe Arnaud, écuyer, conseiller du Roi à Angoulême, une rente annuelle de 440 livres pour une somme de 8.000 livres qu’il lui devait ; en clair, Roc Frotier-Tizon devait un capital de 8.000 livres et ne se libérera jamais de sa dette.

    En 1651, Roc et son fils Clément avaient emprunté 3.000 livres à Louis Frotier, neveu de Roc, et devaient lui servir une rente annuelle de 150 livres.

    De même, des rentes avaient été constituées au profit des héritiers Dulignon de la Rochefoucauld ; le capital emprunté, près de 2.000 livres ne sera jamais remboursé ; 1.300 livres comprenant le capital et l’arriéré des intérêts étaient dus aux administrateurs de la charité de la Rochefoucauld. 4.800 livres étaient également dues à Roc Benoit, procureur au présidial d’Angoulême.

    En 1711, une grande partie des créances étaient passées entre les mains de Jean de Paris, conseiller du roi au présidial d’Angoulême. Clément Frotier-Tizon se débattait comme il pouvait, retardant l’inéluctable ; heureusement, la justice de ce temps était très, très lente.

    En 1717, il prétendit que 30 journaux de terres près du logis étaient décimables à son profit, au titre de dîmes inféodées ; il chargea le curé Palissière d’attaquer les chanoines du chapitre de la Rochefoucauld qui pour lors jouissaient de ces dîmes. Mais les chanoines avaient des titres de possession bien en règle, et le seigneur de la Rochette en fut pour ses frais.

    A cette époque, il prétendit même avoir des droits sur le fief du Roc. La maison noble du Roc et ses dépendances lui fut-il répondu, relèvent de sa majesté faute par le seigneur de la Rochette d’avoir pu justifier par titres qu’elles relèvent du fief de la Rochette.

    Comme beaucoup de petits seigneurs terriens, les Frotier-Tizon prenaient peu soin de leurs intérêts matériels ; ils vivaient noblement sur leurs domaines, se déchargeant de leur gestion sur leurs fermiers qui évidemment tiraient avantage de leur travail ; les fils servaient à l’armée et il fallait les équiper ; il fallait aussi doter les filles, et la manne versaillaise ne tombait pas sur ces lointains hobereaux inconnus ; enfin les roturiers avaient grignoté une partie de leurs droits seigneuriaux. Les dettes s’accumulaient, et ils n’arrivaient même plus à en payer les intérêts.

    La seigneurie de la Rochette fut mise en bail judiciaire et en 1719 elle était saisie réellement.

    Par chance, si l’on peut dire, Clément Frotier-Tizon et Madeleine Rousselet son épouse, n’avaient pas d’enfants, et ils trouvèrent une solution honorable leur permettant de terminer leur existence selon « leur état et condition ».

    Le 26 avril 1726, devant Jeheu, notaire royal à Angoulême, ils firent une donation entre vifs à Alexandre de Paris, Sieur du Couret et autres lieux et à Mélanie Nadaud sa femme, aux conditions suivante : ils cédaient aux de Paris l’ensemble de leurs droits sur les seigneuries de la Rochette et Villars, y compris les dîmes inféodées de la paroisse de Saint-Angeau. Les de Paris leur assuraient une pension raisonnable leur vie durant ; à savoir l’usufruit de la seigneurie de la Rochette seulement, sans les dîmes inféodées de Saint-Angeau. Les de Paris se réservaient deux chambres dans le logis seigneurial, et des écuries dans l’ancien corps de logis. Anne et Marie Frotier, sœurs de Clément Frotier-Tizon jouiraient leur vie durant de leur maison du bourg et des quelques avantages accordés par leur frère ; au décès de la dernière des sœurs, leurs biens reviendraient à l’acquéreur de la seigneurie.

    Les de Paris paieront aux créanciers les dettes s’élevant à 21.500 livres, et feront cesser toutes les poursuites en cours ; sur cette somme, ce qui relève de sa majesté a été licité à 9.500 livres et ce qui relève du duc de la Rochefoucauld à 12.000 livres. Et attendu que les présentes sont sujettes à contrôle, la totalité des seigneuries a été évaluée, savoir ce qui est de nature immobilière à 44.000 livres, et ce qui est de nature mobilière à 1.500 livres

    Selon Vigier de la Pile, repris par d’autres auteurs, les dettes se seraient élevées à 60.000 livres, et les créanciers se seraient contentés de 40.000 livres, pris de la vente. Ces chiffres sont donc inexacts. Cette famille de Paris, d’une ancienne noblesse de robe, enrichie par les offices avait suivi la situation des Frotier-Tizon, ayant eu à en connaître au présidial d’Angoulême ; Alexandre de Paris était le fils de Jean de Paris, conseiller du roi.

    Le jour même de cette donation entre vifs, Alexanre de Paris céda devant le même notaire à M. de Bourdage, seigneur de Sigogne et conseiller du roi la petite seigneurie de Villars et les dîmes inféodées de Saint-Angeau, récupérant ainsi une partie de sa dépense. Les de Paris habitaient Angoulême, paroisse de Saint-André, où ils avaient leur chapelle ; leurs armes sont encore sur le rétable de l’autel ; pour eux la seigneurie de la Rochette était un domaine comme un autre avec son logis, à la campagne. Leur blason : « Trois étoiles posées en triangle et un croissant en pointe » ; leur devise est : « Mieux vaut trésoir d’honneur que de gloire ».

    Clément Frotier-Tizon débarrassé de ses créanciers mourra en paix en 1729 ; sa femme Madeleine Rousselet sera marraine lors du baptême de la cloche en 1722 et mourra en 1756 âgée de 81 ans ; la bonne dame de la Rochette comme on la nommait, voulut par humilité être enterré au cimetière des pauvres ; elle avait dans son testament, distribué une partie de ses biens aux pauvres et à une église d’Angoulême ; le reste devenant à sa parente, Justine de Briconnet.

    Les de Paris rendirent hommage de leur fief au roi, le 18 août 1734, et le 30 avril 1755, sur l’ordre du président trésorier de France lui envoyèrent le dénombrement de tout ce qui constituait leur fief. Entre temps, ils avaient agrandi leur domaine par l’achat de terres à Marie Fureau, veuve de Jean Frotier-Tizon de la branche cadette, et par l’acquisition de rentes seigneuriales de René Durousseau, seigneur de Coulgens.

    Les héritiers de Paris, Paul, Benoit et François vendirent le 8 octobre 1752 le fief de la Rochette, à un de leurs parents, Messire Arnaud Souc de Plancher, chevalier de la Garélie, demeurant au château de Beauvais, paroisse de Lussat en Périgord. Ce dernier épousa le 9 juin 1753 une riche héritière Marguerite Magdeleine Chérade, fille de Etienne Chérade comte de Montbron ; elle apportait à son mari le fief de Boismenu à l’Isle d’Espagnac, et la baronnie de Manteresse.

    Les Planchet de la Garélie rembourseront en trois fois 14.000 livres empruntées à cette occasion à Daniel Barraud de Lagerie ; ils habitaient surtout leur château de Beauvais et affermaient leur nouveau domaine. Leur blason : « d’argent à une souche de laurier à deux branches de sinople sur une terrasse de même, au chef d’azur chargé de trois étoiles d’or ».

