Généalogie Charente-Périgord (GCP)

Sélection d'articles sur le thème de l'Histoire et du Patrimoine.

  • 1685. — Abjuration de Michel Martin, sieur de la Brande.

    « Le vingt et neufiesme jour du mois de septembre mille six cent quatre vingt cinq, Michel Martin, sieur de la Brande, paroisse de Poursac, s’est présenté devant Nous, curé de Coutures, lequel nous a dit et déclaré qu’il avait si devant vescu dans l’hérésie du luter-calvinisme (sic), mais qu’en ayant connu la fausseté il renonce présentement au susdites hérésies et proteste de se soumettre à l’avenir à la foy de la religion catholique apostolique et romane, dans laquelle il a promis de vouloir vivre et mourir, dont il nous a requis acte, ce que nous lui avons accordé et lui avons donné l’absolution de l’hérésie ; fait le jour et an que dessus en présence de Jean de la Veine, Maître chirurgien, et de Pierre Vidaud, sieur de Grandchamps, lesquels parties et tesmoins ont signé avec nous. Dupuy, curé de Coutures. »

    (Société de l’histoire du protestantisme français, 1932)

  • Montembœuf, 30 août 1830.

    Monsieur le sous-préfet,

    M. de Landrevie, auquel je suis attaché par les liens de la plus sincère amitié, ayant donné sa démission de sous-préfet, je m’empresse de vous féliciter et de vous dire combien le choix que sa majesté vient de faire de votre personne, pour le remplacer, m’est agréable, ainsi que de tout l’intérêt que je mettrai à cultiver votre connaissance, soit comme administrateur, soit comme simple individu.

    Toutefois, monsieur le sous-préfet, je crois devoir vous faire ici ma profession de foi, qui toujours a été depuis le commencement de la Révolution la même. Je me rattache de cœur et d’âme au gouvernement de Philippe 1er, comme je me suis rattaché dans le temps à la République, au Consulat, à l’Empire, à la régence de Marie-Louise, à Louis XVIII, aux Cent-jours, encore à Louis XVIII et à Charles X. Je veux un gouvernement. Sous quelque forme qu’il soit, je l’accepte ; il ne m’appartient pas, simple individu, de décider lequel serait le meilleur. Il me suffit d’en avoir un pour que je désire ardemment qu’il se maintienne, parce quejeneveux pasl’anarchie ; je la déteste, je l’abhorre ! Voilà ma profession de foi la plus sincère; je veux l’ordre, et sans gouvernement il n’y en a pas. Agréez, etc…

    Gros-Montemboeuf (*).

    * Gabriel Gros de Montemboeuf (1769-1853) : maire de Montembœuf, conseiller d’arrondissement de Confolens.

    Source : Études historiques et administratives, de Léonide Babaud-Laribière.

  • Les habitants du Confolentais étaient nombreux sur un sol difficile et vivaient souvent mal. Malgré l’incertitude due aux dénombrements par feux et en recoupant les estimations de 1789 avec les statistiques plus précises de l’époque impériale (conscription oblige…), nous pouvons estimer sûrement la population dans les limites de l’actuel arrondissement comprise entre 55 000 et 60 000 habitants en 1789 c’est-à-dire beaucoup plus qu’au recensement de 1982 (près de 40 000 habitants). Après une réelle poussée démographique au XVIIIe siècle, les campagnes étaient plus chargées que les villes : la population de St Maurice des Lions (limites de l’actuelle commune) peut être estimée supérieure à celle de Chabanais et de peu inférieure à celle de Confolens (comprise entre 2 200 et 2 500 habitants). Les productions agricoles reposaient sur l’élevage et les brandes et landes incultes mentionnées par Munier n’étaient pas forcément inutilisées. Les assolements très variés pour les cultures permettaient aussi des jachères pâturées étendues. Ajoutons-y les prés de fauche et les prairies nombreuses, quoique mal drainées, et nous obtenons la base d’un élevage bovin étroitement relié au commerce vers les centres de consommation. Un rapport circonstancié présenté au district en 1790 par un riche propriétaire, Prévost Du Marais, avocat résidant à Lessac, décrit l’agriculture et le commerce du bétail avant 1789; on en retire l’impression d’une réelle prospérité jusque vers 1786 où le Confolentais envoyait force boeufs gras aux marchés de Sceaux et de Poissy. Ensuite vient la crise qui plonge les habitants «dans l’abattement et le désespoir» avec l’effondrement les prix : un veau de 3 à 4 mois ne trouve plus d’acquéreur pour l’embouche et se voit céder aux boucheries pour 30 livres contre 150 «ce qu’il vendait en premier lieu». Prévost Du Marais estime la baisse de production à un tiers entre 1786 et 1789 et il accuse ouvertement les importations de bœufs étrangers «le plus funeste des abus» autorisées par le ministre Calonne. Gros propriétaires et négociants se plaignent de la conjoncture parfois en exagérant mais leurs difficultés semblent bien réelles et n’ont pu manquer de rejaillir sur la masse des métayers, bordiers et colons partiaires qui dominaient numériquement nos campagnes. Ces derniers ont dû pâtir aussi des aléas climatiques à partir de 1785 : hivers rudes, sécheresse se conjuguent pour amputer les productions et faire grimper les prix : le témoignage du curé de Mauprévoir (paroisse poitevine proche du Confolentais) est éloquent : «L’hyver qui commença de se faire ressentir le 2 décembre 1784 n’a cessé que le 28 may 1785. Ces cinq mois se sont passés en neiges continuelles», «les pâturages ont été totalement perdus». Vient l’été «le bled étouffé par la sécheresse a jeté le désespoir dans tous les esprits». Une disette s’ensuit avec la classique envolée des prix qui fait murmurer le peuple contre les accapareurs. Le rapport de Prévost Du Marais mentionne aussi la prépondérance du seigle parmi les grains cultivés, le froment est présent de façon inégale et nous savons par Munier que le blé noir, les méteils voire le «blé d’Espagne» (le maïs) sont cultivés notablement dans le Confolentais d’avant 1789. Les châtaigniers fournissaient un appoint apprécié, les récoltes habituelles de grains ne suffisant pas à la nourriture des habitants. Les vignes étaient rares mais non absentes : les doléances de Saulgond mentionnent les «vins médiocres» de la paroisse vendus dans le Limousin et les habitants de St Maurice et Lésignac sur Goire vocifèrent à propos des droits sur le commerce du vin «source de l’inquisition la plus révoltante». L’artisanat textile assez répandu permettait de subsister malgré l’absence de manufacture d’étoffes : le district déplore en 1790 la laine achetée par les marchands de Limoges qui la revendent travaillée à Confolens et cherche «un entrepreneur intelligent». Chanvre et lin étaient vendus à la foire de Verteuil. La tannerie était assez active et travaillait les peaux locales surtout dans les quartiers de la Fontorse et du Pont du Goire à Confolens. Le Confolentais ne vivait donc pas en autarcie complète et dépendait des flux commerciaux et de leur dégradation juste avant 1789. La crise multiforme des pouvoirs de l’Ancien Régime entraîne la convocation des États Généraux, les Confolentais allaient être appelés à délibérer en mars 1789 pour exprimer leurs «plaintes, remontrances et doléances», et désigner leurs délégués des trois ordres dans le cadre judiciaire des sénéchaussées.

