Généalogie Charente-Périgord (GCP)

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  • En 1199, Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine, en guerre contre le roi de France, Philippe Auguste, venait de conclure avec lui une trêve. Libre de disposer de son armée, il résolut de l’employer à châtier un vassal rebelle, le vicomte de Limoges, qui, dans la récente guerre, avait pris le parti de son adversaire. Il dirigea donc ses troupes contre plusieurs des forteresses que celui-ci possédait en Périgord et en Limousin, sur les frontières de sa vicomté. « Malte ville obsesse scilicet », disent les chroniques de Saint-Martial de Limoges.

    « Nuntrum, Noalas, Chaluz-Chabrol, Autafort… Poï-Agut… », et ailleurs : « Ipse (Richard) intérim dum œgrotaret (il venait d’être blessé devant Chalus) prœceperat suis ut obsiderent caslellum vicecomitis quod appellat.ur Nuntrum, et quoddam aliud inunicipium quod appellatur Montagut (Piégut), quod effecerunt, sed morte régis audita, confuse recesserunt. »

    Ce sont les constructions militaires de la région comprise entre Nontron et Chalus, qui sut résister aux attaques des routiers du souverain anglais, que nous examinerons dans cette étude, en laissant entièrement de côté celles d’une époque postérieure.

    Nontron. — Par suite d’un regrettable état de choses, la ville de Nontron (Dordogne), point stratégique le plus important de la région, ne présente plus d’intérêt pour l’étude de l’architecture militaire. En effet, ses fortifications, pourtant très importantes, sont ou disparues ou complètement défigurées; sur le terre-plein triangulaire dominant le Bandiat où s’élevait la forteresse, on voit à présent une esplanade plantée d’arbres et une maison d’école. Quant à l’enceinte des fortifications, elle est difficile à suivre au milieu des transformations et des appropriations qu’une municipalité sans respect des souvenirs du passé y a apportées.

    Par bonheur, M. le baron Jules de Verneilh nous a laissé un dessin et une description qui nous permettent d’affirmer que le donjon de la forteresse contre laquelle vint se briser l’effort des troupes anglaises était du même type que ceux dont il va être question plus loin. Comme l’a très bien fait observer M. le marquis de Fayolle, ce donjon était circulaire, de 9m50 de diamètre, et son entrée se trouvait à 6 mètres au-dessus du sol. Il paraît donc pouvoir, en raison de ces caractères, être rapproché de ceux du Bourdeix, de Piégut et de Châlus, que nous allons passer successivement en revue.

    Mais nous signalerons auparavant une construction peu commune, particulièrement à l’époque qui nous occupe.

    Nous voulons parler d’une tour à signaux qui était en quelque sorte un poste de grand’garde en avant du fort de Nontron.

    Tour de la Jarrige. — Dans la commune de Saint-Martialde-Valette (Dordogne), à trois kilomètres au sud-ouest de Nontron, au sommet d’une colline qui domine presque tout le pays, est placé, en vedette, un monument connu sous le nom de Tour de la Jarrige, ou de la Jar risse et, dans le langage populaire, de Tour des Anglais. C’est, en effet, une tour carrée de 3m30 de coté à l’extérieur et pouvant mesurer de 7 à 8 mètres de hauteur dans son état actuel. Construite en pierre calcaire de la région bien appareillée, elle ne présente que quatre ouvertures : la porte et trois petites fenêtres. L’entrée, haute de 1m65. large de 0m67, est à 1m50 environ au-dessus du sol actuel; on ne peut y parvenir que par escalade, et, pratiquement, une échelle devait être nécessaire pour pénétrer à l’intérieur; elle est en plein cintre et se fermait à l’aide d’un madrier glissant dans un trou profond ménagé dans la muraille de gauche. Sur une longueur de 1m05, le couloir qui y aboutit est voûté en dalles plates juxtaposées sans maçonnerie, comme à Piégut, au Bourdeix et à Chalus-Chabrol. Au bout du couloir, six marches de 0m18 de hauteur conduisent cà une petite fenêtre dont l’archivolte cintrée est taillée dans une seule pierre, détails qui se retrouvent encore aux donjons déjà cités. Après la sixième marche, l’escalier tourne à angle droit; à partir de ce point il n’en subsiste que trois marches. Il n’y a pas d’autre vide entre les murailles que celui qui est nécessaire à leur emplacement. Au sommet de la tour, deux très petites baies, l’une carrée, au sud, l’autre arrondie au nord, sont appareillées en pierre calcaire différente du reste de la construction; le chanfrein qui les orne atteste qu’elles ont été ouvertes au XVe siècle : elles sont d’ailleurs visiblement relancées après coup, et leur dimension n’excède pas celle qui est nécessaire au passage d’un pigeon. On ne voit à l’extérieur de la tour, qui n’a pas de couverture, aucune trace de solin ni d’arrachement : elle a donc toujours été isolée; mais au-devant de la porte s’étend une fosse sèche, aujourd’hui remplie d’épaisses broussailles qui mesure vingt mètres environ de longueur, sur deux mètres de largeur, et près de trois mètres de profondeur; ses côtés nous ont paru maçonnés, au moins en pierres sèches.

    Il ne nous semble pas douteux que nous ne nous trouvions en présence d’une de ces tours pour signaux à feu, si fréquentes- dans les vallées pyrénéennes; ses caractères architectoniques, identiques, sauf la nature des matériaux, à ceux des donjons de Piégut, du Bourdeix et de Clialux, nous permettent de la croire de même époque; son nom même, Tour des Anglais, tradition populaire survivante, n’en est-il pas, en quelque sorte, une confirmation ?

    Un monument de ce type, mais d’époque postérieure, car nous ne croyons pas pouvoir le dater plus tôt que le XIVe siècle, subsiste eu Touraine, dominant les bords de la Loire : c’est la Lanterne de Hochecorbon, près de Vouvray. Elle est parfaitement conservée; son escalier, au lieu d’être à angles droits, est hélicoïdal; sa porte est en anse de panier; son sommet est couronné par des mâchicoulis; elle était, en outre, placée tout en haut d’une épaisse muraille qui formait l’enceinte d’un important château, et on y pénétrait par le chemin de ronde. Mais l’aspect général est le même : â deux cents ans de distance, le principe reste identique. Poste avancé à une lieue de Nontron, la tour de la Jarrige pouvait contenir un homme, deux au plus, guetteurs vigilants, qui, par des feux allumés sur sa plate-forme, avertissaient la forteresse, dont ils étaient les guetteurs, des dangers qu’elle pouvait courir.

    Le Bourdeix.— Le donjon du Bourdeix (Dordogne), dont il subsiste, sans cloute, un peu moins de la moitié, est dans une situation infiniment moins forte que la plupart de ses congénères : il est, en effet, planté à l’extrémité d’un plateau se terminant par une pente que l’on peut supposer avoir été plus abrupte, mais qui ne le défendait que d’un seul côté.

    Son diamètre extérieur est de 9m10, l’épaisseur de ses murs de 2m 75. ce qui laisse un vide circulaire de 3m60 de diamètre. La porte est. placée à 6 mètres du sol : on ne pouvait y parvenir qu’avec une échelle. La hauteur de ce qui reste est de 14 mètres et l’on peut admettre que cette tour, construite en granit soigneusement appareillé, atteignait 25 mètres environ. La porte, maintenue primitivement par une barre de bois glissant dans un trou réservé dans l’épaisseur de la construction, a 2m40 de haut sur 0m90 de large. Comme à Piégut, on trouve un conduit d’écoulement traversant la muraille de part en part, sous le sol de la porte. L’entrée est recouverte de dalles plates de granit, simplement juxtaposées, suivant la disposition adoptée à Piégut et à La Jarrige. L’étage inférieur, qui a 6m50 de hauteur sur un diamètre de 3m20, est, ainsi que tous les magasins du même genre, entièrement aveugle; il est voûté par une coupole reposant sur un boudin, et on y pénètre par un oculus de 0m60 de diamètre, encerclé degrosses pierres taillées; une feuillure indique qu’il s’obturait à l’aide d’un couvercle.

    La partie supérieure, de 5 à 6 mètres de haut, n’a plus aucune espèce de couverture. On y remarque, à 4m20, un retrait régulier sur tout le pourtour qui semble indiquer le départ d’un second otage, sans doute en poutrage. Une seule fenêtre subsiste; son ébrasement est coudé de façon à mettre le défenseur complètement à l’abri des traits des assaillants; enfin, une petite armoire est ménagée dans l’épaisseur de la construction.