    Le 16 avril 1776, haute et puissante dame Magdeleine Chérade de Montbron, veuve de Messire Arnaud Souc de Plancher de la Garélie, demeurant au château de Beauvais, affermait pour 7 ans à Barthélémy Faure, marchand et à Demoiselle Marie-Anne Debesse, son épouse, demeurant à la Rochefoucauld, le fief et seigneurie de la Rochette ; la ferme comprenait tous les bâtiments du château, métairie, borderie, domaines, moulin et huile, prés, vignes, cens, rentes seigneuriales et secondes, les agriers, la moitié des droits de lods et ventes, le bétail, les semences et le matériel aratoire.

    Les preneurs paieront les rentes seigneuriales et les devoirs royaux, sauf les 10e et 20e.

    La dame de la Garélie pourra occuper tous les appartements nécessaires au château, lorsqu’elle le jugera utile pour elle, pour ses amis, ses équipages et ses chevaux.

    Cette ferme continuait celle faite en 1769 à Jean Faure et Anne Colas, père et mère de l’un des preneurs ; le prix de la ferme était de 3.000 livres, payable en deux fois, à Noël et à la Saint-Jean Baptiste.

    A la veille de la Révolution, leur père et mère étant morts, vivaient au logis de la Rochette, Elisabeth et Madeleine Honorée Souc Plancher de la Garélie, vieilles filles d’une trentaine d’années ; elles auront à affronter la période révolutionnaire pénible pour elles.

    Source : La Rochette, de James Forgeaud.

  • Au début du XVIIe siècle, habitait au logis Roc Frotier Tizon fils aîné de Jehan Frotier et de Anne Tizon ; né en 1590, il avait reçu très jeune les ordres mineurs de l’évêque Charles de Bony ; il avait abandonné la prêtrise à la mort de son père et en 1614 avait épousé Léonarde Laisné ; avec eux, leurs premiers enfants Clément qui suivra et Gratien ; parmi les autres membres de la famille, Catherine sœur bâtarde de Roc qui épousera un notaire du bourg, Jehan Benoit. Le logis et ses dépendances hébergeaient aussi Jehan Gounin précepteur des enfants, dame Anne Aymeric femme de chambre de Mme de la Rochette, à la si belle écriture ; elle était plutôt dame de compagnie et fera un beau mariage ; il y avait aussi Jeanne Teytaud, cuisinière, Jean Méchadier, laquais, Catherine Desfarges et Françoise Barraud servantes, et la très vieille servante Marie Villière, huguenot repentie, qui méritera d’être inhumée dans l’église, en 1628, près de ses maîtres ; Martial Rossignol était garde des bois ; André Léonard sera envoyé à Angoulême chez un Maître cordonnier pour y apprendre le métier ; son Maître paiera le coût de son apprentissage.

    Il existait une grande communauté de vie entre cette famille noble, riche d’ancêtres, mais vivant depuis plusieurs siècles au milieu de ses paysans. Maîtres et serviteurs partagaient les mêmes joies et les mêmes peines ; les maîtres parrainaient souvent les enfants de la paroisse ; des filles nobles épousaient des roturiers ; les bâtards et il y en eut, étaient élevés au logis avec les enfants légitimes.

    Le mariage d’une des servantes Françoise Barraud, avec Guillaume de Fontroubade fut l’occasion d’une grande fête au logis.

    Parmi les commensaux et amis des Frotier Tizon, se trouvaient des représentants des autres familles nobles d’Angoumois : les d’Estivalle, les Villoutreys, les Laisné, les Tizon d’Argence, François Aigron vice-sénéchal d’Angoumois, etc…

    Ces relations paternalistes mais amicales entre les seigneurs et leurs paysans persistèrent jusqu’en 1726, date à laquelle les Frotier Tizon furent contraints de céder leur seigneurie.

    Source : La Rochette, de James Forgeaud.

  • C’était à l’époque de la Fronde… Le 28 octobre 1651, François Desbordes, « messager ordinaire d’Angoulême à Paris, se plaignit au Lieutenant-Criminel, disant que son homme était parti de Paris le dimanche 15 octobre, accompagné de cinq ou six hommes et trois femmes, chargé de plusieurs hardes, outre celles qu’il avait prises dans la ville de Poitiers. Et étant sondit homme arrivé vis-à-vis du bourg de Lizant, le samedi 21 octobre, sur le grand chemin ordinaire par lequel on va de la ville de Civray en celle de Verteuil, il fut attaqué par le sieur Dauriou et des chevaliers armés de pistolets, mousquetons et épées. Lesquels par force et violence se saisirent de la personne dudit homme qui faisait le voyage pour le compte dudit messager, et de tous ceux qui étaient dans sa troupe, les traduisirent dans le village de Moussac, paroisse de Charmé, où ils prirent et volèrent toutes les hardes et l’argent que conduisait ledit homme appelé Pierre de Saint-Simon, déclarant qu’ils mettaient lesdits homes et femmes à rançon.

    Mais Monseigneur le marquis de Sillery ayant eu avis d’un vol si qualifié, fait sur un messager, personne à laquelle on ne touche point, envoya un gentilhomme devers le sieur Dauriou pour lui déclarer qu’il trouvait son action fort mauvaise pour n’être aucunement dans la loi et l’ordre de la guerre, et qu’il fallait rapporter toutes les choses et ramener les hommes et femmes qui étaient retenus. Et de fait, le sieur Dauriou avait conduire une partie desdites hardes chez le nommé Moulinard, hôte du Dauphin à Verteuil, fait remettre les chevaux audit messager et fait mettre les hommes et femmes en liberté…

    Mais Antoine Desbordes, fils du messager, étant retourné mercredi 25 octobre à Verteuil, avec deux hommes à cheval, pour recouvrer lesdites hardes déposées dans les mains dudit Moulinard, étant même porteur d’un passeport du sieur de Sillery, il fut guetté et attendu en retournant de Verteuil, le lendemain jeudi, village du Pont-de-Churet par d’autres cavaliers du sieur Dauriou, qui l’arrêtèrent et le conduisirent au village d’Argence où ils lui volèrent ses habits, lui prirent quatre pistolets, sept livres qu’il avait en argent, ses bottes et deux chevaux, et ne le renvoyèrent que le lendemain 27 octobre. »

    Le dossier ne dit rien d’autre sur cette dernière affaire. Par contre, il contient les témoignages de plusieurs des passagers qui furent pris comme « otages » par les gens de guerre.