    Source : La Révolution française à Confolens, de Pierre Boulanger.

  • Si à Saint-Pardoux l’élément noble fait presque défaut, en revanche on y rencontre un grand nombre de membres de cette petite bourgeoisis que les habitants des villes traitaient dédaigneusement de « bourgeois de campagne » : petits propriétaires, officiers de justice, offlciers ministériels, chirurgiens, marchands, etc.

    Presque tous pour se distinguer, — les familles étaient alors nombreuses et souvent aussi pour imiter la noblesse, — prennent le mon d’une de leurs propriétés, d’une Inaison, voire d’une simple pièce de terre, qu’ils font précéder des mots sieur de, et, dans le langage coulant, autant par politesse que par habitude, ils ne sont désignés que sous ce nom d’emprunt qu’ils affectent de seul signer. Un Fourichon, propriétaire de la maison où était installée la poste, s’intitulait sieur de la Poste et signait seulement : la Poste.

    Ce travers très marqué à Saint-Pardoux était général, et il n’a point échappó au grand railleur du temps, Molière, qui critique « cet abus de quitter le vrai nom de ses pères :

    Je sais un paysan qu’on appeloit Gros-Pierre,
    Qui n’ayant pour tout bien qu’un seul quartier de terre,
    Y fit tout à l’entour faire un fossé bourbeux,
    Et de Monsieur de l’Isle en prit le nom pompeux. »

    D’autres ne se contentent pas de s’affubler d’un nom de terre, ils prennent encore les titres de noble homme et d’écuyer dans les actes publics, bientôt s’appuyant sur ces qualités dont ils se sont ainsi emparés, ils parviennent à se faire attribuer les privilèges de la noblesse : exemption de taille, d’impôts, prééminences dans l’église, etc. Mais l’autorité veille, et de temps à autre, ordonne à ces pseudo-nobles de produire leurs parchemins : il faut s’avouer roturier, aveu doublement pénible, pour l’amour-propre et pour la bourse, l’usurpation de noblesse étant punie d’une forte amende. En 1640, plusieurs habitants de Saint-Pardoux sont condamnés comme usurpateurs de noblesse : François Pourten, juge, à 800 l. d’amende; Pierre Darpes, avocat, et Son frère, Jean, sieur du Chatenet, à 320 l.; Jean Fourichon, maître de poste, et sa nièce, à 220 l., Jean de La Peyronnie, notaire, à 200 l.

    Disons tout de suite, à la décharge de cette accusation de vanité, que nos bourgeois ne se laissèrent pas entraîner par le délire armorial qui passa sur la France vers 1696 : les caisses de l’État étant à sec, tous les impôts créés et poussés à leur extrême limite, il ne restait plus qu’à imposer la vanité; c’est ce que fit Louis XIV par son édit de novembre 1696, qui institua l’Armorial Général de France : tous ceux qui désiraient des armoiries n’avaient qu’à les faire enregistrer au bureau établi au siège de chaque bailliage, en payant un certain droit; pour rendre cette mesure plus efficace, défense fut faile sous peine d’amende de se servir d’armoiries non enregistrées. Malgré la misère du temps, le nombre de ceux qui se précipitèrent vers les bureaux fut immense et ce nouvel impôt produisit une Somme considérable. La table générale de cet armorial ne renferme pas de noms appartenant à la bourgeoisie de Saint-Pardoux.

    Par contre, les commis de d’Hozier imposèrent d’office au bourg de St-Pardoux ces armes parlantes : d’azur au pont d’or sur une rivière ondée d’argent, surmonté d’un lion léopardé d’or.

    La plupart de ces bourgeois étaient de petits propriétaires possédant quelques métairies cultivées, comme aujourd’hui, par des colons partiaires; ils augmentaient leurs faibles revenus en exerçant des offices ou des charges : nous avons dit qu’il y avait eu jusqu’à douze officiers de justice à St-Pardoux, plusieurs notaires et sergents, un contrôleur, des praticiens clargés d’alimenter la chicane, sans compter les agents du couvent.