    Le Brieudet. — A égale distance entre Nontron, le Bourdeix et Piégut s’élève une motte considérable par les dimensions de sa base aussi bien que par sa hauteur : c’est le Brieudet, commune de Saint-Estèphe (Dordogne).

    Au sommet ne se voient plus, hélas ! que des ruines indéterminables, pierres sortant à peine de terre, qui ont pu aussi bien appartenir à un moulin à vent qu’à un donjon militaire. Cependant, au plus loin qu’on remonte dans les annales nontronnaises, le Brieudet paraît comme un lieu fortifié des plus importants. Il a souvent appartenu aux mêmes seigneurs que le Bourdeix et Piégut et se trouvait dans la mouvance de ce dernier. Il est mentionné dès la première moitié du XIIIe siècle comme château-fort et M. de Laugardière le suppose construit au XIIe siècle par la famille de Magnac. Nous serions très disposés à voir, dans cette motte, la base d’une tour analogue à celles du Bourdeix et surtout de Piégut, en raison de la similitude de sa situation stratégique. Ce donjon est d’ailleurs mentionné dans une donation, faite en 1421, de la châtellenie de Piégut, par le vicomte de Limoges à Antoine de la Goublaye : « Item est aussy vraye que le repaire de Brieudé est assis en la paroisse de Sainct-Estienne dict le Dros (aujourd’hui Saint-Estèphe), qui est dans les dittes fins et limites (de la châtellenie de Piégut) et a esté baillé par Monseigneur (le vicomte de Limoges), sauf et réservé à mon dict seigneur le donjon contre les tenanciers dudict Brieudé refusant le guet et payer droit de chemin. »

    Piégut. — Il y a peu d’années encore, le haut du donjon de Piégut émergeait seul sur un mamelon couvert d’arbres, situé à l’ouest du bourg de Piégut-Pluviers (Dordogne). Grâce aux travaux qu’y a fait exécuter sous notre direction M. le marquis de Malet, membre de la Société française d’Archéologie et de la Société historique et archéologique du Périgord, propriétaire du lieu, l’aspect a totalement changé. La haute tour élancée se détache à présent au milieu des ruines importantes de constructions postérieures, la plupart des XVe et XVIe siècles, et dont à peine quelques pans de murs étaient précédemment visibles. On se rend mieux compte, à présent, de la force surprenante qu’un poste ainsi situé pouvait acquérir, étant donnée l’indigence des moyens d’attaque. Nous l’étudierons très en détail, car, l’ayant déblayé et envisagé sous tous ses aspects depuis quinze ans, nous le connaissons plus à fond que les autres monuments semblables de la région. D’ailleurs, il est, avec Châlus-Chabrol, le mieux conservé : il peut donc servir de type et permettre de compléter ceux qui le sont moins, mais qui présentent les mêmes particularités de construction.

    Au sommet d’une motte naturelle fort élevée et abrupte par elle-même, composée d’un amas de ces énormes blocs de granit qui sont parsemés sur tout le sol des collines nontronnaises, les constructeurs du XIIe siècle avaient choisi un emplacement éminemment défendable. Une pointe de terre triangulaire, de petite étendue, aux pentes non moins abruptes que celles du mamelon, était bordée d’un côté, à l’ouest, par un étang, puis, au sud et à l’est, par un ancien marécage, aujourd’hui converti en prairies et en jardins arrosés par une source. Le seul point vulnérable était le côté nord, où le château tient à présent au village; une large et profonde coupure, faite de main d’homme, le mettait à l’abri des attaques.

    Dans l’état actuel, une épaisse ceinture de murailles, flanquée de demi-tours, encercle la forteresse; mais ce sont des constructions du XVe siècle, élevées en même temps que la plupart des bâtiments d’habitation qui englobaient le donjon. La dureté et la couleur du granit, toujours semblable à lui-même, la similitude des mortiers, d’ailleurs détruits la plupart du temps, l’absence totale de moulures rendent excessivement difficile à dater de simples murs, vu la pénurie de tous documents. L’appareil, partout du même genre, n’est pas un point de repère dans cette obscure chronologie. Des constructions, que nous appellerons parasites, c’est-à-dire postérieures au XIIe siècle, nous ne dirons rien aujourd’hui, car elles sortent de notre cadre; mais nous nous appliquerons à étudier le donjon dans les plus minutieux détails.

    La tour a une hauteur totale de 23m10 et un diamètre de 7 mètres. De son sommet on découvre tout le pays à une très grande distance; on voit même, dit-on, par temps clair, la cathédrale d’Angoulême. En tout cas, on devait apercevoir le haut du donjon de Nontron, sans doute aussi ceux du Brieudet, du Bourdeix et, au nord, celui de Champniers. Du sol, grossièrement dallé, au-dessus des consoles de mâchicoulis, on compte 19 m 20; de ce point au sommet de la coupole, 3m90. La tour, sans être complètement cylindrique, a peu de fruit à sa base. L’entrée se trouve à 4m40 au-dessus du sol; on ne peut y parvenir qu’à l’aide d’une échelle. La porte, en plein cintre, a 2m50 de hauteur sur 0m70 de large dans le bas, et 0m85 dans le haut; l’entrée traverse donc le mur, épais de 2 mètres, et aboutit dans une pièce circulaire. Ce passage est couvert en dalles plates de granit, grossièrement assemblées; elles sont caractéristiques des constructions militaires de cette époque et de cette région. Un trou profond, dans lequel glissait la barre de bois qui servait à assujettir la porte, se voit à gauche. Enfin, une sorte de caniveau d’écoulement, très étroit, s’aperçoit sous le sol du passage de la porte, avec une pente de dedans en dehors. La première pièce dans laquelle on entre est ronde, de 3m25 de diamètre, et de 3m95 de hauteur jusqu’à la naissance de la coupole sphérique qui la termine et de 5 m 45 jusqu’au sommet. Cette coupole repose sur un boudin en granit très soigneusement taillé. La salle est éclairée par une fenêtre, étroite à l’extérieur, dont l’archivolte est taillée dans une seule pierre; à l’intérieur, au contraire, l’ébrasement est relativement large, en pente ascendante vers le jour et garnie de gradins.

    Au centre du sol du premier étage est un trou rond de 0m66 de diamètre qui permet, à l’aide d’une échelle ou d’une corde, de pénétrer dans le rez-de-chaussée. Cette seconde pièce est également cylindrique, de 2m90 de diamètre, voûtée en coupole, de 1m70 de hauteur jusqu’au boudin qui supporte cette coupole et d’une hauteur totale de 3m70; elle est complètement obscure; seul, un trou percé à travers la muraille, vers le sommet, donne quelque aération. C’était le magasin où s’entassaient les réserves en eau et en vivres. L’ouverture circulaire qui lui donne accès est formée de gros claveaux de 0m35 d’épaisseur : une feuillure permettait de la clore à l’aide d’un couvercle.

    Si maintenant nous voulons passer aux étages supérieurs, il faut appliquer une échelle contre la muraille et gagner une porte percée dans la coupole, de manière à dominer, un peu en côté, la baie d’entrée. Cette porte n’a que 0m60 de large; elle s’ouvre sur un court escalier qui grimpant contre le rein de la coupole, parvient au second étage, où il devait déboucher par une sorte de trappe. Celle-ci soulevée, on se trouvait dans une nouvelle salle circulaire et non voûtée, éclairée par une fenêtre semblable à celle du premier étage; le plafond a disparu, sans doute depuis longtemps, mais les trous laissés dans le mur par les solives sont encore parfaitement visibles.