    Pierre de Saint-Simon, 31 ans, « serviteur domestique de François Desbordes, messager ordinaire d’Angoulême à Paris », s’expliqua longuement. « Le samedi 21 octobre, il revenait de Paris par l’ordre de son maître, en la compagnie de François Ballue, sieur de Coursac; des nommés Sauvestre, huissier audiencier au Présidial d’Angoumois, et Pigorget, religieux minime; du père d’Orléans, cordelier; d’un homme et de deux femmes qu’il avait pris à Poitiers pour venir à Angoulême; d’une autre femme et du nommé Mathé de la ville de Poitiers. Etant parvenus au-dessus du lieu de Lizant, ils furent abordés par le sieur Dauriou et neuf à dix autres cavaliers qui lui firent commandement de les suivre. Et n’ayant de quoi se défendre, ils furent contraints de les suivre jusqu’au village de Moussac. Où étant, les gens de guerre firent décharger deux chevaux qu’il conduisait, chargés de diverses marchandises. Et ayant couché deux nuits audit village, le lundi suivant, le sieur Dauriou ayant reçu ordre du sieur de Sillery, il les fit tous conduire en la ville de Verteuil, et ensuite furent mis en liberté et se retirèrent à Angoulême, les marchandises et hardes ayant demeuré dans les mains de Moulinard, hôte de Verteuil. »

    Le témoignage le plus détaillé fut celui de l’huissier audiencier, Pierre Sauvestre. « Environ les trois à quatre heures du soir, il vit venir dix cavaliers à bride abattue, montés avantageusement, qui les abordèrent en criant ‘Tue ! tue ! Il faut tuer !’, deux desquels lui présentèrent le pistolet à la tête et lui prirent son épée, ce qu’ils firent pareillement aux autres. Et pour lors, le commandant dit hautement de ne point frapper, ni tuer, mais qu’il fallait emmener le tout. En chemin faisant, l’huissier apprit par la bouche du commandant qu’il se nommait le sieur de Saint-Amant Dauriou, capitaine d’une compagnie dans le régiment de Conty, et que ledit régiment était logé dans la paroisse de Charmé, terre de Ruffec, à trois grandes lieues de là, que leur quartier était au village de Moussac en ladite paroisse où ils les menaient.

    Etant arrivés, environ les neuf à dix heures du soir, en la maison du nommé Guiochon, incontinent après y avoir mis pied à terre, le sieur Dauriou lui demanda les lettres et papiers qu’il avait sur lui, autrement qu’il le ferait fouiller, lesquels lettres et papiers il fut contraint de lui donner. Ensuite, le sieur Dauriou fit mettre toutes les hardes du messager, les coffres et les boîtes qu’il menait, dans une chambre haute de la maison de Guiochon, et commanda à ses cavaliers de garder les prisonniers, disant qu’il allait avoir le sieur de Moussac, Conseiller du Roi au Présidial d’Angoulême qui était pour alors en sa maison, audit lieu de Moussac. Et lors, l’huissier pria le sieur Dauriou de lui permettre d’aller avec lui, ce qu’il lui accorda. Et étant au logis du sieur de Moussac, le sieur Dauriou lui dit en entrant qu’il était venu pour le prier de le coucher pour cette nuit, qu’il venait de prendre le messager d’Angoulême et ceux de sa compagnie qu’il voulait envoyer le lendemain prisonniers de guerre à Bordeaux, ce qui surprit fort le sieur de Moussac qui fit dresser des lits, tant pour le sieur Dauriou que pour l’huissier. Et le lendemain dimanche 22 dudit mois, le sieur Dauriou alla retrouver ses cavaliers en la maison de Guiochon. Quelque temps après, l’huissier s’y rendit avec le sieur de Moussac. Ils y trouvèrent tous les cavaliers qui avaient coupé les cordes et toiles des boîtes et des coffres qui étaient emballés, tous lesquels coffres ils rompirent. Dans l’un, appartenant au sieur Desbordes, avocat, il y avait quelques meubles d’argent, des papiers, du linge, des habits et autres choses. Et dans les autres, beaucoup de marchandises de diverses façons et, entre autres, quantité de bas pour hommes et femmes, de toutes couleurs. Le témoin vit qu’ils se partagèrent le tout entre eux, à la réserve des papiers, d’un calice et d’une écuelle à oreille en argent, avec sa couverture, qu’on disait appartenant à Mr. l’évêque d’Angoulême, que le sieur Dauriou mit dans les mains du sieur de Moussac pour lui rendre en cas qu’elle lui appartînt. Et après le partage fait, arriva audit lieu le fils dudit Desbordes (le messager) qui venait de Verteuil avec le marquis de Chersays qui commandait ledit régiment de Conty, et un autre gentilhomme avec lui, qui venaient de voir Mr. le marquis de Sillery audit lieu de Verteuil. Ils baillèrent de l’aller trouver à Verteuil, de lui mener ledit messager, sa compagnie et tout ce qui avait été pris. Et ils lui témoignèrent que le sieur de Sillery et eux n’approuvaient pas cette action. Mais comme le sieur Dauriou ne put pas trouver partie de ses cavaliers et complices, ni ce qu’ils avaient eu dudit vol chacun en leur part, le voyage de Verteuil fut différé jusqu’au lendemain 23 dudit mois… Le sieur de Sillery fit rendre les chevaux du messager et lui donna un passeport pour lui et ses gens pour se rendre à Angoulême, ce qu’ils firent le lendemain mardi 24 dudit mois. »

    Source : Emotions populaires en Angoumois, de Gabriel Delâge.

  • En 1645, Ysaac Chasteignier, seigneur baron du Lindois, est veuf de Magdeleine de Pons, fille de Pons de Pons, seigneur de Bourg-Charente. Il se trouve à Paris depuis plusieurs mois à cause d’un grand procès concernant la terre de Bourg-Charente.

    On l’y informe que son fils aîné, Pons Chasteignier, assisté de gens de mauvaise vie, vient de s’emparer par force et violence de son château du Lindois, qu’il en a chassé ses sœurs et tous les domestiques, qu’il a vidé les coffres et pris ce qu’ils contenaient de plus précieux, et qu’il a mis une garnison dans le château pour le défendre et en interdire l’accès.

    De retour de Paris, le baron du Lindois apprend que son fils est parti à Aubeterre avec la moitié de sa garnison. Il saisit cette occasion. Parti de La Rochefoucauld en pleine nuit avec une dizaine d’amis qui l’accompagnent, ils escaladent les murailles du château avec des échelles, surprennent la garnison endormie et se rendent maîtres des lieux.

    Le fils du baron se réfugie alors dans une maison voisine, à la Graule, qu’il fait fortifier, et il continue à terroriser le voisinage. Il vole les chevaux de son père, fait tirer des coups d’arquebuse contre sa fenêtre…

    En juin 1646, le vice-sénéchal de Bellac, avec une dizaine d’archers, arrive au Lindois pour y capturer Pons Chasteignier, le fils rebelle. Accompagné aussi d’une bonne vingtaine d’hommes de la paroisse du Lindois, il se présente au château de Bellat, paroisse de Roussines, où Pons Chasteignier et ses amis se sont réfugiés. Le vice-sénéchal y est mal reçu. Le sieur de Bellat lui dit que son honneur est de conserver Pons Chasteignier puisqu’il lui a baillé retraite, et il menace le vice-sénéchal de lui «envoyer du feu» s’il ne se retire pas. Ce dernier ordonne cependant de commencer à abattre les murailles. Mais la cloche sonne à Roussines et 300 hommes armés accourent au secours du château de Bellat, ce qui contraint le vice-sénéchal de se retirer et de dresser le procès-verbal de ces événements, le même jour, sous la halle du Lindois.