    Si l’on en juge par leurs prix de cession, ces charges devaient être d’un bien petit produit : une étude de notaire à St-Pardoux se vend 374 l. en 1761; celle de Saint-Front 30 l. en 1737; en 1785, la même est cédée pour 300 l. Le greffe de la baronnie de la Renaudie s’acquiert 540 l. en 1733. Nous n’avons rencontré qu’un petit nombre d’actes de cette nature, car autrefois ces chârges ne sorlaient guère des familles qui les possédaient : ainsi les Lapeyronnie ont été notaires de 1686 à l’an XII.

    Ceux dont l’instruction n’était pas suffisante pour occuper ces postes, affermaient les dîmes et les seigneuries des grands et des couvents qui trouvaient plus commode de toucher une redevance fixe que d’administrer eux-mêmes. Ceux-là généralement désignés sous le nom de marchand-fermier, étaient de véritables traitants exploitant à la fois le bailleur et le paysan; ce dernier surtout qui était en butte à leurs exactions et les voyait s’enrichir à ses dépens, les détestait vivement : c’étaient, — si parva licet… —, de petits fermiers généraux.

    A cette époque, la fortune mobilière n’existait pas; les lois, du reste, prohibaient le prêt à intérêt comme entaché d’usure. On éludait bien cette défense en coInstituant des rentes au profit du prêteur, l’emprunteur devenant ainsi un vendeur de rente, mais la part de celles-ci était très faible dans la fortune publique de notre bourg. Plus grandes étaient celles formées par les rentes foncières créées en aliénant un immeuble.

    Si les revenus étaient faibles, les besoins n’étaient pas grands : les objets de consommation, ne pouvant s’exporter par la difficulté des chemins, se vendaient à vil prix, le luxe, même le simple confortable, était inconnu; les anciens inventaires sont là pour nous en donner une preuve palpable. Parmi les nombreuses pièces de cette nature que nous avons rencontrées, nous retiendrons comme type celui qui fut dressé en 1750 au décès du juge Jean Beausoleil; il montrera ce qu’était l’intérieur d’un bourgeois aisé.

    Dans la cuisine, la principale pièce où se tient la famille, il y a un chalit de noyer sur lequel le juge est mort. Ce lit est recouvert d’étoffe jaune avec une couverture de Catalogne blanche; un autre lit semblable; deux coffres à l’antique; une table ronde; une armoire de cerisier à deux portes; cinq flambeaux de cuivre jaune; un fauteuil à deux bras couvert d’étoffe jaune; six grandes et six petites chaises en noyer; deux naies à apprêter le pain. Dans la grande chambre, il y a deux cabinets où se trouvent 4 flambeaux, 7 plats, 6 douzaines d’assiettes d’étain et une assiette plate percée pour servir les gobelets et verres à table, le tout d’étain; 38 cuillers et fourchettes de fer; 4 cuillers et 2 fourchettes de cuivre jaune; 6 bassins de même métal; une pinte, une tereière, une chopine et un quart d’étain; deux balances; une paire de fers à gauffres; deux lizavoirs à passer le linge. Dans cette chambre existent encore trois lits garnis d’étoffe jaune bordée d’un ruban bleu; un cabinet de noyer, deux tables, 9 chaises, 4 escabeaux; un fauteuil à quatre anneaux de fer pour le рогter; un miroir avec cadre en noyer.

    Une petite chambre est plus luxueusement meublée; au milieu une table ronde couverte d’un tapis vert bordé de jaune; 7 chaises de jonc tressé; un fauteuil, deux lits garnis d’étoffe verte; deux cabinets, l’un contenant les papiers de famille, l’autre la mince bibliothèque du juge : l’ordonnance de 1667; Stile de M. Goret sur l’ordonnance civile; deux dictionnaires latins et les offices en latin. Les murs sont ornés d’un crucifix et d’images pieuses dans des cadres de bois. Une dernière chambre contient 3 lits à l’ancienne mode. Dans le cellier une pièce de vin vieux « que nous avons fait percer, dit le notaire, et l’avons trouvé bon D et quatre pièces de vin pour les domestiques, « icelui gouté, l’avons trouvé bien aigre. »

    Les cabinets regorgent de linge : l’inceuils de toile de brin, de toile barradis, nappes de brin ouvrées, de toile étouppe, serviettes de toile de brin plénières, etc. La garde robe du défunt est plutôt modeste : un habit complet d’étamine de maison de couleur marron; un autre habit d’été de même couleur et un manteau de barracan de maison doublé de cadis. N’oublions pas les armes, une carabine de trois pieds de long; une paire de pistolets montés en érable de la façon de la Brande, maître armurier du Maine, avec la calotte et les garnitures de fer; une épée à poignée de cuivre jaune.

    L’intérieur de Pierre Planchas, sieur de la Valette, décrit vers la même époque, nous révèle quelques objets plus précieux : deux montres, l’une jaune, gravée en dedans H. Filloeul, à Benille, sous cristal, et l’autre garnie de chagrin avec des clous jaunes; deux tableaux représentant des figures de dame; un autre représentant la Vierge, l’Enfant, un religieux et une religieuse. Pour terminer, donnons la garderobe de la maîtresse de la maison, certainement une élégante du temps : une robe rayée en soie; une robe et jupe de damas, couleur citron; une jupe de damas bleu; deux robes de gros de Tours, l’une unie, l’autre rayée.

    Après avoir fait connaître ce qu’étaient ces bourgeois et leur genre de vie, oitons les nons des plus marquants d’entre eux.

