Généalogie Charente-Périgord (GCP)

Sélection d'articles sur le thème de l'Histoire et du Patrimoine.

  • Les Camain

    La famille de Camain de Saint-Sulpice-de-Mareuil, du Verdoyer, de Saint-Front-de-Champniers, des Cazes, d’Oradour, de Puylambert, de Romefort, de La Coutencie, de Lestang de Lavergne et autres lieux, remonte sa filiation à 1450.

    Au XVIIe siècle, Charles de Camain, seigneur des Cazes, et son épouse Françoise Saunier habitent le château des Cazes. De leur union, naissent Hélie, écuyer, sieur du Repaire, marié le 26 novembre 1668 à Anne Deschamps, fille de Léonard, écuyer, sieur de La Tranchardie, et de Judith Hastelet ; et Louis dit le chevalier du Repaire, marié le 15 octobre 1673 avec Bertrande Marquet, fille de Louis, sieur des Farges, et de Valérie de Mérédieu, puis en secondes noces avec Marguerite Arbonneau.

    Hélie et Louis de Camain s’illustrent à leur manière en participant activement à un fait-divers particulièrement sanglant. Ainsi, le 2 janvier 1677, les deux Camain, Raphaël de Lamberterie, seigneur de La Chapelle-Montmoreau, son frère cadet, après un bon dîner chez le juge de Quinsac, réunissent quelques hommes armés et se dirigent vers La Pouyade afin de règler un différend qui les oppose à la famille de La Roussie (voir La Pouyade). Guillaume de la Roussie, abbé de Beaulieu et son frère Pierre, seigneur de la Pouyade, brigadier des chevau-légers, en promenade sur le chemin de Mars, sont alors surpris. MM. de Lamberterie tirent immédiatement deux coups de pistolet qui étendent raide mort le pauvre abbé. Les assaillants déchargent ensuite leurs armes sur Pierre puis lui envoient un coup de fusil qui le blesse aux reins et, pour faire bonne mesure le lardent de coups d’épée. Pierre de la Roussie, gravement blessé, trouve tout de même assez de ressources pour saisir un fusil et tirer sur le cadet des Lamberterie qui ne survivra d’ailleurs que quelques jours à ses blessures. L’intervention de paysans met heureusement fort à propos un terme à ce véritable carnage qui ne trouvera son épilogue définitif, après une longue série de procès ayant opposé les diverses parties, qu’avec le mariage, le 25 janvier 1780, de Pierre de Lamberterie, arrière-petit-fils de Raphaël, avec Gabrielle de la Roussie, petite-nièce du malheureux abbé.

    Sur la présence de la famille de Camain aux Cazes, nous savons également qu’en 1680 et 1681, lors des baptêmes de Jeanne et de François, leurs enfants, Jean de Camain, chevalier, et son épouse, née également de Camain, demeurent aux Cazes. Jeanne a pour parrain François de Camain, chevalier, seigneur de Saint-Sulpice, demeurant en son château de La Vergne, alors que François a pour marraine Angélique de Fayard, épouse de François de Camain.

    Enfin, le 19 décembre 1698, suivant acte passé devant maître Boyer, notaire à Nontron, Henri de Camain, seigneur de Saint-Sulpice et de La Vergne, cède les Cazes à la famille Pastoureau.

    Les Pastoureau

    Pierre Pastoureau, sieur des Goulières, avocat et conseiller du roi en l’élection de Périgueux, acquéreur des Cazes, est le fils de François Pastoureau (1633-1725), avocat, conseiller du roi, écuyer, conseiller enquêteur et examinateur de l’élection de Périgueux, et de Marguerite Roy.

    De son mariage avec Madeleine Eyriaud naissent dix enfants, réduits à quatre d’après le partage de sa succession du 2 février 1737 (acte reçu par maître Grolhier, notaire à Nontron) : Marie, mariée à son cousin Pierre Pastoureau, sieur de La Serve, bourgeois de la ville de Nontron, suivant contrat du 9 juillet 1721 passé devant maître Danède, notaire royal ; Suzanne, mariée en 1715 avec Michel Martin, écuyer, seigneur de Jaillac, conseiller du roi, avocat au présidial et sénéchal de la ville de Périgueux, demeurant au château des Landes, paroisse de Merlande ; Bertrande, mariée en 1725 avec Jean de Labrousse, sieur du Bosfrand, avocat en parlement et juge du marquisat du Bourdeix et de la baronnie de Champniers ; autre Bertrande, mariée avec Jean Feuillade, sieur de Laterrière, bourgeois.

    Des biens paternels, Suzanne reçoit une maison à Nontron, la forge de Lamendeau, trois journeaux de bois et deux journeaux de pré joignant la forge, la métairie de Bord, le pré de chez Gourniaud, la chenevière (champ de chanvre) de Valette et la métairie d’Ars, Bertrande hérite de la métairie du Naudonnet, une pièce de vigne à La Montade, une terre et la chenevière de La Jaurias, un pré à Saint-Martial, un lopin de pré au même lieu, trois pièces de vigne à Rapevache, une terre à La Grange de La Jaurias ainsi qu’une autre terre et une vigne, une vigne à La Boissière, un lopin de terre et un pré à proximité du bourg de Saint-Martial, la métairie de Chantemerle, les vignes de La Borderie, les prés de Crachat et des Laurent. Autre Bertrande reçoit les métairie et borderage de Goulières ainsi que la métairie de Broulhiac. Enfin, Les Cazes, les cuves, le pressoir, les meubles, attachés au domaine, le pré de Las Combas, reviennent à Marie.

    De l’union de Pierre et Marie, naissent notamment Jean, en 1739 et François en 1743, François Pastoureau, sieur de La Serve, bourgeois, demeurant à La Borderie, épouse Marie Boutinon. Le 18 mars 1789, il est élu député à l’assemblée des Etats généraux pour la paroisse de Saint-Martin-le-Peint.

    Jean Pastoureau (1739-15 novembre 1818) hérite des Cazes où il réside.

    Le 27 août 1771, il épouse Anne Filhoud, fille de Pierre Filhoud, sieur de Lacour, régisseur du château de Saint-Martin-le-Peint, et de Anne Carrier. A la mort de Jean Pastoureau, le domaine des Cazes passe à son fils Pierre (1783 Javerlhac-19 avril 1865). Pierre Pastoureau dit Lacour, époux de Marie-Henriette-Eugénie Ribeyrol, maire de Saint-Martin-le-Pin, quitte finalement les Cazes en 1844 pour Javerlhac où il meurt à l’âge de 82 ans.

    illustration : les restes du vieux logis au XXIe siècle.

    Source : Nontron et le pays nontronnais, de Jacques Lagrange.

  • Ces réseaux de complicités notables se retrouvent à tous les moments de l’affaire d’Abjat. La plupart des terres y appartenaient aux bourgeois de Nontron et un seul d’entre eux avait plus de bestiaux à Abjat que tous les habitants du bourg. Aussi les Vaucocour accusaient-ils nettement les bourgeois de Nontron « d’avoir donné conseil de faire rebellion ». Les officiers de Nontron refusaient en effet de poursuivre les gens d’Abjat et même de leur signifier des actes de procédure. Ils cachaient les principaux coupables et recelaient leurs biens. Les gentilshommes du voisinage, le baron de La Valade et le seigneur de Maraval, dissuadaient les sergents de s’approcher du bourg. Le plus proche hobereau, Thibaut de Camaing, écuyer, sieur de Verdoyer, soutenait ouvertement les habitants devant la justice. Il les accompagnait à Périgueux, les fournissait de procureurs et d’avocats. Il faisait menacer les sergents et aidait les coupables à s’évader ou à se cacher. Le vice-sénéchal était soupçonné d’avoir passé un traité avec les habitants. Quant au gouverneur de Périgord, Bourdeille, on ne pouvait pas non plus se fier à lui contre les villageois. L’intendant devait appeler l’affaire à lui, la juger à Nérac. Il se heurtait à toute une conspiration provinciale pour protéger les émeutiers, à une sorte d’unanimité dans la défense des droits des habitants contre l’agression des gens de guerre.

    Source : Histoire des Croquants, de Yves-Marie Bercé.

  • Elie-François de Labrousse-Belleville, ancien lieutenant de chevau-légers, a été lui aussi rendu à la vie civile par la suppression de son corps, en 1788. Agé alors de trente-cinq ans, il s’est retiré dans ses propriétés de la Loire pour se consacrer à l’agriculture.

    De tempérament batailleur malgré sa petite taille, à peine un mètre soixante, il est peu de dire qu’il ne s’est pas adapté aux idées nouvelles. Clamant à tout propos son élitisme aristocratique, il régentait son personnel l’épée à la main et répondait aux réclamations légitimes en montrant son derrière. Il faisait passer pour son valet un émigré notoire, lisait les Actes des Apôtres, feuille incivique, faisait baptiser les nouveau-nés du village dans sa chapelle particulière, et par des prêtres réfractaires qu’il y dissimulait.

    En outre, il a envoyé un de ses serviteurs à La Rochelle « y transporter des marchandises et les débiter à tel prix que ce fût, pourvu qu’il lui portât l’argent sonnant ». S’il bradait ainsi ses biens, c’était évidemment pour avoir du numéraire et rejoindre son corps à Coblence, où précisément les chevau légers venaient d’être reconstitués par les frères du roi.

    Enfin, il boycottait tant qu’il pouvait les engagements, de manière originale, comme l’expose imperturbablement son acte d’accusation :

    « Pour se faire un parti, il attirait chez lui la jeunesse, par des bals et des festins qu’il donnait jour et nuit, il y formait des complots contre la sûreté de ceux qui s’étaient voués à la défense de la patrie, et on l’a vu, pour empêcher les enrôlements, menacer les volontaires de la fureur des Uhlans ! »

    En somme, il paye cher son goût pour la danse, et les danseurs. Rien n’a pu le sauver, ni d’affirmer qu’il a conseillé lui-même à ses métayers de rejoindre l’armée, ni d’ajouter qu’il n’était pas assez idiot pour se glorifier du titre honteux d’aristocrate, même pas son humble billet à Fouquier Tinville :

    « Il serait très important pour moi que tu daignes m’accorder quelques minutes, pour te faire connaître des pièces justificatives que n’a vu ni pu voir le comité de Montrond qui m’a désigné pour être traduit au Tribunal révolutionnaire. Et te parler d’une disposition du décret du 21 messidor qui paraît faite exprès pour le cas où je suis. Daigne accorder à la vérité, à l’humanité, le petit instant qu’elles te demandent. J’ai aussi à te faire une dénonciation instante et importante. »

    La loi du 22 prairial, 10 juin, réservait à la Convention et aux Comités le droit exclusif de déférer les suspects au Tribunal, ce qui mettait fin à de nombreux abus commis par les autorités locales. Le décret du 21 messidor, 9 juillet, prévoyait la mise en liberté, après examen de leur cas, des détenus qui auraient pu en être victimes, ce qui les faisait bénéficier rétroactivement des nouvelles dispositions. Labrousse-Belleville pouvait en effet prétendre se trouver dans ce cas.