    Source : Gabriel Delâge.

  • Registre protestant de La Rochefoucauld (1679-1680) – transcription – Julien Roland, AGC 2901.

    Le 25e decembre 1679 a esté enterré sur les cinq heures du soir le corps de… juzaud fille de jacob juzaud et de marthe barraud, aagée de trois ans ou environ auquel enterrement ont assisté pierre noblet, & jacques pintaud escoliers qui ont signé… PIERRE NOBLET, JACQUE PAINTAUD.

    Le 28 decembre 1679 a esté enterré sur les cinq heures du soir le corps de anne peyret de feu jean devillemandy marchant aagée de soixante ans ou environ auquel enterrement on assisté pierre barraud et abraham desaunieres qui ont signé… DELAGE, BARRAUD, A. DESAUNIERES.

    Le neuf janvier 1680 a esté enterré sur les six heures du matin le corps de damlle anne pasque aagée de quarante cinq ans ou environ femme dabraham pasquet escuyer sr de luget, auquel enterrement ont assiste charles odet escuyer sr des ombrais et olivier daillon qui ont signé… OLIVIER DE DAILLON, DELAGE, CHARLE ODET.

    Le 19e jour du mois de janvier 1680 a esté enterré sur les six heures du matin le corps de daniel thibaud, vivant marchant taneur, aagé de soixante dix ans ou environ, auquel enterrement ont assisté daniel bertrand, marchant taneur, & jozeph ducoux & aussy taneur qui ont signe… BERTRAND, JOSEPH DUCOUX, DELAGE.

    Le 28e jour du mois de janvier 1680 a esté baptizee par monsr daillon nostre ministre renee col fille de jean col marchant & marie deschamps presentée par jean pintaud marchant et, anne col qui ont dit lenfant estre né le vingt neuf decembre dernier qui ont signé… PINTAUD, MARIE COL, J. COL.

    Le 13e jour du mois de fevrier 1680 a esté baptizé par monsr daillon nostre ministre jean reignaud fils de daniel reignaud marchant et de marthe marvaud presenté par jean pintaud marchant et jeanne raignaud qui ont dit lenfant estre né le dixieme jour du pnt mois sur les onze heures du soir, et ont signé… PINTAUD, REGNAUD, JANE RENARD, DELAGE.

    Le 18e jour du mois de fevrier 1680 ont esté baptizés par monsr daillon nostre ministre pierre & jozué du rousseau fil de izaac du rousseau marchant et de jeanne dulignon presentez par pierre pasquet sr de clouslas et anne marvaud, et jozué brissaud sr de la michelie, et marie lousmeau qui ont dit les enfans estre nez le quinze du pnt mois et ont signé… DUROUSSEAU, P. PASQUET, BRISSAUD, ANNE MARVAUD, MARIE LOUSMEAU, DELAGE.

    Le mesme jour a lissue de la priere ont estez baptizez par monsr daillon notre ministre marie delage fille de jean delage regent et de marie mazat presentee par paul mongin commis aux aydes, et marie delage qui ont dit lenfent estre né le seze du pnt mois sur les onze heures du soir, et jean saury fils de izaac saury advocat et marie trufandier presenté par jean trufandier sr de la peladie et madelaine saury qui ont dit lenfent estre né le vingt cinq du mois de janvier dernier et ont tous signé… J. TRUFANDIER, M. SAURY, MONGIN, SAURY, MARIE DELAGE, DELAGE.

    Le mesme jour que dessous a esté enterré sur les cinq heures du soir le corps de suzanne pasquet aagée de quatre ans ou environ fille de abraham pasquet escuyer sieur de luget et de damoislle anne pasquet auquel enterrement ont assisté theodore mayou docteur en medecine, et daniel mayou me appoticaire qui ont signe… MAYOU.

    Le 17e jour de mars 1680 a esté enterré le corps de jacque lurat, sur les six heure du matin aage de quarante ans ou environ, marchant du dauphiné, auquel enterrement ont assisté henry albert marchant et jean durousseau pintier qui ont signé… DUROUSSEAUX, H. ALBERT.

    Le 25e jour du mois de mars 1680 a esté enterré sur les six heures du soir le corps de pierre guillemetaud aagé de quatre ans ou environ fils de francois guillemetaud me chaussetier et de marie lazare auquel enterrement ont assisté jozeph ducous taneur, et samuel delage qui ont signé… JOSEPH DUCOUX, DELAGE, SAMUEL DELAGE.

  • Touchimbert. Louvois écrivait à l’intendant De Gourgues, le II novembre 1685 :

    J’ai cru devoir vous donner part que les sieurs de Touchimbert frères, gentilshommes de la province d’Angoumois, de la R. P. R., étant venus ici faire des remontrances au roi, Sa Majesté a ordonné qu’ils fussent envoyés à la Bastille (Bullet., 3° sér., IV, 596).

    Ces gentilshommes étaient François Prévost, sieur de Touchimbert et de Saveilles, marié en 1658 à Marthe Joly, et auquel on contestait en 1682 son droit d’exercice à Saveilles, et Casimir Prévost, sieur de L’Islot-Touchimbert, marié en 1657 à Marie de Robillard. Ces vieillards, dont le plus jeune était âgé de soixante-huit ans, avaient un autre frère, Charles Prévost, sieur de Brassac, marié à Catherine de La Rochefoucauld, qui ne lui donna que des filles d’après La France protestante. Casimir avait un fils et six filles, et François, deux fils, lieutenants de vaisseau, qui conservèrent leur grade à la Révocation, on devine à quel prix.

    Le 25 décembre, Louvois autorisait le gouverneur de la Bastille à laisser communiquer avec MM. de Touchimbert et de l’Islot une personne qui devait se présenter pour affaires de la part de M. de Soubise (Arch: Bast., VIII, 360). Le 13 janvier 1686, Louvois écrivait encore à M. de Besmaus :

    Le roi se remet à vous de faire ce que vous jugerez à propos pour la liberté que le baron de Touchimbert demande de pouvoir voir son frère et son fils.

    Le 14, il autorisait l’entrevue de M. de Touchimbert et de M. de L’Islot; le 15, il ordonnait que M. de Touchimbert fût vu par son frère De Brassac, gentilhomme du Bas-Poitou récemment converti, dont les visites contribuèrent à amollir sa résistance. Le 29, Louvois invitait M. de Besmaus à donner à celui-ci l’assurance qu’on le relâcherait dès qu’il aurait abjuré (Ibid., 362, 364). M. de L’Islot en était exactement au même point. Les deux ordres de sortie furent signés presque en même temps: l’un, le 4 février; l’autre, le 7. Les prisonniers durent sortir ensemble le 9 ou le 10, après s’être engagés par écrit à faire abjuration dans la quinzaine (Ibid., 342, 365).