    En tête viennent les Pourtent, dont nous avons déjà parlé et qui voyaient leur noblesse contestée : leur origine bourgeoise était certainement fort ancienne, aussi antique que celle des Darpes : Jean Darpes dit de Pontouron avait épousé vers 1590 Jacquette Vidal; il était fort proche parent de Jean Darpes, avocat en parlement; celui ci était le grand père de Pierre Darpes, curé de Coutures et docteur en théologie, et d’autre Pierre Darpes (1672-1753) sieur du Chastenet, chevalier de Saint-Louis, lieutenant de cavalerie, qui, à la suite de blessures reçues au service, fut, par brevet du 17 août 1714, signé Louis, affecté à une compagnie d’invalides au château de Niort; son cachet, empreint Sur son testament portait d’azur à un chevron d’or accompagné de deux étoiles ou molettes d’éperon en chef et en pointe de trois fers de lance.

    Andrieu Beausoleil (1585-1660), notaire, juge de Vaugoubert et lieutenant de Saint-Pardoux, eut des descendants qui conservèrent cette dernière charge : Jean Beausoleil (1682-1750), tint la charge de juge qu’il laissa à son petit-fils, Antoine Beausoleil; celui-ci fut le premier maire de Saint-Pardoux à la Révolution; il devait être lettré, car il était à Saint-Pardoux le correspondant de la Gazette de France.

    C’est à coup sûr lui qui fît peindre sur sa demeure, — un antique et massif logis flanqué d’une tourelle dans laquelle s’inscrivait un escalier de pierre aboutissant à de vastes Salles hautement lambrissées, — cette devise hospitalière :

    A beau Soleil Bon Logis
    SINE SOLE NIHIL
    Bourdeaux.

    La première ligne était tracée sur une banderole; la troisième indiquait säns doute la direction de Bordeaux.

    Les Bonamour sont cités dès le XVIe siècle : l’un d’eux, qui était notaire, eut pour flls Pierre Bonamour, sieur des Combes, conseiller du roi, qui fut pourvu de la charge de maire créée en 1691. Il épousa le 7 octobre 1693 Marie de Champagnac. Les Quilhac étaient représentés en 1599 par Jean qui était notaire. Vincent Quilhac, sieur de Poneyraud, fut lieutenant du bourg; il laissa de Marguerite Saulnier, Jean, né en 1649, docteur en théologie et curé de Saint-Front-la-Rivière. Jean Quilhac, sieur des Roches, marié en 1658 à Jeanne Pourtent du Breuil, eut François (1660-1738), sieur de la Plassade, d’où descend la famille Quilhac-Laplassade, encore existante.

    Une famille nombreuse et ancienne était celle des Delarret ou Larret, primitivement de Las Rectz : Jean (1582-1647), notaire, époux de Jeanne Fourichon, est père d’Antoine, sieur du Maine, d’où sortirent les Delarret ou Larret du Maine, de Bosredon, des Fougères, de Chabannas, de Beausoleil, de Lafond, de Bonombre; cet Antoine eut encore Jean Delarret, sieur de la Dorie (1659-1729), dont la postérité est actuellement représentée par les branches Delarret ou Larret-Ladorie, Larret-Grandpré, Larret-Lagrange et Larret-Lagrèze. A cette famille se rattachaient encore les Larret-Lamalinie et Larret-Lamazaurie. C’était assurément la famille de Saint-Pardoux qui possédait le plus de ramifications et chaque branche, pour se distinguer, avait pris le nom d’une propriété.

    La charge de maître de poste a été de tout temps possédée par la famille des Fourichon : Jean, « chevaulcheur pour le roy et maistre de poste », vivait au début du XVIIe siècle; cette charge faisait de celui qui la tenait un personnage important, si l’on en juge sur ce fait, que son fils Jean était en 1640 poursuivi pour usurpation de noblesse; celui-ci avait du reste marié sa fille Marie à François de Champagnac, sieur de la Béraudie; Martial Fourichon, son fils, aussi naître de poste, eut de nombreux petits-fils : Jean Fourichon, sieur de la Combe, gendarme du roi, puis commandant de la garde nationale du bourg; Jean, sieur de la Coste, lieutenant de grenadiers royaux; Jean, sieur de Larret, curé de Quinsac; Jean, sieur de la Poste, d’abord maître de poste à Saint-Pardoux, puis à Thiviers, grand-père de Fourichon-Maumont, explorateur, et arrière grand-père de l’amiral Fourichon, ministre de la marine; c’est aussi de lui que descendent les branches de cette famille encore existantes.

    Dès 1620, une autre branche de Fourichon, parents des précédents, avait quitté Saint-Pardoux pour se fixer dans la paroisse de Saint-Martin-de-Fressengeas, où elle à donné naissance aux Fourichon des Merles et de la BardOn nie.

    Le nombre des Desport était aussi fort grand : Citons Pierre Desport, sieur de la Chapoulie, chirurgien, décédé en 1688; Léonard Desport, sieur de Rieugeobert, actuellement Rigeobert (1659-1731); Jean. sieur de la Grange, Inotaire et juge; les Desport de Puydarnat, des Nauves, etc.

    Toutes ces familles étaient, autant qu’on peut croire, autochtones; d’autres, au contraire, étaient venues s’implanter au cours des deux derniers siècles. Tels étaient les Planchas originaires de Bessines: Jean, sieur de la Valette, se fixa à Saint-Pardoux vers 1676 comme receveur et lieutenant du couvent; il épousa le 24 février 1677 Henriette Mijon, de moiselle servante de la prieure; Jacques Planchas, sieur de la Valette (1681-1748) était son fils; il eut de Anne Darpes : Anne-Marie-Renée, femme d’Aubin de Forges, sieur du Chazaud, et Jean (1704-1755), sieur de la Valette, garde du corps du roi, époux d’Antoinette Pecon, d’où Jean, sieur de la Valette, avocat en parlement, et Pierre, sieur de la Garelie, marié le 8 septembre 1753 à Catherine Delarret de la Dorie, dont la descendance s’est continuée jusqu’à nos jours.