    Source : Les dernières charrettes de la Terreur, de Françoise Kermina.

  • Récit de la vie de Nicolas de La Brousse, élève de Vauban

    Première édition : 1735 – Auteur : François Girard

    Le comte de Verteillac naquit en 1648, au château de St. Martin en Périgord. Son père après avoir servi s’était retiré dans ses terres pour s’occuper entièrement de l’instruction de la famille : il avait quatre garcons et trois filles, l’aîné prit l’état ecclésiastique. Le comte de Verteillac alors devenu aîné se destina au service ainsi que les deux cadets. Le comte de Verteillac leur père sentit que les avantages du bien et de la naissance sont beaucoup moins considérables que ceux de l’éducation ; la plupart des gentilshommes, n’apprenaient alors qu’à être soldats. On instruisait le jeune Verteillac à être vertueux alors même qu’il n’aurait point d’ennemis à combattre, et on lui inspira tous les principes d’honneur et de raison qui pouvaient l’aider, ou à mériter les faveurs de la fortune, ou à savoir s’en passer avec dignité.

    Quand le comte de Verteillac crût avoir suffisamment formé le coeur et l’esprit de son fils, il l’envoya à Paris faire les exercices ; son application et ses succès le distinguèrent bientôt des jeunes gens de son âge, et décelèrent en lui cette envie d’exceller qui annonce les grands talents, et qui l’a caracterisé dans tout le cours de sa vie.

    Au sortir de l’Académie, il entra dans les Gardes françaises ; c’était alors comme le noviciat où toute la noblesse de France recevait les premières instructions dans le métier des armes ; à peine y était-il, qu’il en fut tiré n’ayant encore que 19 ans, pour être fait capitaine dans le Régiment Dauphin à sa création. Il servit cette année en Flandre à la campagne de Lille, il fut l’année suivante de l’expédition de la Franche-Comté et on fut si content de ses services qu’à la réforme qui se fait à la paix de 1668, il fut conservé capitaine en pied quoique hors de son rang. Une pareille exception n’est pas une injustice, c’est la récompense due au mérite privilégié.

    Ce fut alors que Mr. de Vauban fit les citadelles de Lille, de Tournai, les fortifications d’Ath, d’Audenarde et de Charleroi ; le comte de Verteillac accompagna volontairement partout ce grand homme pour s’instruire à son école : ses amusements pendant la paix étaient un apprentissage de la guerre.

    Il fut, en 1670, du camp de St. Germain. Le maréchal de Créquy le commandait et en partit pour la conquête de la Lorraine : Il n’y eut que la Ville et le Château d’Épinal, qui firent quelque résistance. Le comte de Verteillac y fut blessé.

    En 1672, il fut aux sièges d’Orloy, de Kimberg, de Kees, de Mevy, d’Osbourg, à la reddition d’Utrecht et au blocus de Maastricht, il fit la guerre presque tout l’hiver sous le maréchal de Turenne. Il tomba dangereusement malade et n’était encore que convalescent alors qu’au commencement de la campagne il joignit l’armée du roi à Courtrai et qu’il alla ensuite au siège de Maastricht. À l’attaque de la contrescarpe, il fut blessé d’un pot à feu qui lui laissa sur le visage toute sa vie une impression d’un rouge vif.

    Dans les campagnes de 1673, et 1674, il servit aux sièges de Trèves, de Besançon, de Dole, ou le Régiment Dauphin fait des actions si brillantes qu’à la fin du siège de Dole le roi se fit donner par écrit le nom de tous les officiers de ce régiment, et leur envoya faire des remerciements. Le comte de Verteillac sût se faire remarquer, même au milieu d’une troupe qui se distinguait si fort. Il fut blessé au siège de Dole en trois diverses occasions, le roi lui fit donner trois gratifications, dans un temps où l’usage était de n’en donner qu’une, même pour plusieurs blessures.

    Il fut quelque temps malade et servit cependant en 1675, aux sièges de Dinan, d’Huy et de Limbourg.

    L’année suivante il eut la survivance de la charge du marquis d’Atis son proche parent et du même nom que lui, c’était celle de capitaine lieutenant des Cent-Suisses de la Garde. On ne la lui accorda qu’à condition que son service militaire n’en serait point interrompu.

    Il servit cette même année aux sièges de Condé, de Bouchain et d’Aire, fut ensuite de l’armée que le maréchal de Schomberg conduisit au secours de Maastricht, et sur la fin de la campagne il fut fait major du Régiment Dauphin. L’année suivante, il fut de l’armée qui prit Valenciennes et Cambrai, et servit de major de brigade.

    En 1678, il se trouva aux sièges de Gand et d’Ypres, et à la bataille de St. Denis où il fut blessé de deux coups de mousquet.

    Il servit en 1679, dans l’armée du maréchal de Créquy. En 1680, il eut l’agrément d’acheter un régiment. Mais sur ces entrefaites étant devenu lieutenant colonel du Régiment Dauphin, tous ses amis lui conseillèrent de ne point sortir d’un corps que le roi honorait d’une faveur singulière et où il avait un grade qui le conduisait à devenir officier général de même que le rang de colonel. Il suivit d’autant plus volontiers cet avis, que tout l’honneur du commandement roulait sur lui : le marquis d’Uxelles colonel de Dauphin était occupé ailleurs par les ordres du roi. Ces mêmes motifs lui firent depuis refuser un régiment qui lui fut offert à la création de ceux de Luxembourg, il y eut plusieurs capitaines de Dauphin qui en obtinrent.

    Le comte de Verteillac servit ensuite aux sièges de Courtrai, de Dixmude, et de Luxembourg, et fut de l’armée que le maréchal de Créquy mena contre l’électeur de Brandebourg pour la restitution de la Poméranie.

    À la paix le Régiment Dauphin fut envoyé aux travaux de la rivière d’Eure, le roi en fit la revue aux environs de Versailles, il le trouva très beau, mais il parut mécontent d’y voir un officier qui n’était encore qu’un enfant. Le comte de Verteillac dit, que c’était son neveu : je suis persuadé, répondit le roi ( avec un visage d’où le mécontement avait disparu ) que le soin que vous prendrez de le former réparera bientôt ce qui lui manque d’âge.

    Le roi lui donna vers ce temps-là une pension de 1500 livres en février 1686. Il fut fait brigadier et employé ensuite dans les camps qui se firent aux environs de Versailles jusqu’en l’année 1688 au mois de septembre de cette même année-là, Monseigneur le demanda pour major général de l’armée qu’il devait commander en Allemagne, et ce fut en cette qualité qu’il servit au siège de Philisbourg, de Frankendal et de Manheim. L’activité et l’étendue de son génie et tous ses talents pour la guerre se développèrent avec tant de distinction dans les opérations de cette campagne, que Monseigneur lui dit en partant de l’armée, qu’il était faché de n’avoir pas son portrait à lui donner, il le pria de porter pour l’amour de lui un diamant dont il lui fit présent, et l’assura qu’il rendrait compte au roi de ses services. En effet, à peine Monseigneur fut-il arrivé à la Cour, que le comte de Verteillac apprit que le roi lui avait donné une nouvelle pension de 3000 livres.

    Quelques temps après il fut fait inspecteur général de l’infanterie dans la Basse-Alsace, le Palatinat et les pays conquis par-delà le Rhin, et reçut un gratification de 300 louis.

    Le 16 janvier 1689, il arrivait à Heidelberg le jour qu’on y apprit que deux compagnies de dragons et trois du régiment de la reine ( infanterie ) assiégées dans la ville de Berbac sur le Neckar étaient sans pain, et sans munition de guerre, et qu’on n’avait pu ni les secourir, ni les sauver. Mr. le comte de Tessé à la tête de 500 chevaux, et Mrs. de La Lande, et de Gramont, colonels de dragons à la tête de 1200 hommes ( dragons et infanterie ), avaient entrepris de leur porter du secours : ils étaient revenus sur leurs pas n’ayant pu se faire un passage à travers les montagnes couvertes de paysans armés, appelés « chenapans ». Le comte de Verteillac et Mr. de Mélac offrirent de faire une nouvelle tentative, et de partir le lendemain à la pointe du jour, ils ne prirent avec eux que 500 fantassins, et 60 dragons. Ils marchèrent par des sentiers presque inaccessibles, et firent voir combien il est utile aux officiers de s’appliquer à la connaissance du pays, ils laissèrent sur la route 200 hommes en trois postes différents pour assurer leur retraite ; ils passèrent par deux quartiers que les ennemis avaient abandonné à leur approche, arrivèrent vers minuit à Berbac, passèrent le Neckar dans le bac des assiégés, entrèrent dans la ville d’où ils retirèrent la garnison, leur firent repasser le Neckar dans le même bac où ils l’avaient passé, le tout avec tant de diligence que les ennemis qui étaient logés auprès du corps de la place ne s’aperçurent point, et ils rentrèrent le lendemain à Heidelberg avec tout ce qu’ils en avaient emmené d’hommes et tout ce qu’ils en avaient trouvé dans Berbac. Combien l’histoire néglige-t-elle de ces opérations militaires peu considérables par leur objet, et qui ont peut-être été conduites avec plus d’habileté et de courage que les expéditions d’un plus grand éclat.