    La cérémonie terminée, le sieur de Touchimbert se retira dans sa province et y vécut longtemps encore, mais toujours suspect en matière de religion. En effet, le 1er janvier 1700, le secrétaire d’État Barbezieux chargeait l’intendant D’Ableiges de l’informer de la conduite de ce nouveau converti (Ibid., 368). Le sieur de L’Islot, au contraire, s’établit à Paris, nous ne savons dans quelle intention. Le 23 mars, il allait à la Bastille solliciter M. de Cagny de suivre son exemple. Un État du 20 novembre 1686 mentionne, parmi les nouveaux convertis logés en la maison de la Tête noire dans le quartier de La Harpe, «le sieur de L’Islot-Touchimbert, gentilhomme proche de La Rochelle, qui a été à la Bastille et qui a abjuré entre les mains du P. La Chaise. Il a trois filles qui sont entrées dans la maison de Mme de Maintenon proche Versailles », c’est-à-dire à Saint-Cyr (Fr. 7051 fo 16). M. de L’Islot figure en 1692 sur une liste de suspects. Une demoiselle de Touchim fut tirée de Port-Royal par ordre du 14 septembre 1689 et conduite chez Mme de Miramion (O1 33). Le 7 mars 1695 (O1 39). Seignelay écrivait à la mère Garnier, supérieure des NouvellesCatholiques: «J’ai signé une ordonnance de 135,990 livres pour M. de Charenton, et cette somme lui sera payée en rentes sur l’hôtel de ville. Sa Majesté a ajouté à cette grâce qui est très singulière une pension de 500 livres pour Mlle de Touchimbert. Ainsi ils peuvent à présent conclure leur mariage. M. de Charenton ne pourroit (ne pouvoit ?) mieux faire que de choisir une demoiselle qui a reçu une si bonne éducation à Saint-Cyr et auprès de vous ». Le brevet de la pension est daté du II avril. Voir Prévost.

    Source : La révocation de l’Édit de Nantes à Paris d’après des documents inédits, d’Orentin Douen.

  • Vers la fin de l’année 1817, le préfet de la Charente, M. de Villeneuve, pria M. Gabriel Garreau, maire de Jarnac, de lui fournir quelques renseignements historiques et statistiques sur les églises réformées de l’Angoumois. A cette demande, renouvelée un mois après, M. Garreau répondit, le 30 janvier 1818, par l’envoi d’une notice trouvée dans les papiers de son beaupère, M. Jacques Delamain, et à laquelle il joignit un tableau statistique. Ce sont ces deux documents que nous publions d’après une copie conservée dans la famille.

    Ce fut en l’année 1534 que Calvin, âgé de vingt-cinq ans, étant sorti de Paris pour échapper aux poursuites que l’on commençait à exercer contre lui, se retira à Angoulême sous le nom de Heppeville, s’y fit appeler Deparçan, y professa la langue grecque et y acheva son livre de l’Institution, dédié à François Ier.

    Plusieurs ecclésiastiques de la ville et des environs adoptèrent sa doctrine, entre autres Louis Dutillet, chanoine d’Angoulême et curé de Claix. Les troupeaux suivaient l’exemple de leurs pasteurs, et c’est ainsi que s’établirent plusieurs églises réformées en Angoumois. Néanmoins, cette province n’envoya pas de députés au premier synode national, qui se tint à Paris en mai 1559, sous le règne de Henri II.

    Au quatrième synode national, tenu à Lyon le 10 août 1563, sous le règne de Charles IX, il est fait mention d’un pasteur de Châteauneuf, le sieur Bordier, et de Ferriol, celui-ci ministre de l’église de Montignac.

    Le sixième synode national se tint à Verteuil en Angoumois, en septembre 1567, sous le règne de Charles IX. L’article 14 du chapitre des affaires générales est digne de remarque. En effet, il porte :

    « Ceux qui falsifieront, déguiseront ou corrompront leurs marchandises suivant la mauvaise coutume du pays, comme font en Poitou les tireurs de drap, seront avertis par leurs consistoires respectifs à n’user plus de telles fraudes mauvaises et tromperies, etc. »

    On adopta la décision de M. Jean Calvin, pasteur et professeur à Genève, sur quinze questions importantes ou cas de conscience qui lui avaient été proposés.

    L’article 6 des faits particuliers signale le nommé Chevalier, vicaire de Chassors, près Jarnac, comme un mercenaire et un abuseur.

    Le prince de Condé avait son quartier général à Jarnac lors de la célèbre bataille où il fut tué, le 14 du mois de mars 1569, et son corps y fut rapporté par le capitaine Dacier, qui rompit le pont de Jarnac en se retirant sur Cognac avec l’infanterie qu’il commandait; la bataille de Jarnac ayant été un combat d’artillerie et de cavalerie, l’infanterie du capitaine Dacier n’avait presque pas souffert.

    Le septième synode national, tenu à La Rochelle du 2 au 9 avril 1571, fut honoré, Charles IX régnant, par la présence de noble dame Jeanne d’Albret, reine de Navarre; de Henri, son fils, prince de Navarre; de Henri de Bourbon, prince de Condé, fils de celui de ce nom qui avait été tué à Jarnac en 1569; de Louis, comte de Nassau; de Gaspard de Coligny, haut et puissant seigneur, le rempart de la religion réformée, grand amiral de France, et de plusieurs autres hauts et puissants seigneurs, amis dévoués de la religion. — Le prince Henri de Condé y fut privé de la cène, parce que l’on avait fait une prise en mer, par ses ordres, après la publication du dernier édit de pacification, qui avait été bien et dûment approuvé par ledit prince.

    Le neuvième synode national fut tenu à Sainte-Foy en 1578, sous Henri III. Le synode, ayant entendu la justification dudit prince Henri de Condé, il fut admis à la communion.

    Au onzième synode national, tenu à La Rochelle pour la deuxième fois en l’an 1581, au mois d’avril, sous Henri III, le député de toutes les églises d’Angoumois fut le sieur Lacroix, pasteur de Jarnac.

    Au douzième, tenu à Vitré en Bretagne, sous Henri III, en 1583, le député de l’Angoumois était M. Dupont, ministre de Verteuil. On y porta plainte de la province d’Angoumois contre l’église d’Angoulême, qui avait refusé l’entretien à son propre pasteur. Plusieurs gentilshommes d’Angoumois se plaignirent aussi que les ministres de la religion refusaient de venir prêcher chez eux, dans leurs châteaux, pendant la semaine et d’y baptiser leurs enfants. On prit des mesures pour faire restituer l’entretien au ministre d’Angoulême et pour faire cesser les plaintes de ces gentilshommes.

    Au treizième synode national, tenu à Montauban en 1594, sous le règne de Henri IV, les églises de Xaintonge, Aunis et Angoumois s’entendirent pour faire une seule province ecclésiastique et envoyèrent pour députés un ministre et un ancien; les articles 2 et 3 des appellations font mention pour la première fois des églises de Cognac et de Saint-Même, et, sur un appel d’une décision du synode provincial concernant M. de Bergemont, pasteur, ce ministre fut assigné à l’église de Segonzac.

    Au quatorzième, tenu à Saumur en 1596, sous S. M. Henri IV, le député de la province ecclésiastique de Xaintonge, Aunis et Angoumois fut M. Pacard, ministre de La Rochefoucauld. Il y fut question de l’église de Barbezieux et de son ministre, appelé Damours, que Madame demanda pour le service de sa maison royale.