    Comme pour les Planchas, c’est une charge à remplir au couvent qui amena dans notre bourg la famille Chartroule qui paraît être originaire d’Agonac et protestante, mais qui, depuis la fin du XVIIe siècle, possédait la charge de juge de Vaugoubert; Jean Chartroule, sieur des Moulières, était en 1769 greffier et receveur du couvent. Les descendants de son frère Jean, qui s’intitulait sieur de la Serve, existent encore.

    De même les Dubut, actuellement représentés par le romancier, M. Louis Dubut de Laforest, né à Saint-Pardoux, étaient d’établissement récent.

    Les Pastoureau, qui remontent à une époque fort reculée, ont eu quelques branches représentées dans le bourg : Pastoureau-Lannet, la Brousse, la Grange, Magnac.

    Les chirurgiens formaient la transition entre les bourgeois et les ouvriers; ce n’est que depuis le commencement de ce siècle que nous trouvons des médecilas à Saint-Pardoux; jusque là les malades recevaient les soins des chirurgiens qui étaient assez nobmreux; nous en avons compté cinq exerçant en même temps.

    Les chirurgiens se divisaient autrefois en chirurgiens de robe longue et chirurgiens barbiers : les premiers avaient étudié la médecine dans une université, tandis que les autres, simples praticiens, n’avaient fait qu’un apprentissage sous la direction d’un chirurgien. Ceux de Saint-Pardoux, au moins pour le plus grand nombre, semblent devoir se ranger dans cette dernière catégorie, car nous avons rencontré, dans les anciennes minutes de notaires, plusieurs contrats d’apprentissage par lesquels les chirurgiens s’engageaient à montrer leur art à des jeunes gens. Le maître qui devait nourrir son élève recevait de lui une somme de 100 l. pour le prix de cet apprentissage qui durait de deux à trois ans : durée largement suffisante pour connaître un métier qui tenait tout entier dans la formule si connue : purgaro, saignare at clysterium donate.

    Cette profession était héréditaire et le père formait le fils; ainsi les Mathieu sont chirurgiens de 1596 à 1737; les Desport de 1645 à 1790; les Montet de Laurière de 1650 à 1761; les Bonamour de 1686 à 1790.

    Les apothicaires ont souvent fait défaut dans notre bourg et les chirurgiens donnaient eux-mêmes les drogues qu’ils prescrivaient à leurs malades.

    Les quelques registres de chirurgiens que nous avons retrouvés fournissent d’intéressants d’êtails sur la médication du temps et le prix des remèdes.

    En 1667, un lavement coûte 15 sols, une médecine purgative, 45 s.; une prise de pilules céphaliques et purgatives, 30 s.; cinq prises de cristal de tartre pour mettre dans du bouillon 32 s. En 1780, une purge revient à 3 l.; pour ouvrir un abcès à une jambe, un chirurgien prend 10 s., plus pareille Somme à chaque pansement, de telle sorte que le traitement total revient à 11 l.

    Vers 1770, pour une saignée faite à domicile, on paie 10 s., et Inoitié chez le chirurgien; il prend 15 s, pour avoir donné un lavement purgatif, 10 s. pour un lavement émollient; 15 s, pour administrer une émétique; pour traiter un aposthème sur le bras, il y pose « une masse de cataplasme émolient et matural » et réclame 21. 10 s.; l’aposthème entrant en suppuration, il le panse pendant 4 jours, deux fois par jour, et prend 8 l. pour son salaire.

    Comme médicaments, il se cantonne dans les sirops de guimauve, de coquelicot, de capillaire; le quinquina, le cristal minéral, l’ipeca, le tartre stibié; quelquefois leur composition est plus compliquée : il fait payer deux livres une tisane de limure de fer, de tartre et d’une poignée d’aunée; en 1671, pour empêcher quelqu’un de défaillir, on lui baille une noix confite dans la bouche.

    Quant aux visites, il fait payer 10 s. pour aller voir un malade dans le bourg, ou à une distance d’une demi-lieue; 15 s. pour une course d’une lieue et 1 l. pour une lieue et demie; hâtons-nous d’ajouter, à l’éloge de leur désintéressement, que ce tarif n’était pas absolu et variait quelque peu suivant la condition des personnes.

    Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, nous voyons apparaître des sages-femmes; elles étaient la plupart du temps élues par les femmes de la paroisse qui se réunissaient chez le curé pour faire cette nomination : celui-ci doit s’informer « si elle ne fait rien de superstitieux, si elle sait baptiser, si elle est de bonnes mœurs, adroite, secrète et fldèle. » Le curé lui faisait prêter serment et flxait les honoraires qu’elle devait toucher.

    Source : Recherches sur le monastère et le bourg de Saint-Pardoux-La-Rivière, de Roger Drouault.

  • Jean Moreau de Saint-Martial, né a Saint-Martial-de-Valette, avait été premier président en la souveraine Cour des aides de Guyenne; il s’était fait remarquer, dans ces hautes fonctions judiciaires, par son savoir et par la rare distinction de son esprit.

    Lorsque les Cours des aides furent supprimées, le premier président revint en Périgord; c’était au moment où le suffrage des citoyens actifs nommait les nouveaux administrateurs du département de la Dordogne et des arrondissements, créés par la loi du 14 décembre 1789. Le grand Collège électoral, siégeant pour la première fois à Périgueux, nomma Moreau de Saint-Martial procureur-général-syndic; c’était comme un préfet élu par ses administrés. L’ancien premier président, jeune encore et tout heureux de continuer à servir la France et le roi, prit aussitôt possession de ses hautes fonctions. Auprès de lui fut également appelé, par l’élection, Jacques de Maleville, avec le titre de vice-président du Directoire de la Dordogne.