    En 1689, les ennemis se disposèrent au commencement de la campagne à faire le siège de Mayence, le comte de Verteillac eut ordre de s’y jeter, le marquis d’Uxelles était chargé du commandement, M. de Choisy comme gouverneur et maréchal de camp et le comte de Verteillac comme le plus ancien brigadier devaient commander immédiatement apres lui. Le duc de Lorraine accompagné de l’électeur de Bavière, de l’électeur de Saxe et de plusieurs autres princes à la tête d’une armée de 60 mille hommes en forma le siège avec cent pièces de canon. La place était fort mauvaise. Cependant cette armée si puissante commandée par l’un des plus grands généraux de l’Europe, après 49 jours de tranchée ouverte, n’avait pas encore pu s’emparer du chemin couvert ; mais avant de l’avoir perdu, on fut obligée de capituler parce qu’on manquait de poudre. L’ennemi accorda la capitulation telle qu’on la voulut ; le comte de Verteillac eut beaucoup de part à l’honneur d’une si vigoureuse résistance. Son activité et sa valeur le portaient partout, il n’y a point de relation de ce siège qui n’en fasse foi. Le prince de Lorraine qui savait distinguer le mérite et l’honneur jusque dans ses ennemis, voulut quand la garnison française sortit, parler au comte de Verteillac, il l’embrassa plusieurs fois, le combla d’éloges, et lui donna toutes les marques de l’estime la plus flatteuse. La gloire de cette belle defense a été obscurcie pendant quelque temps, parce que le marquis d’Uxelles qui voulait assurer sa fortune, en dût-il coûter à sa reputation, aima mieux soutenir en silence le reproche d’avoir été trop prompt à se rendre que d’accuser M. de Louvois de l’avoir laissé manquer de poudre.

    Après la reddition de Mayence, le comte de Verteillac joignit l’armée de M. de Duras près de Landau ; de là il fut envoyé commander à Neustadt.

    Les divers commandements, dont il fut chargé, l’empêchant de pouvoir remplir les fonctions de lieutenant colonel du Régiment Dauphin, il jugea n’en devoir plus conserver l’emploi ni jouir de trois cent louis d’appointement qu’il lui rapportait ; son désintéressement allait en toute occasion jusqu’au scrupule. Il renvoya sa commission au marquis d’Uxelles, la Cour ne l’a voulut pas recevoir, il eut ordre d’aller au Montroyal servir en qualité de brigadier d’inspecteur général d’infanterie et des travaux sous M. le comte de Montal lieutenant général.

    Monseigneur avait été trop content des services du comte de Verteillac en 1688 pour ne pas vouloir qu’il fut encore major général de son armée en 1690. Il lui fit donner à la fin de la campagne une gratification de 400 louis.

    Pendant l’hiver le comte de Verteillac fut envoyé à Ypres et dans toute l’étendue du pays situé entre le Lys et la mer ; ce commandement n’avait pas encore été donné qu’à des lieutenants généraux et renfermait 7 ou 8 places assez mal fortifiées, c’était l’endroit faible par où l’on craignait que l’ennemi n’entamât nos frontières. Le comte de Verteillac non seulement les garantit, mais étendit même nos contributions fort loin.

    Il eut ordre en 1691 de venir servir au siège de Mons que le roi prit en personne. Le gouvernement en fut brigué par tous les officiers généraux qui se crurent assez de faveur pour l’obtenir, des maréchaux de France même le demandèrent, cette ville devenait la plus importante de nos places de guerre, on se préparait à y mettre une garnison de dix mille hommes d’infanterie et de quatre milles de cavalerie, le gouvernement du Hainaut y était attaché avec plus de 40 mille livres de rente. Le comte de Verteillac n’était encore que brigadier. Qu’elle fut la surprise quand le roi lui dit, qu’il le nommait gouverneur de Mons, et du Hainaut ? Le roi ne fut guère moins surpris quand il trouva le comte de Verteillac plus sensible au chagrin de se voir à son âge renfermé dans une place, que flatté de la grâce qu’il lui faisait en lui confiant un gouvernement de cette conséquence. S. M. ne lui fit pas mauvais gré de penser ainsi : elle eut même la bonté de trouver un expédient pour concilier la grâce qu’elle lui faisait avec les services qu’il avait envie de lui rendre : ce fut de lui promettre de l’employer dans les armées toutes les fois que sa présence ne serait pas nécessaire à Mons.

    Peu de temps après le comte de Verteillac fut maréchal de camp, et conformément à la promesse que le roi avait bien voulu lui faire, il reçut ordre de servir en cette nouvelle qualité au siège de Furnes sous Mr. de Boufflers qui l’avait demandé. Il y porta cette activité ardente et ingénieuse qui l’accompagnait partout, et qui hâte si fort le succès des entreprises les plus difficiles. Il contribua beaucoup à la reprise de cette place. Le marquis de Ximénès lieutenant général avait eu ordre de venir commander à Mons en l’absence du comte de Verteillac, et il en sortit des que M. de Verteillac y entra.

    Le roi en 1691 ouvrit la campagne plutôt par des fêtes galantes que par un appareil de guerre. Les princesses et toutes les dames de la Cour étaient à Mons. Deux armées campaient aux environs et ne semblaient être destinées qu’à offrir des spectacles aux Dames. Le comte de Verteillac qui avait toujours fait une grande dépense, l’augmenta si considérablement en cette occasion, qu’il justifia ce que disait un général romain, qu’un « homme destiné au grand par la nature sait être aussi magnifique que brave ».

    À la fin de cette campagne, S. M. créa des charges de lieutenants de roi dans les provinces. Le comte de Verteillac eut celle du Périgord.

    Enfin, le comte de Verteillac touchait au jour le plus glorieux de sa vie et celui qui devait la terminer. J’en emprunterai le récit de M. de Quincy lieutenant général d’artillerie.

    « Le maréchal de Luxembourg qui commandait l’armée de France méditait des entreprises importantes et se trouvait hors d’état de les exécuter, parce que son camp souffrait depuis longtemps une extrême disette de vivres et d’argent. Il avait à Mons un convoi de sept cent charriots de bled, et de dix charettes d’argent, mais la difficulté était de le faire passer à la vue de la garnison considérable que l’ennemi avait dans Charleroi. Le prince d’Orange l’ayant affaiblie par plusieurs détachements, le maréchal de Luxembourg voulut profiter de cette conjoncture, et ne soupçonnant point d’artifice dans la conduite du général ennemi, il manda au comte de Verteillac qu’il s’agissait du salut de l’armée, qu’il ne croyait le convoi en sûreté qu’entre ses mains, et quoique le roi lui eut défendu depuis quelque temps de découcher de sa place, qu’il prenait sur lui la désobéissance ; cette lettre était accompagnée d’un ordre de remettre le convoi au comte de Guiscard, lieutenant général et gouverneur de Namur, qui devait le recevoir à Beaumont, et de rester auprès de lui avec toutes les troupes, si Mr. de Guiscard le trouvait nécessaire. Le comte de Verteillac sortit de Mons la nuit du 2 juillet avec 600 chevaux, et un gros corps d’infanterie, il conduisit le convoi jusqu’à Beaumont, et le remit au comte de Guiscard, qui l’y attendait avec le régiment de Rassant ( cavalerie ), ceux de dragons de Bretoncelle, et de Breteuil, la compagnie franche des dragons de Rodrigues del Frante italien, un bataillon de Bourbon commandé par le marquis de Vieux Pont ; un bataillon suisse que commandait Mr. de Belleroche, et un détachement de la Mark. On fit parquer les chariots, et le comte de Verteillac ayant fait rafraîchir ses troupes, reprit avec inquiétude le chemin de Mons, parce qu’on avait lieu de croire que l’ennemi y voulait pénétrer. Il etait deja aux portes de Mons, lorsqu’il reçut un courrier du comte de Guiscard, qui le priait de revenir au plus tôt sur ses pas, parce que le baron du Puis général hollandais marchait à lui. Le comte de Verteillac laissa à Mons son infanterie, qui ne pouvait pas fournir à une marche si vive, et il arriva à Beaumont vers minuit, avec les régiments de Lagny, et Savary ( cavalerie ), on fit déployer le convoi avant la pointe du jour ; quand on eut passer le défilé de St. Lenrieux, les ennemis parurent sur la hauteur, et se mirent en bataille, il y avait 19 escadrons de cavalerie, un détachement de cuirassiers de l’électeur de Bavière, un tercio espagnol, commandé par Mr. de Pinaiente, beaucoup d’infanterie et tous les volontaires de Charleroi ( gens très aguerris ). Le prince d’Orange qui avait compris de quelle utilité il ferait pour lui d’enlever le convoi qui était à Mons, avait fait la feinte d’affaiblir la garnison de Charleroi, se doutant bien que le maréchal de Luxembourg saisirait ce moment pour le faire passer, et il avait donné au baron du Puis homme d’une grande experience, l’élite de ses troupes pour l’enlever dans le passage. Cependant le comte de Guiscard croyait pouvoir éviter le combat, mais le comte de Verteillac jugea que les ennemis ne s’étaient pas avancés avec tant de force, et mis en ordre de bataille pour ne rien entreprendre, il opina pour commencer l’attaque quoique fort inférieur en nombre, plutôt que de se laisser attaquer avec désavantage ; on forma deux lignes, la première composée de 4 escadrons de Rassant, du régiment de Breteuil, et de celui de Savary, faisant en tout 9 escadrons, Mr. de Lagny était en 2e ligne avec deux escadrons de son régiment, et deux de Bretoncelle. L’ennemi occupait le même front que les français, et avait disposé les troupes sur trois lignes. Le comte de Verteillac voyant qu’il n’y avait que par un effort extraordinaire de valeur, qu’on put suppléer à l’inégalité du nombre, décida qu’il fallait essuyer la première décharge de l’ennemi, et aussitôt marcher à lui l’épée à la main. Ce qui fut exécuté si heureusement et avec tant de bravoure, que la 2e et la 3e ligne des ennemis furent enfoncées, menées battant plus qu’une grande lieue, sans qu’on eut besoin des troupes de notre 2e ligne. Une partie de l’infanterie ennemie qui était dans le village de Bossu voyant toute la cavalerie battue prit le parti d’en sortir. Elle traversa la petite plaine en très bon ordre et se retira par le même bois par lequel elle avait débouché sans qu’on put l’entamer. Pour la cavalerie ennemie elle fut très maltraitée, il en resta 800 hommes sur la place, on fit 200 prisonniers, le reste se retira avec une extrême diligence à Charleroi. Cette action acquit beaucoup de réputation aux troupes qui s’y trouvèrent. Tous les officiers y marquèrent une extrême valeur, surtout le comte de Verteillac qui y perdit la vie, après avoir donné des preuves d’un courage, et d’une conduite digne des plus grands éloges. Il avait été blessé considérablement à la hanche au commencement du combat, et il ne voulait jamais se retirer qu’il ne vit le convoi en sûreté. Il reçut dans la décharge des fuyards un coup à la tempe dont il mourut sur le champ ; le lendemain le convoi arriva à Namur, et mit le maréchal de Luxembourg en état d’agir offensivement le reste de la campagne, de donner la bataille de Nervinde, et de prendre Charleroi ».