    Au seizième, tenu à Gap, en Dauphiné, en août 1603, sous Henri IV, on dressa complétement et minutieusement le nombre des églises desservies de pasteurs et pourvues de ministres, au nombre desquelles étaient, pour le colloque d’Angoumois : Saint-Claud, pasteur Pacard père; La Rochefoucauld, pasteur T. Hog; Larochebeaucourt, pasteur Potard; Jarnac, pasteur Pacard fils; Cognac, pasteur Bargemont; Verteuil, pasteur Colladon; Barbezieux, pasteur Petit; Chalais, pasteur Belot.

    Les députés de la province ecclésiastique étaient Pacard fils, pasteur de Jarnac, et Bernard Javrezac, ancien de l’église de Cognac.

    Au vingtième, tenu à Privas, en 1612, sous le règne de Louis XIII, le député fut Élie Glatinon, avocat à Angoulême; on y prêta serment de fidélité à S. M. le Roy.

    Au vingt-deuxième, tenu pour la deuxième fois à Vitré, en l’an 1617, sous S. M. Louis XIII, l’église de La Rochefoucauld, ayant appelé près du synode général de la sentence du synode provincial, qui avait ordonné de transférer son collège à Pons, en Xaintonge, on fit droit à sa demande, et le collège fut maintenu à La Rochefoucauld.

    Au vingt-troisième synode général, tenu à Alais, en 1620, sous S. M. Louis XIII, on dressa le catalogue des églises et des ministres.

    Le colloque d’Angoumois était alors composé comme suit :

    Jarnac, pasteur Welsch, député; Verteuil et Ruffec, pasteur Gommarc; Aubeterre et S. Aulaie, pasteur Guiraud; Saint-Même, pasteur Beaujeu; Angoulême et Montignac, pasteur Hiver; Segonzac et Lignères, pasteur de Boïenval; Cognac, pasteur Perreau; La Rochefoucauld, pasteur Hog; Bourg-Charente, pasteur Pacard l’aîné; Chalais et La Roche, pasteur Belot; Barbezieux, pasteur Rossel; ces deux dernières églises étaient de la Xaintonge.

    Le vingt-quatrième synode national se tint à Charenton, en 1623, sous S. M. Louis XIII, qui y envoya un commissaire choisi parmi les seigneurs protestants. L’un des quatre députés de l’ouest de la France fut M. Théodore du Lignon, juge à La Rochefoucauld. Il y est fait mention des nouvelles églises réformées de Saint-Claud, de Champagne-Mouton et de Courcelles.

    Le vingt-cinquième fut tenu à Castres, en 1626, sous Louis XIII. A celui-ci, l’un des députés était M. Giraud, pasteur de Barbezieux; il y fut question, pour des affaires en litige, des églises de Chalais et de La Roche. Ces affaires furent réglées au mieux. Le colloque d’Angoumois se composait comme suit :

    La Rochefoucauld et Lindois, pasteur Hog; Angoulême, pasteur Hiver; Cognac, pasteur Gautier; Villefagnan, pasteur Tixeuil; Verteuil et Ruffec, pasteur Gommarc; La Rochebeaucourt et Salles, pasteur de Clave; Segonzac et Lignères, pasteur de Boïenval; Jarnac et Saint-Même, pasteur Patrus; Saint-Claud, Champagne-Mouton et Courcelles, pasteur Ferrand; Barbezieux, pasteur de la Garie; Chalais et La Roche, pasteur Belot. Ces deux dernières de la province de Xaintonge.

    Le vingt-sixième se tint à Charenton pour la deuxième fois, en l’an 1631, sous S. M. Louis XIII, qui continua à y envoyer un commissaire royal. Le commissaire ecclésiastique fut le pasteur de Jarnac Patru; le commissaire laïque fut, pour cette province ecclésiastique, Daniel Pasquet, écuyer, seigneur de LâgeBâton et autres lieux, noble homme, ancien de l’église réformée de la ville d’Angoulême.

    Dans le vingt-septième, tenu à Alençon, en l’an de grâce 1637, sous S. M. Louis XIII, on dressa pour la dernière fois le catalogue définitif des églises réformées du royaume de France et on compta: 806 églises constituées et fréquentées avec assiduité, lesquelles 806 églises étaient desservies par 647 pasteurs. D’après ce catalogue, le colloque d’Angoumois était composé comme suit: Saint-Claud et Champagne-Mouton, Ferrand; La Rochefoucauld et Lindois, Clave; Jarnac et Saint-Même, Patru; Angoulême et Montignac, Hiver; Cognac, de la Garie; Villefagnan, Tixeuil; Verteuil, Ruffec et Châteaurenard, Gommarc; BourgCharente, Constans; Segonzac et Lignères, Carrier; Larochebeaucourt, Marchant; Salles, Pacard (Jean); Barbezieux, Cazeaux; Chalais et La Roche, Belot; Saint-Aulaie, sans pasteur pour le moment; ces derniers étaient du colloque de Xaintonge.

    Il est fait mention, au chapitre XIV, de M. Daniel Loquet, ancien et lecteur de l’église de Barbezieux.

    Le chapitre XXVII contient des plaintes qui furent adressées à S. M. le roi sur les persécutions dont quelques églises commençaient à souffrir et sur la destruction violente de quelques autres, telles que celles de Verteuil et de Lhoumeau en Angoumois. Le commissaire royal promit de faire droit à ces justes requêtes.

    Le vingt-huitième synode national se tint pour la troisième fois à Charenton, en décembre 1644 et janvier 1645, sous le règne de S. M. Louis XIV et sous la régence de son auguste mère Anne d’Autriche, et en vertu d’un mandement royal. Le commissaire royal fut M. de Boisgrollier, dont la harangue fut des plus remarquables. Le synode envoya une députation à S. M. le jeune Roi et adressa une lettre collective à S. M. la Reine régente. L’un et l’autre honorèrent l’assemblée d’une réponse gracieuse et satisfaisante. Le chapitre XI des appellations, article 33, maintient la réunion des églises de Champagne-Mouton et de Saint-Claud, et fait mention des bienfaits que le très honorable seigneur comte de Roussi accorde à ces deux églises et confirme le sieur Ferrand comme leur pasteur.

    Le vingt-neuvième synode général et national se tint à Loudun en 1659, depuis le 10 de novembre de cette même année jusqu’au 10 de janvier de l’an 1660, sous S. M. Louis XIV, après un intervalle de vingt-six années et en vertu d’un mandement de S. M. le Roi, daté de Bordeaux du 16 de septembre précédent.