    Monseigneur de Flamarens était encore évêque de Périgueux, mais il avait abandonné son évêché pour aller habiter Paris. Moreau de Saint-Martial ne partageait pas, sur la constitution civile du Clergé, les idées que le public attribuait a l’évêque; il avait plutôt à cet égard l’opinion clairement développée dans les œuvres diverses de Guillaume Delfau.

    Mais l’ancien premier président aimait l’Eglise comme tout bon gallican, et il ne désespérait pas de convertir son brillant prélat.

    Il fit quelques démarches dans ce but et n’obtint aucune réponse favorable. De très bonne foi, il s’étonnait, quand il voyait ses arguments, exposés avec une loyale conviction, rester sans aucun effet.

    Le club populaire des Amis de la constitution commençait à trouver étrange que la loi du 12 juillet 1790 ne fût pas encore exécutée dans la Dordogne et que Mgr de Flamarens n’ait pas été sommé de prêter serment; mais le procureur-général-syndic savait bien qu’une mise en demeure aurait amené la rupture complète; il préférait temporiser. Cependant, sous la violente pression du Club et du Journal patriotique, il dut céder, et le 27 mars 1791, le Collège électoral fut convoqué.

    Nous verrons plus tard les diverses péripéties de cette élection, qui fit monter Pierre Pontard sur le siège épiscopal du département.

    Moreau de Saint-Martal appréciait le nouvel élu à sa juste valeur; il le traitait d’apostat et de prêtre des faux dieux, suscitant ainsi contre lui-même des haines qui vont bientôt éclater. Les progrès rapides de la Révolution lui avaient déjà désillé les yeux; il abandonna sans aucun regret le Directoire. Peu de temps après, les patriotes de Nontron le dénoncèrent comme suspect, et sa demeure fut envahie par les gendarmes, tandis qu’il était seul avec sa sœur, Marie-Radegonde; tous deux furent arrêtés. Mademoiselle de Saint-Martial fut enfermée dans le couvent de Saint-Pardoux-la-Rivière, transformé en prison pour femmes, et l’ancien premier président de la Cour des aides fut conduit de brigade en brigade vers le tribunal révolutionnaire de la Seine, où Fouquier-Tinville l’eût fait exécuter; mais des amis fidèles, qui suivaient sa piste, l’enlevèrent aux gendarmes, non loin des portes d’Orléans. Il resta caché dans des maisons amies jusqu’à la fin de la Terreur, et il mourut en 1804, déçu de toutes ses erreurs libérales et gallicanes.

    Moreau de Saint-Martial et Guillaume Delfau nous ont fait voir qu’au moment de la convocation des Etats généraux, les nobles et les bourgeois du Périgord étaient également entraînés vers la révolution par la lecture des Philosophes. Ces mêmes nobles et bourgeois se retrouvaient aussi confondus dans les Loges maçonniques.

    Source : Le clergé périgourdin, pendant la persécution révolutionnaire, de Richard de Boysson.

  • « Mr l’abbé Robuste, Prieur de la Tasche, de la Maison de Sorbonne & Professeur de Philosophie au Collège de Bayeux, a soutenu sa Thèse de Tentative dans la Salle de Sorbonne. Elle estoit dédiée à Mr l’Abbé Bignon Conseiller, dont elle représentoit le portrait. Cet Abbé y assista pendant les quatre heures que dura l’Acte. Mr l’Evêque de Castres, nommé à l’Archevêché d’Auch, présidoit. La Compagnie fut très-belle, & l’on a peu vu en pareille occasion un aussi grand nombre d’Evêques; tous ceux du Clergé de France qui sont à Paris, s’y estant rendus avant que d’aller à leur Assemblée. II y eut grand nombre de Conseillers, de Presidens, de Maîtres des Requêtes & de Conseillers d’Etat. Entre les Bacheliers qui argumentèrent, Mr le Prieur de Sorbonne fut écouté avec beaucoup de plaisir. L’Argument du Prélat qui présidoit dura une grande heure, & il fut écouté avec plaisir. Il proposa trois difficultez avec une solidité & une netteté qui donnèrent une grande opinion de son habileté. » (Mercure de France, juin 1705)

    « François-Joseph Robuste, issu d’une famille de la ville d’Angoulême, était, de son temps, l’un des docteurs les plus estimés de la maison et société de Sorbonne. Après avoir, en 1710, reçu le bonnet de docteur, il s’attacha à Armand-Jules de Rohan Guémené, archevêque de Reims, dont il devint suffragant sous le titre d’évèque de Nitrie in partibus infidelium. Préconisé, le 6 juillet 1729, en cette qualité, il fut sacré à Paris, dans l’église de la Sorbonne, le 21 août suivant, par Jean-Joseph Languet de Gergy, archevêque de Sens, assisté de Ëtienne-Joseph de la Fare, évêque de Laon, et de François-Louis Vivet de Montclus, évêque de SaintBrieùc. Mêlé à plusieurs affaires de l’Église, Robuste fut un des plus zélés théologiens pour la révocation de l’acte d’appel de la Faculté de théologie de Paris, et, dans les visites qu’il faisait dans le diocèse de Reims pour M. de Rohan, n’omit rien pour réduire les opposants à la bulle Unigenitus. Il fut membre des assemblées d’évêques qui se tinrent à Paris en 1749, à l’occasion de l’Instruction pastorale sur la justice chrétienne, publiée par M. de Rastignac, archevêque de Tours. Ce prélat mourut à l’âge de soixante-onze ans, le 3 février 1754. Il a laissé en manuscrit des lettres, des mémoires et des opuscules de théologie. Les plus remarquables sont un mémoire contre M. de Langle, évêque de Boulogne, prélat appelant, et à l’occasion duquel la province ecclésiastique de Reims demanda, en 1723, à tenir un concile, mémoire de 160 pages, qui est une réponse à une lettre écrite à l’archevêque de Reims, le 12 mai 1723; un projet de censure contre Les pouvoirs légitimes du premier et du second ordre, de l’abbé Travers, où se trouvent trente-et-une propositions diversement qualifiées; un autre projet de censure contre l’Instruction pastorale de M. de Rastignac. Ce dernier projet est assez curieux; il note vingt-cinq propositions, rangées sous sept titres différents, et applique à chacune des qualifications spéciales, en indiquant le sens sur lequel portent ces qualifications et en distinguant les divers sens. La forme de ce travail est à peu près la même qui a été suivie dans la bulle Auctorem fidei. » (L’Ami de la religion et du roi, 1822)