    Le corps du comte de Verteillac fut rapporté à Mons, et enterré dans l’église des jésuites avec une pompe militaire, moins honorable pour lui que les regrets marqués sur tous les visages. Le recteur des jésuites prononça son oraison funèbre, et on lui érigea un mausolée de marbre où se voit son épitaphe.

    Le comte de Verteillac touchant aux plus grands honneurs de la guerre, aimé et estimé de son maître, périt ainsi à la fleur de son âge, dans une action importante par ses suites, dont le succès lui était dû, et où il avait deployé tout ce que les vertus militaires ont de plus brillant.

    Il s’était trouvé à 10 batailles, et à 27 sièges, il se distingua toujours par la valeur, par une activité infatigable dans le service, par une attention à faire observer exactement la discipline, par le talent de savoir prendre son parti, et de conserver la présence d’esprit au fort de l’action.

    Le comte de Verteillac possédait si éminemment toutes ses qualités, que le roi dit après sa mort à madame de Verteillac, qu’il avait perdu dans le comte de Verteillac le meilleur officier d’infanterie qu’il eut eu depuis le maréchal de Turenne. Un éloge si flatteur aurait été suspect d’exagération dans toute autre bouche que dans celle de Louis XIV.

    Pendant tout le temps qu’il a été gouverneur de Mons, il n’a pas passé six nuits entières dans son lit, on lui a reproché un peu trop d’inquiétude, mais il se trouvait chargé de la garde d’une place qui était l’objet de la jalousie de tous les ennemis du roi, sur laquelle on formait tous les jours de nouvelles entreprises, et qui était peuplée d’habitants entièrement dévoués à l’Espagne. Il était d’ailleurs pénétré d’une maxime qu’il répétait souvent : c’est qu’on s’expose à manquer des précautions nécessaires, lorsqu’on n’en a pas quelque fois d’inutiles.

    Cette valeur si brillante, cette vigilance si active, décelent d’ordinaire une vive ambition, passion impérieuse qui s’associait les vices et les vertus, et qui quelque fois les maîtrise.

    Le comte de Verteillac semblait ignorer l’usage de tous les plaisirs, rien ne paraissait avoir d’agrément pour lui, que ce qui pouvait l’aider à mériter les honneurs militaires. Ses moments même de loisir il les consacrait à la guerre, il était parfaitement instruit de l’histoire de tous les plus grands capitaines, de leurs vertus, de leurs exploits, de leurs fautes même plus instructives que leurs succès.

    Cet homme si livré à l’ambition était encore plus homme d’honneur qu’ambitieux. Les instances de sa famille lui fitent prendre en 1685 la résolution de se marier ; il trouva dans mademoiselle de St. Gilles, ce qu’il pouvait désirer pour un établissement, du mérite, de l’esprit, de la noblesse, des alliances, elle a eu un bien considérable ; des raisons de convenance avaient plus de part à cet engagement que l’amour ; quand les paroles d’honneur eurent été réciproquement données, le comte de Verteillac en alla faire part à Mr. de Louvois. Ce ministre craignit que le mariage ne ralentit l’activité d’un officier qu’il croyait si utile au service du roi ; il y marqua une très forte opposition. Le comte de Verteillac sentit combien la resistance à un ministre si impérieux pouvait lui faire tort : il lui déclara cependant qu’il manquerait plutôt à la fortune qu’à la parole. Mr. de Louvois renouvella inutilement ses instances. Enfin il se restreignit à tirer promesse de lui qu’il n’en servirait pas le roi avec moins d’ardeur qu’avant son mariage, et il jugea que la fidélité que le comte de Verteillac marquait à ses engagements était un bon garant de l’exactitude avec laquelle il remplirait celui qu’il prenait avec lui.

    Son humanité était égale à sa probité. Après la bataille de Steinkerque on mit dans Mons 700 officiers blessés, il ne se passa aucun jour que le comte de Verteillac ne les visitât tous, et il fit une dépense considérable pour leur procurer toute sorte de secours. Il fut à sa mort regretté dans son gouvernement comme le père commun du soldat, et du peuple, il avait su se faire aimer du soldat et le contenir dans le devoir, protéger un peuple, secrètement attaché à l’Espagne, et s’en faire craindre.

    Jamais personne n’a porté plus loin que lui le désintéressement, jouissant de plus de 50 mille livres de rentes des bienfaits du roi, gouverneur d’une province nouvellement conquise, il est mort moins riche qu’il n’était né.

    S’il reçut des biens du roi, il les consacra au service de ce prince. Les vertus qui forcent à l’estime ne sont pas toujours unies à celle qui concilient l’amitié. Le comte de Verteillac les rassemblait toutes, et comme il n’y avait point de général qui ne souhaitât de l’avoir pour second, il n’y avait point de particulier qui ne souhaitât de l’avoir pour ami.

    Peu attentif à conserver pour lui son crédit, il semblait vouloir l’épuiser pour tous les hommes de mérite qui en avaient besoin ; plusieurs soldats de fortune lui ont dû leur élévation.

    Ami solide, bon mari, bon parent, bon maître, il a toujours été fidèle à ses devoirs qui font comme la pierre de touche de l’honnêteté homme par le peu d’interêt que la vanité y prend.

    Sa vivacité naturelle était extrême, on ne s’en apercevait guères dans l’intérieur de sa famille que par les efforts qu’il faisait pour la contenir ; il a même toujours maîtrisé son humeur et mesuré ses discours au point qu’il ne s’est jamais battu en combat singulier, mérite rare pour ces temps-là dans un homme d’une vivacité aussi grande, et d’une valeur aussi décidée.

    Le comble de la vertu est de mériter la louange et de ne l’a point désirer. Cette grandeur d’ame n’a jamais été en un degré plus élevé que dans le comte de Verteillac ; on a de lui quelques mémoires de ses campagnes, il ne s’y étend que sur le mérite de ceux avec qui il a servi, prodigue de louanges à leur egard, il semble être injuste au sien, à peine croirait-on qu’il eut été présent à des actions, ou l’Histoire lui donne une part considérable.

    Il avait l’esprit infiniment vif, et pénétrant, aussi capable de former des desseins que de combiner les details qui peuvent en faciliter l’execution, et en assurer le succes, il pensait finement, et s’exprimait avec grâce, les mémoires qu’il a laissé quelqu’abrégés qu’ils soient, sont écrits d’un style concis, clair, et noble et justifient qu’il etait né aussi capable d’écrire des choses qui méritassent d’être lues, que d’en faire qui méritassent d’être écrites.

    Son tempérament était robuste et propre à féconder son activité, et son ardeur dans le métier des armes : il portait dans les yeux et sur le visage ces lettres de recommendation que la nature ne refuse guères à ceux dont elle a avantagé l’esprit et le cœur.

    Ses frères et ses soeurs par les alliances qu’ils prirent, augmentèrent le nombre de celles qu’ils avaient déjà avec la plus ancienne noblesse du Périgord. Tous ont laissé postérité.

    Sa veuve a épousé en secondes noces le comte d’Hautefort, lieutenant général des armées du roi, gouverneur de St. Malo. De plusieurs enfants qu’a eu le comte de verteillac il n’est resté qu’une fille mariée à son cousin germain, le comte de Verteillac, gouverneur et sénéchal de Périgord.

    Fin.

    illustration : gravure conservée au château de Versailles.

  • Madeleine-Elisabeth Maulmont épouse Regnauld-Lasoudière

    Guillotinée le 4 juillet 1794

    Le 4 juillet 1794 (16 messidor an II), dans la première section du tribunal révolutionnaire, ce fut une véritable boucherie, dit Wallon dans son Histoire du Tribunal révolutionnaire. Dix- neuf personnes sur vingt furent condamnées à mort. La plupart étaient des gens des frontières, doublement mis en péril quand l’ennemi les envahissait; ils l’avaient subi, et on les accusait de l’avoir reçu. Neuf étaient envoyés par le représentant du peuple Mallarmé, comme ayant eu des intelligences avec l’ennemi, ou ayant continué leurs fonctions à Briey, ou à Etain pendant l’occupation étrangère. Les autres, au nombre desquels était Madeleine-Elisabeth Maulmont, étaient accusés de différents délits. Ils furent tous exécutés le même jour. M. le Docteur Cl. Gigon (1) nous fournit l’histoire de cette malheureuse mère dont le crime principal fut d’avoir essayé de défendre la subsistance et les vêtements de ses enfants contre la rapacité des réquisitionnâmes. Elle était née â Mâche, département de la Creuse (2), et avait épousé M. Regnauld de Lasoudière, d’une famille de l’Angoumois. Ils habitaient ensemble le château de Saint-Mary, canton de Saint-CIaud, département de la Charente.

    Au commencement de la Révolution, M. de Lasoudière avait émigré et sa femme, probablement sur son conseil, avait fait prononcer son divorce lorsque la Terreur eût organisé la persécution. contre tout ce qui ne partageait pas ses sanglants appétits. Cette malheureuse mère, après ce sacrifice, essayait de vivre et d’élever dans l’isolement sa famille, composée de quatre jeunes enfants. Mais il n’y avait ni paix ni trêve pour ceux qui habitaient le district de La Rochefoucauld, sous la surveillance de son exécrable comité révolutionnaire, et le divorce de cette dame ne devait pas lui être utile.

    Le comité révolutionnaire, toujours aux écoutes, avait appris que la citoyenne Maulmont avait montré de la répugnance à livrer ses dernières couvertures de lit frappées de réquisition; qu’elle avait même dissimulé quelques boisseaux de grains destinés à la nourriture de ses enfants. Le prétexte était trouvé. Le comité révolutionnaire lâcha sur la malheureuse mère sa municipalité de Saint-Mary, qui se chargea de faire une enquête; le comité lui-même procéda à un interrogatoire, et de là résultèrent les charges suivantes.

    Mme de Lasoudière, lorsqu’on vint lui enlever scs dernières couvertures, avait, devant le voiturier Héraud, chargé du transport, répandu des larmes en disant : « Je suis bien malheureuse ! Si j’avais su l’être autant, je m’en serais allée aussi : ceux qui sont partis sont moins malheureux que moi. » Et, lorsque le comité lui demandait pourquoi elle avait hésité à livrer ces couvertures destinées aux volontaires du district, pourquoi elle avait pleuré, elle répondit : « C’est que l’hiver approchait, nous avions froid; lorsqu’on m’a pris les couvertures du mobilier de mon mari, au nombre de quatorze, je n’ai rien dit; mais lorsqu’on a pris les miennes, si utiles à moi et à mes enfants, j’ai eu du regret, j’ai pleuré. » Premier crime.