    La province ecclésiastique de Xaintonge, Aunis et Angoumois y avait quatre députés, desquels étaient les sieurs Gommarc, pasteur de Verteuil, dont l’église, selon la promesse royale, avait été réédifiée, et le sieur François de Lacous, écuyer, noble homme, seigneur de Courcelles et autres lieux, ancien de l’église réformée de Cognac. Le commissaire de Sa Majesté était M. de Magdelaine, conseiller au Parlement de Paris. Le député général des églises protestantes de toute la France fut M. de Ruvigny; on y entendit la harangue du commissaire royal et la réponse du modérateur. Le synode adressa une lettre à S. M. le Roi, une autre à S. M. la Reine, et une troisième à S. E. le cardinal de Mazarin. On y fit la lecture de la réponse obligeante de Sa Majesté, ainsi que celle de la lettre de S. E. le cardinal de Mazarin, qui disait : « Le Roi est bien persuadé par effet de la fidélité inviolable, du patriotisme infini et du zèle des réformés pour le service de Sa Majesté. Et pour moi, j’ai une grande estime pour eux, comme ils le méritent, étant si bons et si loyaux sujets de leur monarque. » Le synode se plaignit au commissaire de S. M. le Roi de l’état déplorable auquel étaient réduites plusieurs églises et de la persécution que plusieurs éprouvaient déjà. Il y eut une commission nommée et présidée par le député général des églises réformées de France, M. de Ruvigny, pour présenter à S. M. le Roi le cahier des plaintes et doléances, avec une lettre au cardinal de Mazarin.

    Le chapitre IX, article 15, des appellations fait mention de l’église de Jarnac et de son pasteur, le sieur Hamilton.

    Ce fut là le dernier synode général et national autorisé par le Roi. L’anéantissement de la religion protestante de France ayant été dès lors résolu et décidé par Sa Majesté dans ses conseils, on démolit les temples, on persécuta les pasteurs, on dissipa les assemblées religieuses, on enleva les enfants, et enfin on révoqua le célèbre édit de Nantes, octroyé par S. M. Henri IV.

    L’église réformée de Jarnac, la plus importante, sinon numériquement, du moins comme autorité et comme composition, de toute la province, possédait un cimetière peu éloigné de la paroisse et quelques journaux de prés situés dans la prairie de Bourg-Charente et qui portent encore (1795) le nom de prés du Consistoire. Le temple fut détruit; il devint une grange du prieuré; il a été vendu pendant la révolution de 1789 et sert actuellement de magasin à eaux-de-vie. Le cimetière fut accordé aux catholiques, parce que le leur, qui environnait l’église paroissiale, devint un jardin pour le prieuré. Les prés furent donnés purement et simplement au petit séminaire de Saintes, et ensuite aliénés au profit dudit séminaire. En 1793, le consistoire, alors reconstitué, de Jarnac fit des démarches par l’entremise de M. Jacques Delamain, ancien de l’Église et membre du Directoire de la Charente, auprès des directeurs, ses collègues, pour tâcher de faire rentrer l’église en possession de ces prés; mais le Comité des domaines nationaux, vu les décrets sur les biens des émigrés, maintint naturellement le principe des aliénations faites par l’État, et on ne put même pas obtenir un équivalent.

    Il est une importante remarque à faire sur l’esprit naturellement bienveillant et paisible des habitants de l’Angoumois et de la Saintonge: c’est que, pendant le plus grand feu des persécutions religieuses, au moment même des massacres et des Dragonnades, les protestants de cette province ecclésiastique, comprenant tout l’ouest de notre pays de France, ont souffert patiemment, sans exciter ni troubles ni révoltes. Il est juste d’ajouter aussi que la répression fut relativement modérée, et que, s’il y eut un nombre énorme d’abjurations forcées, on n’y conserve le souvenir d’aucune exécution sanglante ni à l’égard des pasteurs, ni sur les chefs de famille, comme cela est malheureusement arrivé dans les provinces limitrophes.

    Les troupeaux des fidèles ayant été dispersés, les pasteurs en partie détruits, les temples partout renversés, l’Église protestante de France, non anéantie, grâce à son inébranlable foi dans son bon droit et dans son avenir, mais réduite aux abois, résolut virilement, et malgré les risques et périls, de tenir au désert, dans le Bas-Languedoc, en 1744, après une épouvantable tempête de quatre-vingt-cinq ans, un synode national pour rassembler quelques débris épars, conserver la saine doctrine de l’Évangile, rectifier la discipline ecclésiastique des pasteurs assez énergiques pour exercer encore leur saint ministère, réchauffer le zèle des fidèles et remonter tous les courages.

    Il y assista un petit nombre de députés assez hardis pour risquer leur vie et assez zélés pour affronter tous ces dangers. Celui qui représenta la province ecclésiastique (Angoumois, Aunis, Saintonge, Poitou et Périgord) fut M. Loire, pasteur, accompagné de deux anciens de cette dernière province.

    A l’ouverture de cette assemblée on jura, malgré les persécutions de près d’un siècle, une fidélité inviolable à S. M. le roi Louis XV. Ce fut M. Rabaud le père qui fut élu modérateur. On y apprit, pendant le cours des séances, la cruelle maladie qui menaçait alors les jours du roi Louis XV, et on fit des prières solennelles pour sa conservation.

    Il se tint encore quatre synodes nationaux au désert, dans les années 1748, 1756, 1758, et enfin le dernier en 1763, dans lesquels on renouvela chaque fois le serment d’inaltérable fidélité au monarque. On lui adressa une requête ou supplication pour le soulagement ou la cessation des maux infinis qui affligeaient l’Église protestante. L’un des nombreux actes qui concernent l’Angoumois porte la réunion à la Saintonge de l’église de Bordeaux et son incorporation dans la province ecclésiastique de l’Église réformée.

    Les assemblées religieuses se tenaient en plein air, dans les bois, où se faisaient des lectures pieuses, des prières adaptées aux pénibles circonstances; on y en tendait le chant des psaumes de la versification de Marrot. On y recevait quelquefois la visite tant désirée des pasteurs assez zélés et courageux pour venir, au péril de leur vie et malgré mille dangers, baptiser les enfants, consoler les affligés, prêcher le saint Évangile et administrer la cène.

    Pendant de longues et dures années de persécution, les fidèles protestants de Jarnac, Segonzac, Mainxe, Bourg-Charente et les environs se rassemblèrent dans la commune de Mainxe, au lieu appelé la Combe-desLoges; ensuite, plus tard, ceux de Jarnac se réunirent au village de Julienne, distant de leur ville de demilieue, jusqu’en 1760, où, profitant de la tolérance tacite de Sa Majesté, ils firent l’acquisition d’un local situé dans les faubourgs de leur ville.

    Ceux de Cognac, Segonzac, Linières se procurèrent des maisons d’oraisons; mais les églises réformées d’Angoulême, de La Rochefoucauld, de Verteuil et les autres de la province d’Angoumois ne purent se relever, et le nombre des protestants y diminua considérablement et graduellement s’y anéantit tout à fait.

    Dès l’année 1755, les églises du Bas-Angoumois tinrent des registres particuliers de baptêmes et de mariages. Elles eurent enfin des pasteurs fixes et organisèrent des consistoires et des colloques pour leur bonne administration intérieure.

    Lorsque l’édit royal de 1787 eut établi la forme légale pour donner aux protestants la possession d’état pour toute la France, M. Lambert des Andreaux, lieutenant particulier au présidial d’Angoulême, se rendit à Jarnac avec son greffier, et là, assisté du pasteur de l’église réformée de Jarnac, il reçut déclaration de tous les mariages et de toutes les naissances des familles protestantes du Bas-Angoumois, Cognac excepté. Il leur fit, en outre, remettre des expéditions en règle; il en déposa la minute au greffe d’Angoulême et fit abandon aux pauvres de la portion des honoraires lui revenant de ce chef; conduite en tous points digne d’éloges.