  • L’ordre de perquisition tombe dans les jours qui suivent. Les municipalités reçoivent l’ordre de se rendre chez les citoyens suspects, de se saisir de leurs papiers, de prendre note des passeports délivrés depuis trois mois, et enfin de les désarmer. Grosdevaux supervise l’opération.

    Le 2 avril, on donne lecture aux autorités du district et de la municipalité qui siègent conjointement des papiers et des lettres adressés à Du Lau ; ces lettres donnent « de fortes suspicions à l’assemblée ». Le rapporteur fait état « d’argent envoyé en pays étranger.  » Hum !

    Ordre est donné d’arrêter Du Lau et de le conduire « dans la maison de réclusion jusqu’à nouvel ordre ».

    Et puisque Lage-Baston est à deux pas de Puyvidal, Hériard, flanqué d’un officier municipal de la commune, Foucauld, se rend chez la maîtresse de céans. Les lettres saisies « ne portent aucun caractère de suspicion », l’assemblée juge convenable de les rendre à la dame.

    Un Du Lau peut en cacher un autre. Cette ancienne famille issue des souverains de Biscaye a essaimé en Angoumois et dans le Périgord. On les rencontre à Cellettes, à Lage-Baston (Saint-Projet), à Yvrac (Du Lau de Soulignonne) ; un nom un peu trop répandu ; la rumeur court, Du Lau de Cellettes éveille les soupçons du Comité de Salut Public de Ruffec. Un notaire de Mansle, Huet, interrogé à son sujet, donne son sentiment :

    … « Sans entendre rien préjuger sur son compte, je puis vous certifier que je n ‘ai jamais rien connu de lui contraire aux principes de la Constitution, je ne connais qu’un de ses parents qui est émigré, qui est Du Lau de Soulignonne, mais qui n’est son parent qu’au troisième ou quatrième degré. Il peut néanmoins avoir été dénoncé et dans ce cas, je ne vois qu’un citoyen, qui vient de succomber dans un procès qu’il avait eu avec lui, qui ait cherché à se venger de cette manière, s’en étant déjà jacté, à ce que l’on m’a assuré. »

    Le temps est à la jactance et l’on se venge comme on peut.

    Et pour rendre sa déposition encore plus crédible, le brave notaire s’empresse d’ajouter :

    … « Aucune considération ne m’empêcherait de le dénoncer si je le croyais tel. »

    Source : La Rochefoucauld au péril des jacobins, d’Yvon Pierron.

  • Le district une fois remis au goût du jour après le passage de Bordas, Lapeyre-Bellair rend compte de sa gestion aux Comités parisiens ; il ne dissimule pas le soulagement que l’opinion éprouve après la chute des triumvirs :

    « L’importance des fonctions qui me sont confiées ne m’est point inconnue, je sens combien ma tâche est difficile et en consultant mon goût, ma santé et mes moyens, j’aurais peut-être dû suivre l’exemple de mon prédécesseur, mais j’ai senti que dans ce moment ma volonté devait être subordonnée à celle du peuple et du représentant. Jaloux de répondre à la confiance de l’un et de l’autre, j’ai oublié que des raisons qui subsistent plus que jamais m’avaient obligé de quitter le Directoire de ce District où j’étais dès le principe de sa formation et où mes concitoyens m’avaient élu trois fois. Retiré dans ma campagne, maire de ma commune où malgré le malheur des temps j’avais conservé la tranquillité, occupé à préserver mes bons voisins des horreurs qui naguère couvraient la France de deuil, j’avais eu la satisfaction de voir ma commune échapper pour ainsi dire à toutes les calamités. L’heureux changement opéré par la journée du 9 thermidor me faisait jouir de cette tranquillité si désirée des vrais républicains et je ne songeais guère à reparaître encore sur la scène mais enfin (rayé) me Voici et j’apporte dans mon nouveau poste le zèle et la fermeté de l’homme probe et surtout la haine la plus implacable contre les tyrans et les terroristes et la plus ferme résolution d’employer toutes mes forces pour empêcher que leur règne revienne jamais. »

    Lapeyre-Bellair dit tout haut ce que la bourgeoisie pense tout bas : l’activisme révolutionnaire a fait son temps.

    Jean-Baptiste Lapeyre est un brave homme, le modèle du brave homme. Né le 19 mars 1749 à Abjat, la Révolution vient le cueillir au tournant de la quarantaine alors qu’il arpente sa vigne et ses champs. Dans sa belle maison de Saint-Germain de Montbron, il mène une vie patriarcale au milieu de ses enfants.