    Le troisième étage est éclairé par deux assez larges baies, dont l’une, au moins, a été modifiée, sinon ouverte, au XVe siècle; il est voûté par une coupole polygonale en partie effondrée. On ne pouvait y parvenir également que par une échelle et en passant par une trappe au travers du plafond du second étage et du plancher du troisième. C’est au sommet de ce dernier étage que se trouvent encastrés les corbeaux des mâchicoulis dont les trois pierres soigneusement taillées, superposées et arrondies en quartde-cercle à leur extrémité, ont longtemps intrigué les archéologues locaux. Nous avons même vu, il y a quelques années, les pierres encore en place d’un des mâchicoulis que la chute de la foudre a fait, depuis, effondrer. M. le marquis de Fayolle, dans une séance de la Société historique et archéologique du Périgord, s’exprimait ainsi à leur sujet en 1894: « Tout porte à croire que le donjon de Piégut est du XIIe siècle, et cependant les mâchicoulis n’ont remplacé les hourds en bois que vers la fin du XIIIe siècle; il s’ensuit que le donjon devrait être rajeuni ou que les mâchicoulis de Piégut seraient antérieurs à ceux de Coucy, dont les consoles, seules, étaient en pierre ». Mais, avec sa perspicacité habituelle, il ajoute : « Un examen attentif permet de constater une différence sensible entre l’appareil de la partie supérieure de la tour et celui de la construction. Dans le haut, des moellons de faible dimension remplacent les gros blocs de granit employés partout ailleurs, et cette reprise existe au-dessous des mâchicoulis, sur le pourtour entier. La coupole supérieure, qui est percée d’une ouverture par laquelle on pénétrait sur le chemin de ronde, paraît également postérieure au reste. »

    Nous avions pensé, d’après certains auteurs, que le donjon de Piégut ayant été pris par les troupes de Richard, et le haut de la tour démoli, les mâchicoulis avaient pu être ajoutés lors d’une restauration consécutive, ce qui les aurait encore classés parmi les plus anciens monuments de ce genre. Mais un examen plus attentif des textes nous a permis, à M. de Fayolle et à nous-même, d’établir que le donjon de Piégut n’avait pas été pris par les Anglais, qui, au contraire, en avaient levé le siège en apprenant la mort de leur roi devant Châlus. Nous serions très portés à croire qu’il n’y a pas lieu de vieillir beaucoup ces mâchicoulis et que, au XVe siècle ou à la fin du XIVe siècle, époque où Piégut cessa d’être un poste fortifié pour devenir un véritable château habitable, époque où s’élevèrent la plupart des constructions qui enveloppèrent le donjon, les seigneurs d’alors, La Goublaye ou Pompadour, surélevèrent la tour et la couronnèrent de mâchicoulis, d’après la coutume généralement suivie, surtout dans cette région : l’étage supérieur tout entier, avec ses grandes fenêtres, sa coupole si dissemblable des autres, son appareil réduit et ses mâchicoulis, ne serait donc pas très antérieur au XVe siècle.

    Nous n’entrerons pas ici dans le détail des constructions postérieures au XIIe siècle, qui ne font pas partie de notre sujet, ni sur les fouilles que nous avons dirigées.

    Champniers . — Tout contre le chevet de l’église de Champniers (Dordogne) se voit une habitation qui, à première vue, ne semble guère plus importante que ses voisines. Pour des raisons particulières, nous n’avons jamais pu, jusqu’à présent, y pénétrer, et nous avons dù nous contenter de la considérer de loin. Cependant, elle se distingue des autres par la présence d’une tour carrée de petites dimensions, mais dont les ouvertures ont le plus grand rapport avec celles des donjons dont nous avons entrepris l’étude : fenêtres étroites arrondies par le sommet; porte assez élevée au-dessus du sol, construction en moellons de oranit comme tous les édifices de la région. M. le baron Jules de Verneilh qui, plus heureux que nous, put le visiter, considérait cet édifice comme étant un donjon du XIIe siècle découronné. C’était, sans doute, un de ces nombreux petits postes militaires qui jalonnaient les marches de la vicomté de Limoges sur les confins du Périgord, et qui, avec d autres peut-être, aujourd’hui disparus, constituaient une ceinture fortifiée aux limites des deux pays. Bien que ce petit donjon n’affectât pas la forme ronde, nous avons pensé qu’il était utile de le signaler, regrettant de ne pouvoir en donner une description plus complète.

    Montbrun. — Situé à peu près à moitié chemin entre Piégut et Châlus, le château de Montbrun, commune de Dournazac (Haute-Vienne), offre, au milieu de constructions plus anciennes et plus récentes, un donjon carré du XIIe siècle rappelant un peu les donjons normands; ses angles sont fortifiés par des contreforts plats, réunis au sommet par une double arcature. Des corbeaux d’un puissant relief supportent des mâchicoulis que leurs arcs en plein cintre permettent de reporter à une date voisine de sa construction. Il présenterait donc un des plus anciens exemples de mâchicoulis en pierres.

    Il ne paraît pas avoir été voûté et l’un de ses étages est éclairé par une belle fenêtre géminée. Il n’est pas mentionné parmi les châteaux assiégés par Richard Cœur de Lion, sans doute, parce qu’il ne faisait pas partie de la vicomté de Limoges. Pourtant, un Brun (de Montbrun) était parmi les défenseurs de Châlus, lors du siège célèbre où le roi d’Angleterre perdit la vie.

    Bien que, par sa forme, il ne rentre pas dans notre cadre, en raison de sa date, de son importance et de sa situation géographique, nous avons estimé qu’il y avait lieu de ne point le négliger entièrement.

    Châlus-Chabrol. — Les Chroniques nous font connaître que Richard, roi d’Angleterre, fut blessé devant Châlus le 26 mars 1199 et qu’il mourut le 6 avril suivant, ce qui fit lever les sièges de cette dernière forteresse, ainsi que ceux de Nontron et de Piégut.

    Châlus, chef-lieu de canton du département de la HauteVienne, possède deux donjons cylindriques, en apparence de la même époque, mais qui, à l’examen, révèlent des caractères architectoniques assez différents pour dénoter deux périodes distinctes. L’un est situé sur la hauteur, comme tous ceux que nous avons étudiés jusqu’à présent. L’autre, au contraire, est dans le fond de la vallée de la Tardoire. Le premier, certainement le plus ancien, a 9m50 de diamètre et 25 mètres de hauteur. « L’entrée en est fort élevée au-dessus du sol, écrit M. le marquis de Fayolle; l’intérieur se compose d’un rez-de-chaussée et de trois étages voûtés en coupoles et indépendants les uns des autres. La communication entre le premier et le second étage se fait comme à Piégut, avec la différence que l’ouverture pratiquée dans le mur, à laquelle il faut parvenir avec une échelle, ne forme pas assommoir sur la porte d’entrée et se trouve à mi-hauteur entre le dallage et la voûte. Un escalier établi dans l’intérieur de la muraille conduit de cette ouverture au second étage. La défense de la porte d’entrée, intérieure à Piégut, est extérieure à Châlus; une fenêtre, semblable à la porte, s’ouvre au second étage, exactement audessus d’elle et permet d’écraser les assaillants qui auraient cherché à la forcer. La similitude du donjon de Châlus, ajoute M. de Fayolle, avec ceux de Piégut, du Bourdeix et de Nontron sans doute, puisqu’il avait les mêmes dimensions, est complète, et on ne saurait douter qu’ils appartiennent au XIIe siècle. »

    Notons, en outre, que le donjon de Châlus-Chabrol est construit, comme celui de Piégut, en moellons de granit assez grossièrement travaillés, dont les vides sont comblés avec des pierres plus petites. Les piédroits de la porte et de la fenêtre sont seuls en pierres de taille. Les claveaux de la porte forment un arc brisé et sont d’une certaine épaisseur tandis que ceux de la grande fenêtre qui la surplombe sont beaucoup plus minces et rappellent ceux d’Allassac, dont nous parlerons plus loin. Une autre grande fenêtre est percée à la même hauteur; son linteau, géminé, est surmonté d’une pierre en demi-cercle destinée à remplir le vide produit sous un arc de décharge composé de minces claveaux de schiste, qui le surmonte. Enfin, de très étroites et courtes meurtrières s’aperçoivent de loin en loin, traversant la maçonnerie. Le haut de la tour laisse voir quelques corbeaux de mâchicoulis et la coupole supérieure à demi démolie, avec son intéressant appareil de petites pierres concentriques.

    Nous ne quitterons pas le donjon de Châlus-Chabrol sans mentionner les ruines de l’élégante petite église du XIIe siècle qui s’élèvent non loin de la tour; les chapiteaux, élégamment fouillés, donnent une haute idée de l’élégance de ce monument, qui devait servir de chapelle au château haut.