    A l’époque des premières lois de l’Assemblée constituante, concernant les règlements définitifs sur l’état civil, tous les consistoires de France firent remise en règle de leurs registres à leurs municipalités respectives. Jarnac se conforma à cette formalité.

    La province ecclésiastique de Saintonge, Angoumois, Aunis, Poitou, Périgord et Guyenne a tenú vingt-six assemblées ecclésiastiques, sous le nom de synodes. provinciaux, depuis l’an 1759 jusqu’en l’an 1791, pour y traiter de la discipline et de l’administration intérieure des églises réformées de sa juridiction. Celui qui fut tenu à Jarnac en 1787, à la maison de campagne de Nanclas, de M. Jacques Delamain, est le plus important et le plus remarquable, soit par la dignité de sa tenue, soit par le nombre des pasteurs et des anciens que toutes les provinces de la juridiction y députèrent, soit par l’importance des matières qui y furent discutées et traitées, soit enfin par la manière noble, généreuse et affable dont le propriétaire de Nanclas accueillit tous ceux qui le composèrent.

    Le synode provincial suivant se tint à Bordeaux en 1789, à l’époque précise de l’ouverture des États-Généraux de 1789. Les sentiments de loyauté des protestants de nos contrées ne se démentirent point, et l’attachement des réformés à leur pays et à la maison de Bourbon, qui animait en général les protestants de la France entière, se manifesta dans tous les actes des délégués de toutes les églises du ressort.

    Le vingt-sixième et dernier synode provincial se tint à Gemozac en Saintonge, en 1791, au mois d’août.

    Le suivant fut indiqué pour se tenir à Segonzac, sans date précise indiquée; mais, par la force des circonstances, il n’a jamais eu lieu.

    Annexé au document et plus moderne.

    Pendant la tourmente révolutionnaire, quelques églises de l’Angoumois s’éteignirent; plusieurs pasteurs, par force majeure, durent quitter ou suspendre leurs fonctions; il n’y eut plus aucune assemblée synodale, et ce n’est que depuis le décret du 25 thermidor an XI que les églises consistoriales ont pu prendre leur forme actuelle.

    L’existence politique de la religion réformée est fondée aujourd’hui sur la charte constitutionnelle octroyée aux Français par le roi Louis XVIII.

    D’après les derniers recensements, l’église consistoriale de Jarnac est composée d’environ 3,400 membres.

    Jarnac, le 25 janvier 1818.

    Le Maire de Jarnac,

    Signé Gabriel Garreau.

    Source : Philippe Delamain.

  • Les titres de cette famille de Chièvres furent détruits en 1588. Voici comment.

    Pierre de Chièvres, qui professait le protestantisme, venait de faire abjuration et d’embrasser la religion catholique, lorsque le 3 février de cette année une troupe de catholiques prétendant que sa conversion n’était pas véritable, s’emparèrent de sa maison de la Vallade qu’ils mirent au pillage, le retinrent prisonnier pendant six semaines avec ses trois enfants, vendirent une partie de ses biens, l’emmenèrent ensuite au château de la Bernardière, où ils le retinrent trois jours; de là le conduisirent et le gardèrent à Château-l’Evesque pendant neuf semaines. Pierre de Chièvres obtint enfin sa liberté moyennant 100 écus de rançon, mais ses deux enfants restèrent prisonniers ; il fallut employer la force, et que le roi, par lettres patentes du 9 mars 1588, déléguât le Vte de la Guierche, gouverneur de la Marche, pour faire rentrer Pierre de Chièvres dans ses biens, et lui faire rendre ses enfants; les dégâts commis chez lui et les pertes qu’il éprouva peuvent s’estimer, dit le procès-verbal d’enquéte, a environ 9,000 liv. Quelques années après, Marc de Chièvres, fils de Pierre, eut à soutenir un procès contre les habitants de la Psse de Buxerolles, qui voulaient le faire taillable et lui enlever sa qualité de noble; mais un arrêt de la cour des aides du 23 mars 1662, signé Dumoulin, le maintint dans sa noblesse, et condamna les habitants de Buxerolles à payer les sommes que ledit de Chièvres aurait payées s’il avait été reconnu roturier.

    Source : Dictionnaire historique et généalogique des familles de l’ancien Poitou.

  • M.de Bernage, intendant à Limoges, au contrôleur général des finances (Michel Chamillart)

    Le 2 juillet 1701

    Il y a quelque temps qu’ayant donné avis au Roi de la mauvaise conduite des nouveaux convertis de la ville de la Rochefoucauld et désigné le sieur Pasquet et le sieur Villemandy, son gendre, comme ceux qui avoient le plus de part à leur opiniâtreté, S. M. m’envoya ses ordres pour faire mettre le premier dans la prison que je choisirois et pour exiler le dernier à Limoges. L’exécution de ces ordres a eu un si heureux succès, qu’en peu de temps, le sieur Pasquet s’étant converti dans le château d’Angoulême, et le sieur de Villemandy à Limoges, ils furent renvoyés chez eux, où leur exemple a procuré un très grand nombre de conversions, et j’ai tout lieu d’espérer encore un meilleur effet de leur persévérance. Comme je crois qu’on ne peut rien faire de plus utile pour le progrès de la religion que de donner des marques de satisfaction à ceux qui tiennent une pareille conduite, et que c’est un des points de nos instructions, j’ai offert au sieur Pasquet et à sa fille les services qui dépendroient de moi pour leur procurer quelque grâce de S. M. Il m’a paru souhaiter avec passion d’être anobli, ne demandant point cet avantage purement gratis, mais qu’il plût à S. M. de remettre en sa faveur une partie considérable de la finance qu’il a fixée pour les lettres de noblesse, dont il en reste encore quelques-unes à vendre dans cette généralité. Je vous supplie de me marquer s’il y a lieu d’espérer cette grâce, qui me paroit d’autant plus aisée à lui accorder, que, d’un côté, S. M. n’aura rien à débourser, et que, d’un autre, le sieur Pasquet n’en est pas indigne. Il est de bonne famille, proche parent de M. de Gourville, dont le mérite porte recommandation. Il a été longtemps intendant de M. le duc de la Rochefoucauld pour les affaires des terres qu’il a dans ce pays; il s’en est acquitté à sa satisfaction, et n’a cessé d’avoir cet emploi qu’à cause de la religion. Il a été conseiller de feu Monsieur le Prince et en a conservé les privilèges, comme tous les autres officiers de ce prince, par un arrêt du Conseil donné en leur faveur; aussi il jouit actuellement de l’exemption des tailles, et le lieu ne sera point foulé par le rejet de son taux. Il a enfin toujours vécu très honorablement et en fort honnête homme, à sa religion près. Il est certain que cette marque de distinction en sa faveur feroit un effet excellent pour le progrès de la religion catholique.

    On réduisit de moitié, c’est-à-dire à 3,000 #, la finance due pour cet anoblissement. (Lettres des 9 août et 28 novembre.)

    Source : Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les intendants des provinces, de 1699 à 1708.