    Comme tout le monde, il prête une oreille attentive aux rumeurs qui agitent le pays. Son village est calme. Tout naturellement, on le porte à la tête de la municipalité ; il met sur pied la garde nationale.

    Les administrateurs du district lui demandent de venir les rejoindre ; il acquiesce. Un représentant de passage en Charente le renvoie à ses champs, la Révolution n’a que faire de modérés ! Un autre représentant le rappelle. Ainsi vont les jours de l’homme.

    Cette bourgeoisie modérée soucieuse de trouver la place qui lui revient dans la représentation politique vit dans l’attente du régime qui balaira les outrances des Jacobins ; il lui importe peu qu’il soit d’essence monarchique ou républicaine pour peu qu’il ramène l’ordre et cautionne la propriété des biens ; le bonapartisme réalisera ses vœux. Perre-Benoît Lapeyre de Belair, l’un des fils de l’agent national, maire de Saint-Germain de Montbron en 1813, par ailleurs affilié à la loge Saint-Charles d’Irlande, sera nommé Commissaire du pouvoir exécutif.

    Source : La Rochefoucauld au péril des jacobins, d’Yvon Pierron.

  • Les Gardes suisses ont été logés dans le bourg de La Rochette, diocèse d’Angoulême, du 31 décembre 1615 au 2 janvier 1616, à l’occasion du séjour de Louis XIII et de sa nombreuse suite dans les environs de la ville de La Rochefoucauld, anecdote rapportée par le curé Chaulme. L’hôte se nomme Roch Frotier-Tizon, chevalier, seigneur de La Rochette et de Sigogne. Le grand-père Roch Tizon a été officier au Gardes françaises. Nous devons à ce dernier la construction du château de La Rochette au XVIe siècle.

    Clément Boissier, bourgeois d’Angoumois, a été soldat au régiment des Gardes suisses, né le 30 novembre 1722, baptisé le jour suivant, dans l’église Saint-Sébastien de La Rochette. Il est le fils de Roch Boissier, officier au régiment de Ponthieu, et Madeleine Lériget. Il sert 27 ans dans les troupes du baron d’Erlach. Sa compagnie est cantonnée dans le canton de Bâle. Le 8 octobre 1789, il est reçu avec une pension à l’hôtel des Invalides à Paris, et y finit ses jours jusqu’à son décès le 13 janvier 1800, célibataire.

    Illustration : uniforme de Garde suisse, circa 1780.

    Source : Généalogie Charente Périgord.

  • « Si je portais aussi bien un chapeau comme je fais la coiffe je ne serais pas longtemps ici ! »

    Le propos n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Un valet, M…, l’a recueilli alors que Mme de Crozant dînait en compagnie du beau-père Ribérolles. Rapporté au Comité révolutionnaire, il fait de l’imprudente châtelaine une suspecte.

    Mme de Crozant prend le chemin du château de La Rochefoucauld où sont gardés d’autres suspects. Au bourg de Rivières, les femmes commentent la nouvelle, se souviennent de la sollicitude témoignée par la dame aux jeunes accouchées. La médecine est dans son enfance ; au lendemain de leurs couches, beaucoup de jeunes mamans souffrent de complications : fièvre puerpérale, mammites. La châtelaine s’entend à les soulager.

    Le principe d’une pétition est lancé ; elle porte la signature de Catherine Touchet, Marie Bergaud, Jeanne et Marie Grignon, Jeanne Daudet et Madeleine Truffandier. Bourgnet, le maire, professe des idées avancées. Néanmoins, il ne fait aucune objection au vu des signatures pour transmettre le placet au citoyen Romme, représentant en mission. Dufour, Poisvert et Grignon, officiers municipaux, Daudet, notable, s’associent à sa démarche :

    … « Nous venons implorer ta clémence et ta justice en faveur de la citoyenne Normant-Crozant, habitante de la commune de Rivières depuis vingt-cinq ans (…). Beaucoup souffrent en ce moment de son incarcération, ne pouvant trouver aucun soulagement aux maux de sein dont elles souffrent.

    Nous l’aimons et la chérissons de tout notre cœur, et, quand nous devenons mères, nous sommes moins inquiètes, parce que, si nous avons quelques accidents, elle nous soigne et nous guérit. « 

    Suit un véritable certificat de civisme : « … Elle s’est toujours soumise aux lois, qu ‘elle a exécutées et fait exécuter dans sa maison avec la plus grande exactitude (…), elle a donné aux volontaires de la commune autant que ses moyens ont pu lui permettre (…). Elle a toujours aidé les pauvres… On ne peut rien lui reprocher personnellement. »

    Romme est sensible à cette logique : la noblesse n’est pas un délit ; nul ne peut reprocher à quiconque d’être né aristocrate. Il accueille favorablement tout ce qui va dans le sens du bien commun, de la chose publique, son idéal et son combat, et prend immédiatement un arrêté dans ce sens.

    « Vu la pétition (…) après nous être assuré, par le Comité révolutionnaire de La Rochefoucauld, que les motifs de son arrestation résultent, non d’aucuns soupçons élevés contre elle, mais de ce qu’elle est mère d’émigrés, et qu’alors l’on n’a entendu prendre qu’une mesure de sûreté générale… », le représentant donne ses instructions aux officiers municipaux : Mme de Crozant sera reconduite à son domicile où elle pourra recevoir les mères nourricières qui souhaitent faire appel à ses conseils ou à ses soins ; toutefois, elle vivra sous la surveillance d’une gardienne et les consultations seront données en présence d’un officier municipal de la commune, « afin de satisfaire à la fois, à la surveillance publique et à l’humanité ».

    Source : La Rochefoucauld au péril des jacobins, d’Yvon Pierron.