    Quant au donjon du bas. dit Châlus-Maulmont, dont les caractères sont beaucoup plus avancés, M. de Fayolle, à la suite de M. Félix de Yerneilh, n’hésite pas à l’attribuer au XIIIe siècle, et nous partageons pleinement cet avis. Il n’est déjà plus isolé, et un bâtiment faisant corps avec lui est éclairé par une grande baie géminée surmontée d’un oculus. L’appareil est beaucoup plus soigné; le donjon luimême a des ouvertures sensiblement plus grandes qu’elles ne devaient l’être au XIIe siècle. Les différents étages sont reliés entre eux par un escalier ménagé à l’intérieur de la muraille. Les salles, au lieu d’être circulaires, sont octogonales, et, s’il est vrai que la porte d’entrée soit encore au premier étage, le rez-de-chaussée en possède également une au ras du sol; on peut donc y pénétrer normalement au lieu d’y entrer par la voûte. Tout dénote une construction postérieure à celle du donjon du haut, ce qui a permis à M. de Fayolle d’établir d’une façon irréfutable que Richard Cœur de Lion fut tué devant cette dernière tour, contrairement à l’opinion générale.

    Allassac. — M. le marquis de Fayolle a bien voulu nous signaler, à Allassac (Corrèze), une tour qui présenterait, avec celles de Piégut et de Châlus-Chabrol, de notables points de ressemblance. Elle est construite en schiste, sur un plan circulaire, couronnée de mâchicoulis, et semble avoir été toujours isolée. On aperçoit dans le haut une ouverture assez grande qui présente cette particularité que ses piédroits sont formés de pierres de taille assez grosses, probablement en granit, tandis que le cintre de l’arc se compose de minces pierres schisteuses, détail qui se retrouve à la grande fenêtre de Châlus-Chabrol, surplombant la porte. Immédiatement au-dessus, on voit une ceinture de trous carrés évidemment destinés à recevoir les pièces de bois d’un solivage… ou d’un hourdage.

    Nous venons de passer en revue un certain nombre de tours présentant un grand nombre de caractères communs : situation isolée; forme cylindrique; porte en plein cintre percée très haut (de 4 à 6 mètres); fermeture à l’aide d’un madrier rentrant dans l’épaisseur de la muraille et servant à consolider le battant; entrée recouverte de dalles juxtaposées; étage inférieur aveugle, servant de magasin, voûté par une coupole qui repose sur un boudin et qui est percée au centre d’un œil d’environ 0m60 d’ouverture; autres étages fréquemment voûtés en coupoles, indépendants les uns des autres, non reliés par des escaliers, et dont la communication ne pouvait être assurée qu’à l’aide d’échelles. Or, nous savons que plusieurs d’entre eux ont été assiégés en 1199; ils existaient donc auparavant, c’est-à-dire dans la seconde moitié du XIIe siècle. La communauté des caractères architectoniques permet de dater également ceux qui ne sont pas mentionnés comme ayant subi un siège, ce qui est un point intéressant.

    La situation isolée de toutes ces tours, leurs faibles dimensions qui ne permettaient pas une garnison bien considérable, car on sait que trente-huit personnes, hommes et femmes, étaient enfermées dans le donjon de Châlus lors du siège, leur assez longue résistance, néanmoins, nous a fait penser qu’elles pouvaient être protégées par des ouvrages en bois, estacades de madriers et haies de branchages entrelacés (plessis), excellents pour protéger des armes de jet, tant que les assaillants étaient tenus à distance, mais complètement insuffisants, car ils étaient faciles à incendier, dès que l’ennemi avait réussi l’escalade. Dès lors, les défenseurs n’avaient qu’à se retirer dans le donjon où ils pouvaient tenir aussi longtemps qu’ils avaient des vivres et de l’eau; par la dureté du granit ou du schiste qui avait servi à sa construction, il défiait la sape et l’incendie; l’escalade était rendue fort périlleuse en raison de l’élévation de l’entrée, qu’un seul homme pouvait défendre à lui seul; la faible portée des armes de jet et l’étroitesse des meurtrières mettaient les assiégés complètement à l’abri des coups des assaillants. Pour peu qu’à ces défenses s’ajoutassent des difficultés naturelles, telles que marais, rivière, motte artificielle ou naturelle, le donjon du XIIe siècle, dans la région nontronnaise, devenait virtuellement inexpugnable et sa garnison ne pouvait être réduite que par la famine.

    Il nous a paru intéressant de faire connaître ces monuments d’une époque où la France d’aujourd’hui commençait à peine à se former, dans une région bien délaissée jusqu’à présent des archéologues et qui mériterait pourtant d’être mieux étudiée.

    Source : Tours du XIIe siècle dans la région nontronnaise, de Charles de Beaumont.

  • Le 11 mars 1594, quittance par François de Nesmond, écuyer, sieur de La Tranchade, comme ayant droit de Martial Dumas, écuyer, sieur de Ligné, héritier de feu messire Martial Hélie de Coulonges, en son vivant prieur de Bussière-Badil, d’une part ; à Thomas de Richebeuf, comme héritier de Jean de Richebeuf, son père, d’arrérages de rente dus par ce dernier, à cause du moulin de Valette, en ladite paroisse de Bussière-Badil.

    AD Charente E 1515.

    Le douze septembre 1748, dans l’église de Bussière-Badil, a été baptisée par moy soussigné Charlotte Doumain, fille de Jean Doumain, meunier, et Françoise Linlaud, sa femme, née le même jour au moulin de Valette ; a été parrain Elie Doumain, et marraine Charlotte Doumain, qui n’ont signé pour ne savoir. Signé Verneuil, curé de Bussière-Badil.

    AD Dordogne 5 E 70/2.

    De 1689 à 1849, les Doumain, une famille de meuniers, habitent le moulin de Valette sur la Tardoire. C’est aujourd’hui une propriété privée, ne visite pas.

    Source : Généalogie Charente Périgord.

  • Jacques d’Abzac, baron de Saint-Pardoux, seigneur de Villars et Mézières, recevait un congé du curé de Saint-Pardoux le 27 août 1687, pour épouser Catherine des Cars (1), fille d’Annet des Cars, lieutenant-général des armées du roi, gouverneur de Honfleur, et de Paule de Monlezun de Campagnac. Il testa le 21 septembre 1688 et mourut le lendemain chez le prieur de Badeix; le 23, il fut inhumé dans l’église de Saint-Pardoux.

    Quelques années après la mort de son mari, Catherine des Cars, jeune veuve dont la conduite, tout au moins imprudente, était l’objet des commérages du Nontronnais, fut l’héroïne d’une aventure romanesque, sur laquelle un volumineux dossier des Archives départementales (2) fournit les détails les plus circonstanciés; nous la donnerons ici comme curieux tableau des mœurs du temps.

    Le 19 janvier 1696, vers les trois heures du soir, une amazone, suivie d’une femme de chambre et de deux valets, chevauchait sur la route qui conduit de la Renaudie à Nontron. Cette amazone était Catherine des Cars qui’allait rejoindre dans cette dernière ville une fort gaie compagnie où elle se trouvait au milieu d’un cercle d’adorateurs.

    La petite troupe était arrivée à deux portées de fusil du château de Lâge, au lieu dit la Montade, quand, tout-à-coup, des taillis de châtaigniers qui bordaient la route, surgirent trois cavaliers, pistolets au poing : le premier, borgne, portait un habit rouge couvert de galons et de broderie d’or; le deuxième, noiraud, picoté, était vêtu de brun; le dernier, un valet, en noir.

    Les deux premiers se précipitent à la bride dų cheval de Catherine des Cars, et lui enjoignent, au nom de sa mère, d’avoir à les suivre. Effrayée, elle se jette à bas de sa monture, en criant : « Messieurs, que me voulez-vous ! au secours ! à la force ! C’est M. de Londeix et M. de Lavaud qui me prennent à force ! » Les deux cavaliers ainsi désignés sautent à terre et la relèvent en la traînant par les bras pour la remettre sur son cheval (3); un des valets voulant prendre sa défense, M. de Londeix, – l’homme rouge, – lui met son pistolet sous le nez en le menaçant : « Bougre, je te tuerai ! » L’autre valet court vers des paysans qui travaillaient non loin et qui, malgré ses prières, refusent d’intervenir : il veut alors gagner le château de Lâge, mais il est rejoint par un des agresseurs, qui le ramène, pistolet au poing.

    Mme des Cars, replacée de force sur son cheval, est entraînée, en dépit de ses supplications, au village de Nondonnet où elle est renfermée dans une grange.