    Dans ces temps de liberté et de douce philosophie, comme disaient les sans-culottes, chaque citoyen était obligé de dénoncer la quantité de grains qui était en sa possession; mais chacun cherchait à échapper à cette mesure vexatoire, en dénonçant une quantité moindre que la réalité ; seulement tous n’étaient pas l’objet de la surveillance et de l’inimitié du comité révolutionnaire de La Rochefoucould et de la municipalité de Saint-Mary.

    Aussi, seule, Mme de Lasoudière fut signalée comme ayant fait une déclaration inférieure à la réalité. Elle pensait d’abord qu’il y aurait tolérance pour elle comme pour les autres, mais, ayant été prévenue que le maire allait venir vérifier, elle s’empressa d’aller à la mairie faire une nouvelle déclaration. Ce bon vouloir ne lui servit d’ailleurs de rien. La municipalité, fidèle exécutrice des intentions du comité révolutionnaire, délégua le citoyen maire Fournet, qui, après vérification faite, trouva une cinquantaine de boisseaux de plus que la déclaration. Deuxième crime.

    On peut ajouter encore quelques autres « attentats » du même genre que ceux-ci. Elle avait dit, un jour, en voyant un grand nombre de volontaires qui parlaient pour l’armée: Ah! avant longtemps, d y aura de la place de reste dans l’église ! « Et son métayer, qu’on faisait déposer contre elle, déclara qu’elle avait ajouté devant lui, en parlant de ces mêmes volontaires : « Le pays ne perd pas grand chose à leur départ; ce sont des câlins, des fainéants, des meurt-de-faim, qui n’ont rien à faire chez eux, et qui s’en vont pour se révolter contre nous. » Les dénonciateurs ajoutèrent qu’elle avait fait des menaces. Comme on la savait seule, sans protections, les patriotes et les pillards de Saint-Mary ne se gênaient pas et ravageaient ses propriétés, et, sans doute pour essayer de les elîrayer, puisque personne ne la protégeait, elle dit : « J’espère bien qu’un jour tout cela se trouvera; mon mari n’est pas si loin qu’on ne le croit. » La malheureuse, elle cherchait encore à s’abriter de la force de son protecteur naturel.

    Il y avait bien encore quelques autres propos ou commérages, °n les trouvera dans les pièces de son dossier, dont voici le texte :

    Déclaration de témoins et renseignements contre la Maulmont
    Extrait du procès-verbal du 4 floréal (23 avril 1794), de la municipalité de Saint-Mary

    A l’instant est comparu le citoyen Louis Hébrard, du lieu de Chez-Michot, d’après l’invitation que lui a faite la municipalité, et, après lui avoir dit de nous déclarer la vérité, et rien que la vérité, lui ayant demandé son son âge, il nous a dit avoir environ 60 ans; lui ayant dit de nous déclarer s’il ne s’était point aperçu que ladite Maulmont ait tenu quelques propos contre la République et tendant au détriment de la République, a déclaré qu’il y a environ deux ans que ladite Maulmont lui avait dit que, sous peu de jours, le monde ne serait pas gêné dans l’église, et c’était en parlant d’un grand nombre de volontaires qui partaient; elle dit aussi que son mari, émigré, n’était pas aussi loin qu’on se l’imagine.

    Lecture faite a persisté et déclaré ne savoir signer.

    Est aussi comparu le citoyen Gaspard (Albert), du lieu de la Grange, présente commune, âgé de 40 ans. Lui ayant aussi demandé de nous déclarer s’il s’est aperçu que ladite Maulmont ait tenu quelques propos contre la Révolution, il nous a déclaré qu’il y a environ deux ans il fut à la foire de Saint-Cloud pour vendre les bœufs de ladite Maulmont, et qu’à son retour de la foire il rentra dans sa chambre pour lui rendre ses comptes; elle lui demanda s’il y avait quelque chose de nouveau; ledit Gaspard (Albert) lui répondit qu’il y avait beaucoup de volontaires qui partaient. Ladite Maulmont lui répondit que c’était tous des câlins, des fainéants et des meurt- de-faim; qu’ils n’avaient rien à faire chez eux, et qu’ils s’en allaient pour se révolter contre nous. Il déclare aussi qu’il y a environ un an qu’il s’était trouvé avec ladite Maulmont; ils regardaient ensemble de l’ouvrage qu’un citoyen avait fait dans une pièce de terre que son mari s’était emparé, disant qu’elle était à lui, et que ce même homme qui avait fait cet ouvrage voulait aussi la réclamer, la dite de Maulmont lui dit que quand son mari serait de retour, qu’il paierait bien cela ainsi que les autres.

    Qui est tout ce que le déclarant a dit savoir.

    Lecture faite, a persisté et déclaré ne savoir signer.

    Est aussi comparu le citoyen J. d’Angou, au lieu de Chez-Ie-Bossu, présente commune. Il nous a répondu être âgé de 38 ans. Lui ayant demandé si la Maulmont, femme Regnauld, émigré, avait tenu quelques propos en sa présence contre la Révolution, il a répondu qu’il y a environ deux ans, ladite Maulmont lui dit que les habitants faisaient beaucoup de dégâts dans ses différents domaines, mais que, quelque jour, tout cela se trouverait bien. Qui est tout ce que le déclarant a dit savoir. Lecture faite, a persisté et déclaré ne savoir signer, Est aussi comparu le citoyen J. Chaland l’aîné, demeurant au lieu de Saint-Mary, présente commune, lequel a déclaré être âgé de 45 ans, et que ladite Maulmont lui avait dit, il y a environ deux ans, qu’ «avant qu’il fût peu de temps, il y aurait des guerres civiles, et que le monde se tuerait tous. » Qui est tout ce qu’il a dit savoir.

    Lecture faite, a persisté et déclaré ne savoir signer.

    Est aussi comparu le citoyen Hébrard, demeurant au lieu de Chez-Ie- Bossu, présente commune, lequel nous a déclaré être âgé de 38 ans, et que ladite Maulmont lui avait dit, il y a environ deux ans, qu’il fallait semer beaucoup d’avoine, attendu que, si les troupes entraient en France, il en faudrait beaucoup, et que, par conséquent, elle deviendrait très chère.

    Qui est tout ce qu’il a dit savoir.

    Lecture faite, a persisté et déclaré ne savoir signer.

    Est aussi comparu le citoyen Charles-Joseph Héraud, du chef-lieu de la présente commune, lequel nous a déclaré être âgé de 28 ans, et que ladite Maulmont lui avait dit, il y a environ six mois, qu’il avait monté au ci-devant château de Saint-Mary, pour faire conduire les couvertes de ladite Maulmont au district de La Rochefoucauld, en vertu d’une lettre adressée à la municipalité par les administrateurs du district de la Rochefoucauld… en conséquence le citoyen lléraud nous a dit qu’au moment où ladite Maulmont avait vu qu’on enlevait ses couvertes, elle se mit à pleurer, en disant qu’elle était bien malheureuse; que si elle avait su de l’être autant, elle s’en serait allée, elle aussi, en ce que ceux qui s’en étaient allés étaient plus heureux qu’elle, et cela en parlant des émigrés.

    Qui est tout ce qu’il a dit savoir.

    Lecture faite, a persisté et a signé.

    Héraut.

    La déposition du citoyen Héraud étant faite, nous avons demandé à d’autres citoyens s’ils avaient quelque chose à dire contre la Maulmont; personne n’a répondu. Est cause que nous avons fait et arrêté la présent procès-verbal les jour, mois et an que dessus, et avons signé :

    Fougerat, agent national; Fournet, maire; Philippe Besson, officier municipal; L. Biès, officier municipal.

    A l’instant que le procès-verbal a été clos, est comparu le citoyen Charles Rondaud, du lieu de la Grange, présente commune, nous ayant dit qu’il avait quelque chose à déposer contre la susdite Maulmont. A l’instant, lui avons demandé son âge : il nous a dit avoir 35 ans, et qu’il y a environ trois ans que ladite Maulmont lui avait dit, dans une grange, qu’elle voulait tuer quelqu’un elle aussi.

    Qui est ce que le déclarant a dit savoir.

    Lecture faite, a persisté et a déclaré ne savoir signer.

    Pour copie conforme : Machenaud, vice-président; Dubois, secrétaire.

    Procès-verbal de visite domiciliaire

    Extrait du procès-verbal de la municipalité de la commune de Saint-Mary, contre la nommée Magdeleine Maulmont, femme de Regnaud La Sourdière, émigré, divorcée, relativement aux fausses déclarations qu’elle a faites de ses grains.

    Aujourd’hui II octobre 1793, je soussigné, Barthélemy Fournet, officier municipal, en vertu de la commission à nous donnée par délibération du conseil de la commune de Saint-Mary, me suis transporté en la maison de ladite Maulmont, aux fins de visiter sa déclaration de blé, et, éfant monté dans les greniers, j’ai mesuré les grains qui y étaient. Il s’y est trouvé sept boisseaux en farine et six boisseaux de inclure aussi en farine, trente-sept boisseaux froment en grain et huit boisseaux d’avoine aussi en grain, le tout en sus tlu nombre qu’elle avait déclaré. Le présent fait et clos en ladite maison le jour ci-dessus. B. Fournet. Le tout sincère et conforme à la vérité. A Saint-Mary, maison commune, ce 25 nivôse, II e année républicaine (14 janvier 1794).

    Sebastien Saulnier, Jean Boulestin, officier; Robin, officier; B. Fournet maire; R. Merceron, agent national.

    Pour copie conforme : Machenaud, vice-président; Dubois, secrétaire.

    Muni de la dénonciation de la municipalité de Saint-Mary qu’il avait provoquée, le comité révolutionnaire de La Rochefoucauld avait incarcéré Mme de Lasoudière et après son interrogatoire du 24 floréal (13 mai 1794), ses pièces furent adressées . au district, afin d’expédier l’accusée au tribunal révolutionnaire à Paris.

    Le directoire du district, à son tour, dès le lendemain, 25 floréal, prit un arrêté pour faire expédier de brigade en brigade Mme de Lasoudière, avec six autres malheureux, à l’accusateur public du tribunal révolutionnaire, « pour, sur le tout, être statué ce qu’il appartiendra », c’est-à-dire pour être envoyés à la guillotine, comme cela arriva à tous en effet.