    Vers les deux ou trois heures de la nuit, arrive une troupe de sept ou huit personnes, dont le curé de Nontronneau et un cavalier masqué, la tête couverte d’un grand chapeau et portant par dessus un capuchon bleu descendant jusqu’au dos. Il parlait le patois gascon en déguisant sa voix : « Ah, madame la coquette, dit-il à la prisonnière, vous ne vouliez pas venir, mais nous vous tenons. » On sut plus tard que cette personne masquée était Mme des Cars mère.

    On parlementa pendant un temps assez long pendant lequel Catherine ne fit que gémir, disant à un des nouveaux venus : « Janot, tu m’as bien trahie ! » A quoi l’autre répartit : « Une fois, Madame, que je sers un maître, je le sers bien. » Puis ils lui lièrent les bras en croix avec une corde et ce faisant, ils lui arrachaient des cris : « Hélas, vous me coupez les mains, je suis perdue ! » et comme elle refusait de monter à cheval, la personne masquée la frappa au visage d’un coup de houssine : « Ah, s’écria-t elle, vous m’avez arraché un œil ! »

    Enfin, on parvint à la placer à califourchon derrière un valet; pour l’empêcher de s’enfuir, le curé lui fit lier, les jambes par dessous le ventre du cheval et on l’attacha avec une nappe au valet placé devant elle. De crainte de ne pouvoir l’emmener ainsi, une charrette à bœufs fut réquisitionnée et par un clair de lune splendide, le cortège se mit en route.

    Arrivée au hameau de Chez-Younet, Catherine, vaincue par la douleur, supplia ses bourreaux de la délier, leur promettant de les suivre partout où ils voudraient. M. de Londeix la détacha, la mit assise en croupe derrière un valet et renvoya la charrette (4).

    En route, ils disculèrent le chemin à suivre et arrêtérent provisoirement qu’ils se rendraient chez le curé de Nontronneau (5) où ils passèrent le reste de la nuit et la journée du lendemain. De là, ils furent, au château de Beauvais, qui est fort proche, où ils soupèrent. Comme Catherine refusait des aliments qu’on lui offrait, le curé lui conseilla de prendre des forces pour le long voyage qu’elle allait entreprendre. Quelques heures après, en effet, Mme des Cars mère, sa femme de chambre, celle de sa fille, le curé, MM. de Londeix et de Lavaud, accompagnés de six valets, montèrent à cheval, et comme précédemment l’un de ces derniers prit Catherine en croupe : la cavalcade ainsi formée prit le chemin du château du Plieux (6), près de Lectoure, où Mme des Cars avait décidé d’enfermer sa fille, dont elle réprouvait la conduite légère qu’elle attribuait à la fréquentation de ses amis du Nontronnais. Avant d’arriver à cette mesure de rigueur, Mme des Cars avait réuni au château de Beauvais un conseil de famille auquel avaient assisté MM. de Lavedan de Fontenille, de Montluc, de Crussol d’Amboise, ses parents, et là on avait examiné les moyens de soustraire Catherine, qui refusait d’obéir à sa mère, au milieu pernicieux dans lequel elle vivait. Ce fut le curé qui émit l’idée de l’enlèvement auquel le conseil tout entier se rallia. De Londeix et de Lavaud, amis de Mme des Cars, furent chargés de mettre ce projet à exécution, et un valet de Catherine, gagné par ceux-ci, eut pour mission de faire connaître le jour où ce rapt pourrait s’effectuer sans difficulté; on a vu que cette combinaison réussit parfaitement.

    Pour voyager à l’abri des indiscrétions, il avait été convenu qu’on ne marcherait que de nuit : ils s’arrêtèrent ainsi à Mensignac, passèrent l’eau à Annesse et restérent une journée à Bergerac. En route, comme Catherine se plaignait, le curé lui déclara qu’elle n’avait que ce qu’elle méritait et qu’elle devait s’attendre à de plus grands mauvais trạitements; il rassurait au contraire la femme de chambre, lui disant qu’elle n’avait rien à craindre, mais que sa maîtresse, ne reverrait jamais le Périgord.

    A Bergerac, Catherine profita d’un moment de répit que ses gardiens lui laissaient et écrivit à son cousin, le comte des Cars, pour lui dénoncer son enlèvement. Sa femme de chambre put porter sa lettre chez le maître de poste, mais elle avait été suivie par de Londeix et de Lavaud qui entré. rent chez celui-ci et le menacérent de mettre le feu à sa maison s’il ne leur remettait pas cette lettre : terrorisé, il dut s’exécuter.

    Cette tentative augmenta la surveillance des ravisseurs qui depuis ce jour gardèrent constamment à vue Catherine et sa femme de chambre; à chaque gîte, Londeix et Lavaud couchaient dans leur chambre dont ils barricadaient les portes et les fenêtres avec des cordes et des barres.

    De Bergerac, la petite troupe continua sa route par Villeneuve, Agen (7), puis elle s’arrêta deux jours dans un cabaret : entre cette ville et Lectoure, pour donner le temps à un valet, parti en avant, de faire murer les fenêtres d’une tour du Plieux.

    Ce fut là sans doute que Catherine put tromperla vigilance : de ses gardiens et écrire à son cousin une nouvelle lettre quí, confiée par sa femme de chambre à un religieux, parvint à son destinataire; nous la reproduisons d’après l’original, en respectant son, orthographe :

    De Gaion, ce 25 janvier 1696.

    Heureusemeril je trouve un momant pour vous escrire, Monsieur, et le Përe Morand vous ferat tenir ma lettre; ie ne doute pas que mon anlevement ne nous face bien de la pène de toute les manière, encore ie suis bien persuadé qué vous le poursuiurés comme il fos, cès pourquoy ie ne vous an di raiu.

    Avés uous iamės uut une cruauté si grande ? cè une raie innouix que ma mêre a contre moy; je suis tretée d’une manière épouventable. Vous savés comme ie fut maltrettée : l’on me prit mon argant et du reste vous saves ce qui an nės. le suis tretée à cou de piet et à cou de bâtons, ont menasce de me fere mourir dans une base foce et d’avoir tous les iours les estrivaires si ie leur fés la moindre peine du monde. Comme ils crenaient que vous poursuiuès bien mon anlèvement, ie panse que quan il le sauront, il ne m’oblige à sinés quelques ates ou quelque déclarationt pour ce vouloir mettre à l’abrit de mon anlèvement, més confès que si me le fon fère que cela serait bien par force et contre ma volonté. Cès pourquoy ie revoque tous les escri et ate qu’il me pourės obligés de fere par force à quause des mouės trétement que je connès qu’il me feront. le ne doute pa qu’il ne mise an nuiaie (8) touttes les menace que ma mère et eut me font; ie suis estrè mę man (9) martirisée et de toutte les manières; ie m’atant à tout momans d’estre poniardée. Ma mère me roue de cous à la moindre violance que ie uau lie fère. Iugés ce qu’il me feront lor que ie resisteres à ne vouloir pas sinés ce qu’il vousdrons. La peur d’estre maltrettée et la crainte d’estre, dans une base foce, comme ie suis menascé à tout momans, fait bien fère des choies malgré que l’on an nės (10). Si par asar cela arrive, comme ie n’an douté pas, ie prie la justice d’iavoir esgard et de regarder tout ce qu’il me pourret fère fère qui m’oront fet fère par force par la quantité de mouės tretement qui m’oront fé.

    Ayés pitaie de moy, Monsieur mon cher cousin, ie nous prie de couloir me servir de père ! hélas ! je suis dans un pitoyable estat; tirés moy; ie vous prie d’antre leur mains ! Ayés un ordre de M. de Sourdis avecque un garde ou un de M. l’intendant pour me chercher et me sortir de lå ou je serés.

    La iustice existe pour tout le monde, ni an n’aré-t-il pas (11) pour moy !

    Ayės pitaye de moy, mon cher cousin, ie suis bien dine de compasion ! Fète moy l’honneur de me crère avecque toute sorte de soumission,

    Vostre très humble et obéissante servante,
    Catherine Descars.

    le vous prie d’estre persuadé que bien loin de uouloir fère grase à cette quanalait (12) qui m’ont enlevée, si ie suis iamais en liberté, que Dieu m’en fasse la grasse, ie suis résolue manger plus tos tou le peu de bien que Dieu m’a donné pour lè fère punir comme il le mérite. le vous prie, métés moy en liberté et en natansdant ce…. pour moy, ayés la bonté de me fère cette grase. Le curé comme auteur de la choze mérite encore plus s’il ce peut, d’estre punit plus sévèrement que les autres. Ie vous prie de demandés en iustice que ie soit remise dans un couvant.

    A. Monsieur le comte Descars, à la Renaudie.

    Catherine conduite au Plieux fut écrouée dans la tour murée, et là sa mère l’abandonna pour gagner le château de la Mothe, sa résidence habituelle : tous les deux ou trois jours, elle revenait au Plieux pour surveiller sa prisonnière dont la garde avait été confiée à des serviteurs.

    Dès le lendemain de cet enlèvement, un des valets de Catherine qui avait trompé la surveillance de ses gardiens, s’était rendu à Saint-Front-la-Rivière chez Jean Pindray, procureur d’office de la juridiction de St-Angel, pour lui dénoncer le crime commis contre sa maîtresse. Pindray fit aussitôt prévenir le juge, Pierre Demarque, et tous deux, assistés de leur greffier, se rendirent sur le théâtre de l’enlèvement où ils. reçurent les dépositions des témoins, paysans, qui ayant vu ce qui se passait, avaient jugé prudent de ne point intervenir et ayaient suivi de loin les péripéties du rapt. Sur leurs indications, on courut après les ravisseurs, mais comme on ignorait la route qu’ils avaient prise, on ne put les rejoindre..

    A la suite de ces faits, le lieutenant criminel de Périgueux, saisi de l’affaire, rendait, le 3 février, un décret de prise de corps contre le marquis de Londeix, le sieur de Lavaud, Jean Constant, curé de Nontronneau, une personne masquée et deux valets nommés Louis et Janot.

    Quelques jours après, le comte des Cars recevait de sa cousine la lettre que nous avons rapportée; il s’empressa de la communiquer à la justice qui partit sur cette nouvelle piste.

    Douze ou quinze jours après ces événements, le curé de Nontronneau qui, était retourné en Périgord, arriva tout effaré à la Mothe; il venait apprendre à Mme des Cars le bruit que cet enlèvement avait fait dans la province, et qu’une information criminelle était dirigée contre eux, tellement qu’il ne s’était pas cru en sûreté dans sa paroisse où, depuis quelque temps, il n’osait plus dire la messe; il venait se mettre sous sa protection : la marquise rit de ses craintes, disant qu’elle se moquait de tout ce qu’on pourrait entreprendre contre elle et ses amis.

    Vers le même temps, Catherine trouvait le moyen de faire parvenir au lieutenant criminel une supplique où elle indiquait le lieu de son internement et les mauvais traitements qu’on lui faisait subir. Ces renseignements lui parvinrent le 24 février. Le jour même, il mandait à son collègue de Lectoure d’avoir à se transporter au Plieux pour délivrer Mme de Mézières : le 1er mars, celui-ci ayant reçu cette commission, s’y rendit et fit enfoncer les portes et les fenêtres; après de longues recherches, il trouva Catherine à l’étage supérieur d’une tour qui n’avait pour seule ouverture qu’une croisée où un chat n’aurait pas pu passer. Elle gisait malade, extrêmement changée, sur un matelas jeté dans un coin sur de la paille; les poux la dévoraient; car elle n’avait pas changé de linge depuis son enlèvement (13).

    Le lieutenant criminel de Lectoure la ramena et voulut la mettre, suivant le désir qu’elle en avait exprimé, dans un couvent de cette ville, mais la supérieure qui craignait sans doute les représailles de la marquise, refusa de la recevoir Il dut la confier à un notable bourgeois du lieu, Guillaume Casteras.

    Le 7 mars, Dalesme, informé de la réussite de la mission confiée à son collègue, donnait l’ordre à Pierre Darpes, huissier au présidial, de se rendre à Lectoure pour ramener Catherine à Périgueux sous la protection d’une escorte de gens d’armes. A son arrivée, celle-ci fut logée à l’Image Saint-Louis.

    Les gens de la marquise lui mandèrent aussitôt cette perquisition : le messager porteur de la lettre arriva à la Mothe à la pointe du jour et la donna à la femme de chambre de Catherine; elle monta éveiller Mme des Cars et lui remit la missive : mais à peine celle-ci eut-elle lu les premiers mots que, prise de stupeur, elle la laissa échapper et fit immédiatement venir auprès d’elle Londeix et Lavaud qui ne l’avaient pas quittée.

    Le marquis des Cars, frère de Catherine, et le marquis, de Campagne, son oncle, mis au courant par la rumeur publique, survinrent peu après et blåmèrent vivement cet abus d’autorité.

    Pour arrêter cette affaire, M. des Cars, sa mère et de Londeix partirent sur le champ pour Bordeaux emmenant avec eux la femme de chambre de Catherine, Marguerite Jardry; ils restérent plusieurs jours dans cette ville, pendant les quels cette dernière fut tenue renfermée dans une chambre. De là, ils la conduisirent à Limoges et la remirent au lieutenant criminel, sans doute une de leurs créatures, chez qui elle fut gardée pendapt trois mois; un jour, de Londeix, de Lavaud et le curé allèrent la trouver et tentèrent par tous les moyens de lui faire signer un papier qu’on ne voulait pas lui laisser lire, ce à quoi elle se refusa énergiquement. Enfin le lieutenant criminel, peu soucieux de se trouver dans cette affaire, lui rendit la liberté vers le commencement de septembre : elle n’eut rien de plus pressé que de se rendre à Périgueux où, le 6 de ce mois, elle faisait à la justice un long récit des événements survenus depuis le 19 janvier.

    La déposition de ce principal témoin permit de clôturer l’instruction et bientôt le procureur du roi déposa ses conclusions contre les accusés tous en fuite, à l’exception de Mme des Cars qui, mise en état d’arrestation et écrouée le 8 juin, avait obtenu le lendemain sa mise en liberté sous caution.

    Le procureur requérait les condamnations suivantes : pour de Londeix et de Lavaud, la tête tranchée sur un échafaud élevé place de la Clautre; pour le curé Constant, cinq ans de galères et le bannissement contre un laquais; plus, pour chacun d’eux, 1.000 l. de dommages-intérêts envers Catherine et 200 l. d’amende envers le roi; enfin pour la marquise des Cars, 10.000 l. de dommages-intérêts et 500 l. d’amende. Pour les contumaces, la sentence à intervenir det vait être exécutée en effigie et affichée par l’exécuteur des hautes œuvres à un poteau de la Clautre.

    Cette sentence n’a pu être retrouvée et nous doutons qu’elle fut rendue conformément aux conclusions du procureur du roi, car Constant était encore curé de Nontronneau en 1709 (14).

    Quant à Catherine, elle revint se fixer au Petit-Villars et se remaria, à Romain, le 28 décembre 1697, à Pierre de Bannes, seigneur de Bosredon.

    Roger Drouault.

    Notes :

    (1) Le 15 novembre 1693, elle reconnaît, comme tutrice de ses deux filles, avoir reçu de M. d’Abzac de Mézières, l’ameublement de la chambre qu’elle occupait à Villars, parmi lequel figurent 8 tentes de tapisserie où sont représentées les femmes illustres.

    (2) Arch. de la Dordogne, B. 225

    (3) En se débattant elle perdit son mouchoir qui contenait 20 louis d’or; on ne le retrouva pas.

    (4) D’après les dépositions faites les 23 et 24 février par l’un des valets; et six témoins qui, cachés derrière des arbres au moment de l’enlèvement et poussés par la curiosité, avaient suivi la petite troupe en se dissimulant le long des haies.

    (5) Ils furent tout d’abord fort embarrassés de leur capture et ne savaient ou la cacher; les uns parlaient de l’emmener à Nontron; d’autres à Nontronneau; ce fut l’avis de ces derniers qui prévalut.

    (6) Commune du Plieux, canton de Miradoux (Gers).

    (7) C’est à partir d’Agen que la femme de chambre fut séparée de Catherine; elle coucha à Miradoux et fut emmenée à la Mothe où elle n’entendit plus parler de sa maîtresse.

    (8) En usage. Orthographe toute phonétique : Catherine des Cars prononçait choje, ujaje, siner, dine, ate, pour chose, usage, signer, digne, acte; déformations dues sans doute à l’accent méridional.

    (9) Extrêmement.

    (10) Que l’on en ait.

    (11) N’y en aurait-il pas.

    (12) Canaille.