    Voici l’interrogatoire subi devant le comité, l’arrêté du i district, et la feuille de route de la gendarmerie pour les conduire à Paris.

    Interrogatoire devant le comité

    Extrait du procès-verbal de la séance du comité de surveillance révolutionnaire établi à La Rochefoucauld, du 24 floréal, IIe année républicaine (13 mai 1794).

    Le comité, vu les renseignements donnés par la municipalité de Saint- Mary, canton do Chasseneuil, contre la Maulmont, femme de Regnaud de La Soudière, émigré, voulant procéder ii son interrogatoire sur les faits à elle imputés, il l’a fait conduire devant lui par le concierge de la maison de réclusion, et, procédant audit interrogatoire, il a été demandé à ladite Maulmont :
    D. — Ses noms, surnoms, âge, profession et demeure,
    R. — S’appeler Magdeleine-Elisabeth Maulmont, être âgée de 34 ans, ci-devant noble, demeurant à Saint-Mary, femme divorcée de Reynaud La Soudière.
    D. — Si elle n’a pas contribué à l’émigration de son mari.
    R. — Que non.
    D. Si elle sait eu quel endroit il est maintenant, et si elle n’a pas reçu des lettres de lui :
    R. — Ne savoir où il est; qu’elle n’a reçu de lui qu’une lettre datée d’Aix-la-Chapelle, où il était allé prendre les eaux, il y a environ dix-huit mois.
    D. — Si elle n’a pas dit, il y a environ un an, qu’on ne serait pas gêné dans la ei-deyant église, parlant d’un grand nombre de volontaires qui partaient, et si. elle n’a pas dit aussi que son mari, émigré, n’était pas aussi loin que l’on se l’imaginait.
    R. — Qu’elle n’a jamais tenu ce propos.
    D. — Si elle n’a pas tenu des propos contre les volontaires, en disant qu’ils étaient tous des câlins, des meurt-de-faim, et qu’ils n’avaient rien à faire chez eux.
    R. — Que tout cela est faux.
    D. — Si, un jour, examinant le labourage d’une pièce de terre dont son mari s’était emparé, laquelle pièce était réclamée par le propriétaire, elle ne dit pas : « Quand mon mari sera de retour, il paiera bien, ainsi que les autres. »
    R. — Que cela est également faux.
    D. — Si, il y a environ deux ans, se plaignant de quelques dommages qu’on lui causait sur ses domaines, elle ne dit pas que, quelque jour, tout cela se trouverait bien, et ce qu’elle entendait par là.
    R. — Qu’il peut se faire qu’elle se soit plainte avec justice des dommages qu’on pouvait lui causer, et qu’il peut également se faire aussi qu’elle ait dit que cela se trouverait, entendant par là que la loi était juste et qu’elle lui procurerait la réparation do ces dommages.
    D. — Si elle n’a pas dit que, sous peu, il y aurait une ou plutôt des guerres civiles.
    R. — Que non.
    D. — Si elle n’a pas dit que, si les troupes entraient en France, il faudrait beaucoup d’avoine, et que, pour cette raison, il en fallait semer beaucoup.
    R. — Qu’elle n’a point dit que les troupes entreraient en France, mais qu’elle faisait semer de l’avoine, en ce que celte espèce de blé réussissait mieux dans la terre de Saint-Mary que d’autre blé, et que d’ailleurs ce blé se vendait toujours.
    D. — Si elle n’a pas eu envie d’émigrer aussi.
    R. — Que non; que, si elle en eût eu envie, elle serait partie.
    D. — Si elle n’a pas été fâchée quelquefois de ne s’être pas émigrée.
    R. — Que non.
    D. — Si, lorsqu’on lui fit demander ses couvertes de lit, elle les donna de bon cœur.
    R. — Que celles qui étaient à son mari, il lui était indifférent qu’on les prit on qu’on ne les prît pas, mais, quant à celles qui la couvraient et ses enfants, elle fut fâché de se les voir enlever, étant alors aux approches de l’hiver.
    D. — Si, étant instruite que ces couvertes étaient destinées à couvrir les défenseurs de la patrie, pourquoi elle semblait les regretter, surtout se disant bonne citoyenne.
    R. — Que, quant à celles qui la couvraient et scs enfants, le besoin lui faisait désirer de les garder, voyant qu’on lui en avait déjà enlevé quatorze.
    D. — Si elle n’a pas dit qu’elle voulait tuer quelqu’un et de qui elle voulait parler.
    R. — Qu’elle n’a point tenu ce propos; qu’elle n’a jamais eu cette intention; que, si elle a eu un désir, ç’à été de faire du bien et de l’exécuter. Qu’elle a fait différents dons à la patrie, selon ses facultés.
    D. — Pourquoi elle n’avait pas déclaré la vraie quantité de ses grains.
    R. — Que, faisant sa déclaration de grains, involontairement elle déclara moins do blé qu’elle n’en avait, n’en sachant pas la quantité, mais que, s’étant aperçue de l’irrégularité de sa déclaration, elle se transporta le lendemain matin à la municipalité pour faire de nouveau sa déclaration et rectifier celle qu’elle avait déjà faite. Lecture faite, ladite Maulmont a persisté et a signé au registre.
    Maulmont.

    Le comité arrête que ladite Maulmont, déjà en réclusion, sera, ainsi que l’expédition du présent et des pièces la concernant, renvoyée à l’administration du district dans les vingt-quatre heures, conformément à la loi.
    Pour extrait conforme au registre : Machenau, vice-président; Dubois, secrétaire.

    Arrêté du directoire de La Rochefoucauld
    Liberté, Egalité, Fraternité
    Extrait du registre du directoire du district de La Rochefoucauld
    Séance du 25 floréal l’an II (14 mai 1794)

    Vu copie des pièces de la procédure adressée à l’administration, le jour d’hier, par le comité révolutionnaire de surveillance.
    1° Contre Joseph Brébiôn-Lahaye, médecin, au nombre de deux pièces.
    2° Contre Jean Gellé, ex-curé de Ville-Joubert, au nombre de trois pièces.
    3° Contre Valérie Marentin, femme de Pasquet-Saint-Projet, ci-devant garde du corps, émigré, au nombre de cinq pièces.
    4° Contre Magdeleine-Elisabeth Maulmont, femme de Reynaud La Sourdière, émigré, ex-noble;
    5° Contre Jean Bonnet-Rassat-Dulac, père et beau père d’émigrés, au nombre de deux pièces.
    6° Contre Catherine Duplessis, ex-noble, au nombre de deux pièces.
    7° Contre Marie-Rose Chamborant, veuve Duplessis, ex-noble; Ouï Albert, pour l’agent national.

    L’administration arrête que les dénommés ci-dessus, seront conduits, demain 26, par deux gendarmes d’ordonnance et de brigade en brigade, au tribunal révolutionnaire de la Convention nationale, et les pièces de la procédure chargées à la poste, et adressées à l’accusateur public dudit tribunal révolutionnaire pour sur tout y être statué ce qu’il appartiendra. Il sera expédié une route aux détenus, laquelle sera remise aux mains des gendarmes de cette résidence, qui la transmettront à ceux de Mansle, ainsi que les détenus, et cela se succédera de brigade en brigade jusqu’au tribunal révolutionnaire, où les détenus seront remis aux mains de l’accusateur public qui en donnera décharge.

    Hériard, Philippon-Jolly, administrateurs; Desaunières, président; Albert, pour l’agent national.

    Ordre donné à la gendarmerie
    Liberté, Egalité, Fraternité ou la Mort

    Le citoyen Vinson, lieutenant de la gendarmerie, fera conduire après avoir extrait de la maison de réclusion les nommés : Rose Chamborant Duplessis, La Merlière, Maulmont, femme de l’émigré La Sourdière, ex-noble; Rassat- Dulacq, père et beau père d’émigrés; Valérie Marentin, femme de l’émigré Saint-Projet, ci-devant garde du corps; Brébion-Lahaye, médecin, et Gelé, ex-curé de Villejoubert; les fera conduire, demain 26 courant, par trois gendarmes d’ordonnance, à la brigade de Mansle, où il les remettra, en retirera décharge, et la brigade de Mansle les conduira à la plus prochaine, et de brigade en brigade, jusqu’au tribunal révolutionnaire de la Convention nationale, ii Paris, où les accusés seront remis, ainsi que ces présentes, ès mains de l’accusateur public dudit tribunal, qui en donnera décharge. Les gendarmes recevront l’étape et le logement; les détenus recevront six sols par lieue, et seront conduits sur une voiture à trois colliers.
    La Rochefoucauld, séance publique du Directoire, le 25 floréal, l’an II de la République (14 mai 1794).
    Philippon-Joly, Albert, Renard, Laroque.

    (A Ruffec, un ordre identique est donné à la gendarmerie, le 27 floréal; la seule différence qu’il offre avec le précédent, c’est que l’indemnité de roule des détenus est de cinq sols, au lieu de six sols, par lieue. Il est signé : Pinoteau fils aîné, Rougier, J. Decaze, suppléant et secrétaire.

    Suivent les certificats d’étape et de logement fournis dans les localités suivantes :

    Floréal, 26. — Mansle.
    — 27.—Ruffec.
    28. — Poitiers.
    — 29. — Châteauroux.
    — 30. —
    Prairial, 1. — Tours.
    — 2. — Amboise.
    — 3. — Blois.
    — 4. — Beaugency.
    — 5. — Orléans.
    — 6. — Arthenay.
    — 7. — Angeville et Elampes.
    — 8. —
    — 9. — Commune de l’Egalité.

    A Paris, on fit subir à Mme de Lasoudière un interrogatoire insignifiant, que l’on va lire, et cet interrogatoire est tellement écourté, qu’il manifeste qu’on n’avait rien de nouveau à ajouter aux prétendues charges énumérées plus haut. Ces formalités étant remplies, le rôle de l’accusateur public allait commencer. L’acte d’accusation qu’il dresse et le jugement que prononce le tribunal sont les dernières pièces du dossier de Mme de La Soudière.

    Interrogatoire devant le tribunal révolutionnaire

    Cejourd’hui, 11 prairial de l’an II de la République (30 mai 1794), 1 heure de relevée, nous, Claude-Emmanuel Dobsent, juge au tribunal révolutionnaire, assisté de R. Josse, commis greffier, avons fait amener de la maison d’arrêt de la Conciergerie la prévenue.