    (13) La cruelle marquise avait même prévu la mort de sa fille, et pour ce cas avait donné comme instructions à ses gardiens de creuser un trou pendant la nuit et d’y enterrer son corps.

    Mme des Cars n’était pas plus tendre pour son autre fille Gabrielle des Cars, demoiselle de Beauvais, qu’elle avait fait enfermer, en juin 1690, au couvent des filles N.-D. de Périgueux, « sur un bruit qui s’estoit répondu que plusieurs personnes songeoient à elle. » Le 8 août, cette jeune fille apprenant que sa mère voulait la retirer de ce couvent et craignant sans doute un sort identique à celui de sa sœur, présentait une requête au sénéchal de Périgord, pour défendre à la supérieure de la remettre à sa mère : en présence de la conduite de celle-ci, il ne put que faire droit à sa demande.

    Gabrielle épousa le 22 novembre 1727, Jacques Delafond, marquis de Saint-Projet, sénéchal de la Haute Auvergne, sgr de Montesquieu, la Mothe, la Bastide et Reilhac. (Contrat Deguizable, notaire à Milhac.)

    (14) Note de M. le commandant Lajus, maire de Lussas-et-Nontronneau.

  • Nicolas de Quelen de Stuer de Caussade, prince de Carency, seul héritier des princes de Bourbon-Carency, comte de la Vauguyon, de Quelen & du Broutay, marquis de S. Mégrin, vicomte de Calvignac, vidame de Sarlat, baron de Tonneins, Gratteloup, Villeton, la Gruere, Puyeornet & de Chalus en Limosin, second baron de Quercy, seigneur de Varaignes, Quelneuc, la Chénaye, la Villegourdan, les Plessis-Godefroy & Monteville, fief & seigneurie de Stuer, illustre par sa piété, par son esprit, par les connoissances les plus sublimes, & par sa magnificence. Il fonda, dans la ville de Tonneins, le couvent des religieux du Tiers-Ordre. II fit faire à ses frais plusieurs missions, pour tâcher de ramener dans le sein de l’église les religionaires de ses terres ; il en reçut des remercimens de la part du feu roi. Il avoit fait une alliance digne de sa naissance, en épousant le 1 octobre 1703, du consentement de sa majesté, porté par son contrat de mariage, Magdelène de Bourbon, morte à Paris Ie 29 novembre 1738, fille de Louis de Bourbon, comte de Busset. Le comte de la Vauguyon mourut à Versailles le 8 janvier 1725. II laissa pour enfans, 1. Louis de Quelen-Stuer de Caussade, mestre de camp de cavalerie, connu sous le nom de prince de Carency, mort à Valenciennes le 25 août 1730, sans avoir été marié ; 2. Barthélemi de Quelen-Stuer de Caussade, nommé comte du Broutay, mort enfant ; 3. Antoine-Paul-Jacques, connu, du vivant de son frère aîné, sous le nom de marquis de S. Mégrin.

    Monseigneur le comte de la Vauguyon en 1719. Collection privée.

    Source : Le grand dictionnaire historique, de Louis Moreri.

  • Le 11 mai 1729, hommage rendu par Thibaud de La Garde, chevalier, seigneur de Saint-Angel en Périgord, demeurant au château de Lâge, paroisse de Saint-Angel, à monseigneur Bénard de Rezay, evêque d’Angoulême, pour raison de sondit château de Lâge, terre et seigneurie de Saint-Angel, assis dans la mouvance de l’evêque d’Angoulême et tenus au devoir d’une paire de gants blancs à muance de seigneur et de vassal.

    AD Charente E 1610.

    Source : Généalogie Charente Périgord.

  • Acculées à l’abandon, les mères, soucieuses du sort qui est réservé à l’enfant, tentent de minimiser les dangers d’une exposition dans les rues. Le 12 juin 1785, deux domestiques du château de Lâge, dans la paroisse de Saint-Angel près de Nontron, trouvent un nouveau-né posé sur un banc de bois dans un petit appentis face à la porte de la chapelle. Sous sa tête, deux pierres lui servent d’oreiller et sur les linges qui le couvrent est attaché un morceau de papier portant la mention : l’enfant a été baptisé le 11 juin 1785. Parfois, vêtus pauvrement mais chaudement, enveloppés de linges et placés dans l’abri précaire d’un panier, ils sont suspendus au loquet d’une porte ou à un pilier. Mais pour tous, un futur évidé.

    Source : Être femme en Périgord au XVIIIe siècle, de Miton Gossare.

  • Le comte de Bourdeilles (1) sur lequel le comité de Rouen s’était renseigné auprès de Mme d’Aubeterre, était le beau-père du comte de La Garde (2), arrêté sur l’ordre du comité de sûreté générale, à Rouen, rue de Grammont, par Sirejean, agent du Comité de sûreté générale, accompagné de Poisson et Troussey, du Comité de Rouen. A la suite de l’envoi, par le Comité de Rouen à celui de la section du Bonnet-Rouge de Paris, d’une lettre à l’adresse de Bourdeilles, datée du 20 mars, sans pays, les agents Vernay et Poincelot furent envoyés à Rouen, et, accompagnés des mêmes Poisson et Troussey, et d’André Meignen et François Bellamy, du comité de Bois-Guillaume, se rendirent au domicile, en cette commune, de M. de Bourdeilles. Celui-ci fut amené à Rouen. Sa femme, malade, et allaitant son enfant, fut laissée à la garde de deux citoyens. Le 15 germinal, les deux agents conduisaient à Sainte-Pélagie M. de Bourdeilles, Mme de Lagarde, sa fille, et Mme de Beaumont, sa bellesour. M. de Bourdeilles n’en devait partir que pour aller à l’échafaud, comme son gendre.

    (1) Henri-Joseph, comte de Bourdeilles, quarante-six ans, ex-noble, maitre de camp à la suite de la cavalerie, condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris, le 7 thermidor an II, était veuf en premiere noces d’une Dexmier d’Archiac de Saint-Simon, et s’était remarié le 20 avril 1773, à une fille du marquis d’Estampes; sa mère était la seur du maréchal d’Aubeterre (Ctm de Chastellux, ouvr. cité.)

    (2) F.-C. Thibault, comte de La Garde, trente-et-un ans, ci-devant officier aux gardes françaises, né à Saint-Angennes, marié le 4 janvier 1791, à une fille àgée de vingt-deux ans, du premier mariage de M. de Bourdeilles. Ils habitaient à Rouen, rue de Grammont, 19, une maison meublée, louée par M. de Campion-Montpoignant à M. de Bourdeilles. Le 9 frimaire, M. de Lagarde, déclare à Rouen la naissance de sa fille Yolande, née de son mariage contracté à Saint-Sulpice de Paris, le 9 janvier 1791. M. de Lagarde fut condamné à mort par le tribunal révol. de Paris et exécuté le 6 thermidor. Sa berline, remisée chez Massau, qui la declara le 11 thermidor, fut adjugée pour 2,515 l. à Houssey, marchand, rue des Charrettes. Elle était « peinte sur fond brun, avec un alatour » de roses sur fond d’argent, le train en vermillon et réchampi, ayant un chifre sur la coquille, » (Arch. mpales.)

    Source : La terreur à Rouen, de Félix Clérembray.

  • La Garde (Thibaud, comte de) (1)

    1769

    Cachet ovale, de 20 millimètres sur 18, plaqué sur des lettres en date des 7 mai et 26 juin 1765.

    Pas de légende.

    Dessin. Deux écussons ovales accolés, posés sur un cartouche : celui de dextre aux armes de La Garde (d’azur, à une épée d’argent mise en bande); celui de senestre aux armes de Baynac (burelé d’or et de gueules de dix pièces). Couronne de marquis. Pas de supports.

    (1) Fils de Nicolas de La Garde de Saignes de Valons, marquis de La Garde, baron de Saint-Angel, seigneur de Saint-Camprassy (Pancrace), Langlade, Puy-Castaing, etc., et de Renée de Laporte; marié le 11 juin 1758 à Anne-Marie de Baynac de Montgaillard, fille de Pierre, marquis de Baynac, premier baron du Périgord, seigneur de Comarque, Montgaillard, Dode, Montfort, Larivière, etc., et d’Anne-Marie de Boucher.

    Source : Sigillographie du Bas-Limousin, de Philippe de Bosredon.

  • La Garde de Saignes de Saint-Angel (Nicolas de). — Périgord. D’azur à une épée d’argent posée en bande, la pointe en bas.