    D. — Ses noms, âge, profession, pays et demeure.
    R. — Magdeleine-Elisabeth Maulmont, femme de La Soudière, âgée de 35 ans, née à Mâche, département de la Charente (3), ex-noble, demeurant à Saint-Mary, département de la Charente, district de La Rochefoucauld.
    D. — Où est son mari, et s’il n’est pas émigré.
    R. — Qu’elle, l’ignore; qu’elle a fait prononcer son divorce d’avec lui pour cause d’absence.
    D. — Si depuis son émigration, elle n’a pas entretenu des correspondances avec lui.
    R. — Qu’elle ne lui a jamais écrit; mais qu’elle a reçu une lettre de lui d’Aixe-la-Chapelle, il y a environ vingt mois.
    D. — Si elle n’a pas dit, un jour, que son mari n’était pas aussi loin qu’on se l’imaginait.
    R. — Que non.
    D. — Si elle n’a pas dit qu’avant peu la guerre civile se manifesterait.
    R. — Que non.
    D. — Si elle n’a pas dit qu’elle désirait tuer quelqu’un, et l’avons sommé de déclarer la personne qu’elle voulait homicider.
    R. — Que non.
    D. — Si elle a fait choix d’un défenseur.
    R. — Que non. Nous lui avons nommé le citoyen Chauveau. Lecture faite, a persisté et signé avec nous. Maulmont, Dobsent, .Iosse.

    Jugement commun à Mme De Lasoudière et à M. Derassat
    Extrait du jugement du 16 messidor (4 juillet 1794)

    Vu, par le tribunal révolutionnaire, l’acte d’accusation porté par l’accusateur public…. 4° Contre Magdeleine-Elisabeth Mormont (sic) (4), femme de La Soudière, âgée de 35 ans, née à Mâche (Creuse), ex-noble, demeurant à Samarie (sic) (Charente);…. dont la teneur suit :
    Antoine-Quentin Fouquier, accusateur public du Tribunal révolutionnaire expose :
    Qu’en vertu de divers arrêtés; 4° Magdeleine-Elisabeth Mormont; 5° Bonnet de Rassat-Dulacq ont été conduits au tribunal révolutionnaire;
    Qu’examen fait des pièces remises à l’accusateur public, il résulte que la femme Maulmont de La Soudière, dont le mari est au nombre des conspirateurs qui portent les armes contre leur patrie, partage ses principes et ses sentiments, et n’a cessé de déclarer être elle-même l’ennemi du peuple; elle ne cessait d’attaquer, par les discours les plus outrageants et les plus injurieux, la République et ses défenseurs. « Dans peu, disait-elle, nous aurons la guerre civile; mon mari, émigré, n’est pas si loin qu’on le pense. Ces volontaires qui partent par la frontière sont des cillins, des fainéants et des meurt-de-faim, qui n’avaient rien à faire chez eux. »
    « C’est, bien malheureux ! disait en pleurant la femme Mormont — parce qu’on enlevait des couvertures de laine pour nos défenseurs de la patrie. Si j’avais su être aussi malheureuse, je me serais en allée. »
    Qu’elle « voudrait tuer quelques patriotes (5) », propos qui excitaient l’indignation de tous les citoyens de la commune où elle demeurait…
    D’après l’exposé ci-dessus, l’accusateur a dressé la présente accusation contre les susnommés, pour s’être déclarés les ennemis du peuple en provoquant, par des propos et des discours, l’avilissement de la représentation nationale et le rétablissement do la royauté.
    En conséquence, l’accusateur public requiert.
    Fait au cabinet de l’accusateur public, le 15 messidor, l’an II de la République (3 juillet 1794).
    A. Q. Fouquier.

    Vu la déclaration du juré de jugement faite individuellement et à haute voix, en l’audience publique du tribunal, portant que Magdeleine-Elisabeth Mormont, femme Lasoudière, et Bonnot de Rassat-Dulacq sont convaincus de s’être rendus les ennemis du peuple, et d’avoir conspiré contre la sûreté et la liberté en provoquant, par des discours, l’avilissement et lu dissolution de la représentation nationale et des autorités constituées et le rétablissement de la royauté.
    Le tribunal, après avoir entendu l’accusateur public sur l’application de la loi, condamne à la peine de mort Magdeleine-Elisabeth Mormont, femme Lasoudière, et Bonnet de Rassat-Dulacq.
    Déclare les biens des susnommés acquis à la République. Ordonne qu’à la diligence de l’accusateur public le présent jugement sera exécuté dans les vingt-quatre heures, sur la place de la Barrière-de-Vincennes.
    Fait et prononcé le 16 messidor, l’an IIe de la République, en audience publique du tribunal, où siégeaient les citoyens Toussaint-Gabriel Scellier, vice- président; Antoine-Marie Maire, et François-Pierre Garnier-Launay, juges, qui ont signé le présent jugement, ainsi que le greffier.
    Scellier, Maire, Garnier-Launay, Legris, commis greffier.

    Chez Fouquier-Tinville, tout était mensonge et cruauté; tous ses réquisitoires sont de continuels appels au versement du sang innocent. Mais il parlait à un jury et à un tribunal dignes de le comprendre. Dans le cas présent, le verdict fut affirmatif sur tous les points, et un feu de file, comme disaient les révolutionnaires, renversa dans la mort, non seulement la malheureuse femme, mais encore tous ceux qu’avait expédiés le directoire de La Rochefoucauld par son arrêté du 26 floréal. Le jugement condamnant à mort Mme de Lasoudière, rendu le 16 messidor an 11 (4 juillet 1794), fut exécuté le même jour.

    L’abbé Lecler

    Notes :

    1. Les victimes de la Terreur dans le département de la Charente, t. I, p. 14, et t. Il, p. 265.

    2. Il est à croire que Madeleine-Elisabeth de Maulmont est née au château du Monteil, paroisse de Luporsac, on Marche, aujourd’hui dans le dé partement de la Creuse. Melchior de Maulmont de Saint-Vitte le était devenu propriétaire du château du Monteil en 1673 par son mariage avec Antoinette de Neuville, dame du Monteil. Pendant la Révolution, leur descendant Annet de Maulmont y vivait avec ses deux filles; et l’une d’elles Marie-Anne-Florentine de Maumont épousa, le 12 juin 1798 Annet-Jean-Baptiste de La Celle. Le château du Monteil fut un asile bien connu des proscrits et des prêtres réfractaires qui y trouvèrent toujours une généreuse hospitalité.

    3. Mache est dit précédemment, et aussi dans le jugement que l’on va lire, du département de la Creuse. Mais il n’y a de commune de ce nom ni dans le département de la Creuse ni dans celui de la Charente.

    4. Au lieu de Maulmont; le texte du jugement ci-après porte aussi Mormont.

    5. S’il était nécessaire d’un témoignage matériel pour prouver les falsifications que Fouquier-Tinville faisait subir aux dépositions des témoins pour aggraver le sort des accusés, on le trouverait ici. Dans l’enquête de la municipalité de Saint-Mary, on voit que le citoyen dénonciateur spontané Charles Rondeau est venu déclarer que trois ans auparavant, ladite Maulmont avait dit qu’elle voulait tuer quelqu’un. Ce propos, tenu depuis trois ans, m’a paru si invraisemblable, si insignifiant même, que je n’ai pas voulu le relever. Mme Lasoudière, d’après cela, aurait dit qu’elle voulait tuer quelqu’un, mais n’avait pas dit qui. Le même propos fut relevé dans l’interrogatoire du tribunal révolutionnaire, et, malgré l’interpellation directe du juge, on ne put trouver à qui appliquer le mot. Par conséquent, cette accusation était nulle el même ridicule. Mais Fouquier-Tinville, avec l’odieuse perfidie mensongère qui était si bien dans ses habitudes, ajouta à la déposition; il accusa la malheureuse d’avoir voulu tuer un patriote, créant ainsi un mot, une idée qui n’avait pas existé : c’était afin de prouver que la malheureuse dame était contre-révolutionnaire, crime alors sans rémission.

    Lors du procès, qui vengeant l’humanité, envoya Fouquier-Tinville à la mort, au mois de pluviôse an III, celui-ci prétendit et prouva en effet que c’était sur l’ordre du Comité de Salut public qu’avaient eu lieu tant de sanglantes exécutions; qu’il allait chaque jour au comité prendre ses ordres et ses inspirations. Mais si Billaud-Varennes, Collet, Robespierre, David, Carnot, avaient été plus scélérats que lui comme moteurs, il faut avouer que l’accusateur public s’était aussi assimilé la responsabilité à lui-même par son obéissance passive aux ordres criminels du comité et les développements qu’il y avait ajouté, par les interprétations qu’il avait données aux actes les plus innocents des accusés, par les mensonges dont il n’avait cessé de surcharger ses innombrables réquisitions.

  • Louis Regnauld, chevalier, seigneur de La Soudière et de Nieuil, fut assassiné le 13 février 1722 au coin d’un bois par Pierre Rossignol, garde du corps du roi, et son valet, Mingault. Il fut inhumé le 17 dans l’église de Nieuil, âgé d’environ 25 ans. Il avait été page de la Grande Écurie à Versailles. Par contrat du 28 août 1721 devant maître Boissière notaire à Saint-Claud, il avait ensuite épousé Suzanne Green de Saint-Marsault, fille de François-Sylvain Green de Saint-Marsault,, chevalier, seigneur de Nieuil, et Suzanne-Cassandre Green de Saint-Marsault, sa femme. Ses assassins furent condamnés à mort dans un procès par contumace, et sa veuve se remaria avec Jean de Perry, auquel elle porta la seigneurie de Nieuil.

    Copie de la sentence devant la sénéchaussée de Poitiers, du sieur Rossignol, dit Montmorillon, convaincu d’assassinat sur la personne de Messire Louis Regnauld de La Soudière :

    « Entre Dame Françoise-Suzanne Green de Saint-Marsaud, veuve de Messire Louis Regnauld, chevalier, seigneur de La Soudière, et de Nieul; et Messire François Regnauld, chevalier, seigneur, marquis du dit lieu de La Soudière, et autres lieux, son père; accusateur en crime d’assassinat et homicide commis en la personne du dit deffund seigneur, Messire Louis Regnauld, le Procureur du Roi, d’une part. Contre les nommés Rossignol, dit Montmorillon, et Mingault, son valet, deffendeurs et accusés, et contumax. Tout ou et considéré le nom de Dieu, à ce premier appelé, nous avons comme autrefois declaré le nommé Rossignol, dit Montmorillon, et Mingault, son valet, contumax, forclos, deboutez d’exception et défense, si aucunes ils avaient et duement atteints et convaincus du crime d’assassinat et homicide commis sur la personne de deffund Messire Louis Regnauld, chevalier, seigneur de La Soudière et de Nieul; et pour reparation les condamnons à être pendus et estranglés jusqu’à ce que mort en suive à une pottence qui sera placée à cet effet en la place de Saint-Nicolas près de cette ville par l’exécuteur de la Haute justice, etc. Donné et fait en vacation en la Chambre criminelle de Poitiers par nous, Aubert Saint-Laud, chevalier, seigneur de Beaumont, conseiller du roy, lieutenant-général criminel en la Senéchaussée du Poitou et sage président au dit Poitiers, avec Messieurs du Tiers, lieutenant particulier et assesseur criminel; J. de Genne, Vincent, tous conseillers du dite seigneur et sages magistrats. Le 19 septembre 1722. Signé Irland, rapporteur; de Genne, Vincent; Prieur, greffier. »

    Source : Généalogie Charente Périgord.

  • Jean Allafort (collection particulière)

    Né en 1741 au Bourdeix, fils du maître de forges d’Etouars, jouissant d’une fortune plus que médiocre, il n’a rempli avant la Révolution aucune fonction municipale ou de judicature. Licencié en droit, il continue à travailler dans les forges et exerce en même temps la profession d’avocat . En 1790, il est maire de Bussière-Badil. Le 10 août, il est élu membre du Directoire du district de Nontron, avec trois autres avocats, charge qu’il occupe jusqu’à son élection à la Convention, où il vote la mort du Roi. En octobre 1795, les électeurs le renvoient au Conseil des Anciens. Faisant partie du tiers renouvelé en 1797, il rentre avec plaisir dans ses foyers où ses affaires ont été gérées par sa fille. Son fils, qu’il avait poussé à s’engager comme volontaire en 1792, a été tué à l’armée du Rhin en 1795. Il se tient à l’écart de la vie publique sous le Consulat et l’Empire, et doit se cacher à Paris, frappé comme régicide par la loi de 1816. Il y meurt le 5 mai 1818.

    Source : Croquants et Jacobins, aspects de la Révolution en Dordogne (1789-1799).

  • L’Angoumois était, depuis 1773, l’apanage du frère de Louis XVIII, Charles Philippe, comte d’Artois, qui fut plus tard Charles X. Ce titre de duc d’Angoulême passa ensuite aux mains de l’un de ses fils Louis-Antoine de Bourbon, époux de Marie-Thérèse Charlotte, dite madame Royale, fille de Louis XVI, duchesse d’Angoulême.

    Le duc et sa femme furent d’ardents royalistes, qui rêvaient la chute de l’Empire et le rétablissement de l’ancienne monarchie.

    En janvier 1814, alors que le cabinet de Londres déroulait son plan de restauration, le duc d’Angoulême débarqua à Saint-Jean-de-Luz et alla se cacher à Saint-Sever d’où il communiqua avec les chefs catholiques de l’Ouest, tels que La Rochejaquelin et de Taffart, pour former des associations secrètes qui devaient instruire les alliés sur la situation de la France.

    Pendant que Soult faisait retraite en remontant l’Adour pour rejoindre l’armée de Suchet, les royalistes se proposèrent de prendre Bordeaux pour le remettre au roi Louis XVIII.

    Le maire de la ville, le comte de Lynch, sollicita le duc d’Angoulême de venir et l’informa que les Bordelais lui ouvriraient leurs portes et leur coeur.

    Défiant la police secrète de l’Empereur, le duc d’Angoulême fit appel à des volontaires royaux. Aussitôt, de tous les points des villes du Sud-Ouest, arrivèrent des partisans équipés et montés à leurs frais et, le 12 mars 1814, malgré la décision de Wellington qui envoya 15.000 anglais sous la conduite de Beresford pour empêcher le complot royaliste, le duc entra dans Bordeaux avec son escorte de volontaires royaux conduits par son premier écuyer, le comte de Guiche; il occupa la ville jusqu’au 17 juillet.

    Au cours de ce séjour, Marie-Thérèse Charlotte et son mari visitèrent un grand nombre de villes qui les avaient invités. Le 6 mai une délégation composée de MM. Gounin-Pompinaud, maire, Pasquet de Laurière, Sibilet Mathieu, le général Lacroix partit à Bordeaux pour aller déposer, au nom de la ville, les hommages des habitants de La Rochefoucauld, aux pieds du duc d’Angoulême. En reconnaissance, Louis-Antoine de Bourbon fit halte à La Rochefoucauld le 23 mai et il y fut reçu par plusieurs maires du canton en uniforme officiel : écharpe blanche, chapeau retroussé à la Henri IV, cocarde blanche et plumet blanc.

    Bordeaux fut conservé à la cour royale par Marie-Thérèse Charlotte plus de dix jours après le retour de Napoléon aux Tuileries. En récompense, le roi Louis XVIII nomma le duc d’Angoulême Grand Amiral de France. Parmi les volontaires royaux, venus de la Charente, il faut citer Dexmier de Chenon, Dumas de la Rogue, de Chambre, etc.

    En leur décernant le titre d’officier, le duc d’Angoulême avait remis à chacun des volontaires un insigne qu’on appela l’ordre du Brassard, dirigé par S. A. R. Louis-Antoine de France. L’insigne était formé d’un ruban en soie blanche, orné d’une belle plaque en émail qu’on portait sur l’uniforme militaire; pour le civil, il était remplacé par une médaille. Un brevet parchemin confirmait le titre. En tête du brevet figurait le brassard gravé à l’eau forte, scellé du sceau de la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur et contre scellé du sceau du capitaine de chaque compagnie.

    Au 20 juillet le roi Louis XVIII y ajouta la décoration du Lys, imitation de la croix de Saint-Louis, avec couronne royale supportant la décoration et, à l’avers, une fleur de lys avec la légende « Vive le roi ! »

    Dans les derniers jours de février 1815, les volontaires royaux de l’ordre du Brassard se réunirent à nouveau à Bordeaux pour y fêter l’anniversaire du 18 mars 1814 et y revoir le duc et la duchesse d’Angoulême, qui devaient arriver le 7 mars.

    C’est au milieu des fêtes données à cette occasion par le commerce que le duc apprit la nouvelle du retour de Napoléon. A cinq heures du matin, sentant le danger qui le menaçait, il partit pour Nîmes, confiant la duchesse, sa femme, aux volontaires royaux qui l’accompagnèrent jusqu’à Pauillac, d’où elle s’embarqua pour l’Espagne (3 avril 1815). Le duc fut arrêté et envoyé à Barcelone. En quittant ses volontaires, il adressa à chacun une lettre conçue en ces termes :

    « Je me fais un plaisir de témoigner aux volontaires royaux ma vive satisfaction du zèle qu’ils n’ont cessé de manifester depuis l’époque mémorable du 16 mars. Je leur en fais mes remercîments en mon nom et en celui du Roi.

    « Je les invite à se retirer par congé dans leurs familles et à attendre que mon retour, ou l’arrivée de la Duchesse d’Angoulême, ou de quelque prince, rendent de nouveau leurs services aussi utiles qu’ils m’ont été agréables. Ils peuvent au surplus toujours compter sur mon sincère attachement : Signé : Louis-Antoine. »

    Après les Cent jours, les volontaires demandèrent à être admis dans la garde de Monsieur; on ne leur répondit pas. Plus tard, une députation fut envoyée près de Louis XVIII pour le prier d’autoriser le port de la décoration; le roi ne la reçut pas et les volontaires royaux subirent le sort des compagnies rouges des gendarmes et de celles des chevau-légers et gardes de Monsieur. Cependant Charles X, par une lettre de la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur, signée Macdonal (4 septembre 1824), autorisa les anciens volontaires royaux à porter la décoration du Brassard.

    Le dernier duc d’Angoulême, qui avait reçu le titre de Dauphin à la mort de Louis XVIII, signa avec son père Charles X (juillet 1830) sa renonciation au trône en faveur du duc de Bordeaux, et, tous les deux, ils se retirèrent à l’étranger avec lé dernier rejeton de leur race.

    Il mourut à Goritz en 1844.

    Source : Histoire de l’Angoumois, de Léon Bertrand.

  • Regnauld de La Soudière (Louis) : fils de Louis-François-Gabriel, seigneur de La Soudière, et de Anne de La Ramière, sa première femme – né à Saint-Mary, diocèse d’Angoulême, 13 septembre 1747 – reçu mousquetaire dans la 1re compagnie, 27 mai 1768 – supprimé avec la compagnie, 15 décembre 1775, et breveté capitaine de cavalerie – conserve le quart de ses appointements jusqu’à son remplacement, soit 180 livres, pension réduite 159 livres 6 sols en 1779 – Commissaire chargé de la rédaction du cahier de doléances à l’Assemblée provinciale de 1789.

    Emigra, mars 1792 – campagne de 1792, armée des Princes, dans la 2e compagnie noble d’ordonnance (Mousquetaires), 8e brigade – joint l’armée de Condé en septembre 1799, servit jusqu’au licenciement dans la cavalerie noble – Chevalier de Saint-Louis en 1796 (?).

    Il mourut à Altona (Holstein), 9 mars 1811.

    Il épousa, contrat du 30 décembre 1783, Madeleine-Elisabeth de Maumont – fille de Jean-Léonard et de Marie Blondeau de Laurière – née à Mache (alias au château de Monteil, aujourd’hui Creuse) – condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris, 16 messidor an II.

    Une indemnité de 89.430,13 F fut attribuée en 1826 à ses fils François-Gabriel et Louis-Gabriel.

    A. G. : YB 69 – 350(1) – Callandreau – Gigon : « Victimes de la Terreur ».

    Source : L’émigration militaire, de Jean Pinasseau.

  • Vendredi dernier, un domestique de la commune d’Agris, passant à la nuit noire au lieu dit la Croix-de-la-Tuilière, a été vivement effrayé par l’apparition d’une troupe de soi-disant revenants.

    Il est bon de dire que la Croix-de-la-Tuilière passe dans le pays pour être le lieu préféré de rendez-vous des revenants, loups-garous, etc.

    Ces derniers feront bien, cependant, de ne pas se montrer trop souvent, car un beau jour ils — ou elles — pourraient se trouver en face de gens assez hardis pour leur infliger une correction qui ne serait pas volée.

    (Journal La Charente, 11 novembre 1904)