    IX. Ne he Pierre de La G., sgr de Saignes.

    VIII. Ne he Barthélemy de La G. x c. 4-V-1479 Guinote de Mier.

    VII. Ne he Pierre de La G., sgr de Saignes, x c. 30-VII-1515 Antoinette de Valzergues.

    VI. Louis de La G., sgr de Saignes, chev. de l’ordre, x c. 30-VII-1563, Marguerite de Plas de Valon.

    V. François de La G., éc., sgr de Saint-Angel, x c. 4-VII-1604 Jeanne de Pourtenc.

    IV. Pierre de La G., sgr de Saint-Angel, x c. 10-IX-1639 Marie du Barry.

    III. François de La G., sgr de Saint-Angel, x c. 1-IV-1663 Marguerite de La Brousse.

    II. Thibaud de La G., sgr de Saint-Angel, x c. 25-1-1687 Marie Blaise Saunier.

    I. Nicolas de La Garde de Saignes de Saint-Angel, ond. le 8-1-1694, bapt. à Saint-Angel le 19-VI-1695.

    Preuves du 5-IV-1710. (fr. 32.102, fol. 121).

    Source : Les pages de la Grand écurie, de François Bluche.

  • La Fronde. — Plus tard, de 1648 à 1653 et durant la Fronde, les habitants de Nontron, tenant toujours pour le roi et l’unité francaise, eurent encore à se signaler plus d’une fois, et leur ville devint le quartier général des troupes royales, d’après les documents suivants :

    Du 10 juin 1650, lettre datée de Confolens et écrite au cardinal de Mazarin par le maréchal de La Meilleraye, qui lui mande entr’autres choses :

    J’ai en vue Limoges et Angoulesme et fais advancer tout ce qui nous est nécessaire pour notre petit équipage, afin que lundi nous puissions estre a moitié chemin de Périgueux, a un lieu qui s’appelle Nontron où je fais mon rendez-vous général. (Archives de la Gironde).

    En 1651, Périgueux ayant été pris par le prince de Condé, les sièges royaux furent transférés à Nontron où ils restérent jusqu’en octobre 1653, ainsi qu’il appert des actes civils de cette ville, où l’on trouve : à la date du 14 août 1652, l’acte de baptême de la fille de « Monsieur maistre François de Simon, escuyer, sieur de Chatillon, conseiller du roy et président au siège royal de Périgueux, et de dame Jeanne Martin, parrain M. Me de Vincent, sieur de Laborie, escuyer, conseiller magistrat audit siège ; et autre baptème du 17 août 1653, de Léonard Deyriaud, fils de M. Me François Deyriaud, conseiller du Roy en l’élection de Périgueux. ) C’est ce qui résulte aussi et péremptoirement du traité fait à Périgueux, le 1er octobre 1653, entre le duc de Candale, général en chef des armées royales, et les maire, consuls et citoyens de Périgueux, où il est dit à l’art. III : « Les sièges royaux seront rétablis et conservés dans la dite ville sans s’arrêter à la translation qu’en a esté faicte en la ville de Nontron, laquelle demeurera pour non-advenue et sans aucun esfaict. »

    Quelques mois avant et en juin 1653, le marquis de Sauvebœuf avait son quartier général à Nontron, d’où il fit expédier le 5 dudit mois de juin des lettres de sauvegarde à Jacques de St-Astier, « servant pour le Roy contre les Frondeurs qui prirent son chasteau des Bories, près Périgueux, et ravagèrent ses biens. »

    Parmi les personnages de Nontron et des environs qui se signalerent pendant la Fronde et les troubles antérieurs, au service du roi, nous trouvons :

    1° François de Conan, seigneur de Connezac, auquel le maréchal de Folleville, commandant pour le roi sous l’autorité de S. A. M. le duc de Candale, délivra les lettres de sauvegarde ci-après :

    Mandons et ordonnons à tous ceux sur qui nostre pouvoir sestend et prions tous autres quil appartiendra de ne loger ny fourrager dans les paroisses de Connezac et Hautefaye, lesquelles a la prière et considération du sieur Depasvieux nous avons mises et mettons soubs la protection du Roy et la nostre, ayant chargé le sieur de Connezat de nous informer ponctuellement de ceux qui auront eu considération à nostre sauvegarde promettant faire le semblable quand en seront requis de leur part. En tesmoins de quoy nous avons signe le present, y fait apposer le sceau de nos armes et contresigner par nostre secrettaire a Nontron, ce deuxsiesme de may 1653. Signé Folleville Lesens ; par monseigneur, Coustain.

    2° Thibault de La Brousse, seigneur de La Pouyade, beau-frère de Joseph Bodin, qui commandait un régiment de cavalerie posté auprès de Périgueux et par l’entremise duquel ledit Bodin correspondait avec les marquis de Sauvebœuf et de Thourailles, commandant les troupes royales campées dans les plaines de St-Laurent-sur-Manoire, en septembre 1653.

    3° Dans le catalogue des nobles de l’Élection de Périgueux, dressé par M. Pelot, intendant de Guyenne, de 1664 à 1667, figurent : « François, Simon, autre François de La Roussie, originaires de Nontron, anoblis par lettres de l’année, à cause des services considérables qu’ils ont rendus pendant les mouvements derniers et des grandes pertes qu’ils ont soufferts pour le service de sa majesté. »

    Nous aurions, sans doute, beaucoup d’autres noms à ajouter à ceux qui précèdent, et nous regrettons de ne pouvoir le faire, en ce moment, à défaut de documents suffisants. Nous faisons donc appel aux familles du Nontronnais, qui auraient intérêt à nous communiquer les leurs et à en assurer ainsi la conservation.

    4° Quant aux habitants de la ville de Nontron, sans distinction de classes, ils tinrent à honneur de servir la cause du roi de France contre les frondeurs, comme ils l’avaient déjà fait contre les Anglais et contre les huguenots, et les reitres allemands, leurs alliés, ainsi qu’il résulte de l’exemption d’impôts qui leur fut accordée le 5 mars 1651 par le roi Louis XIV et dont la teneur suit :

    Sur ce qui a esté représenté au Roy en son conseil par les habitans de la ville de Nontron en Périgort, que sa ville de Périgueux, cappitale du païs s’estant déclarée pour les ennemis de l’estat, ils furent exhortez par les chefs du party rebelle de suivre leur pernicieuz exemple, et pour ny avoir voulu consentir, menassez de ruyne. Mais comme ils n’ont jamais eu de plus forte passion que de vivre tousiours dans la fidélité qu’ils doivent a sa maiesté, dans les temps mesme ou ses rebelles suiels croyoient qu’il n’y eust aucune puissance qui leur put résister, les dicis habitans de Nontron, de leurs propres mouvements, furent au derant du sieur de Sauvebeuf pour le prier de faire entrer ses trouppes dans le Périgort, par la dicte ville de Nontron, ce qu’il fit, et après y avoir vescu plusieurs jours, aux despens des habitans avecq ses deux régimens de cavallerie et d’infanterie et quantité de volontaires, et pris le pain de munition pour leur subsistance, la dicte ville lui fournit huici vingts cavaliers et soldats, tous bien montez et armez ; lesquels oultre six vingis habitans qui avoient pris party dans les trouppes de sa majesté, curent l’honneur d’assister aux prises des Chasteau l’évesque ct Agonnat, et ensuite aux allaques et prises de Razac, Montanceis, Rougnac, St-Paul et la Tour-Blanche, notamment a la deffailte générale du pariage; Avant en ces occassions et généralement en toutes les autres qui se sont passées en Périgort et lieux circonvoisins, particulièrement soubs la conduille du dict sieur de Sauvebeuf et des sieurs de Foleville et Bousquet Chavagnac, donné des preuves évidentes de leur courage, gardé le chasteau de Bourdeille que le sieur de Bessay n’auroit voulu confier qu’à leur fidélité, souffert avecq plaisir divers logemens des trouppes de sa maiesté, tant de cavallerie que d’infanterie, payé tous les arrérages des tailles, fourny de contributions, pain, poudre, plomb et munitions, nourry long temps plusieurs prisonniers de guerre, repoussé diverses fois les ennemis, et en ces occasions randu de plus grands services à sa maiesté que ville de Guienne ; et parce que les ennemis avoient dessain d’attaquer la dicte ville de Nontron pour s’en servir, affin de faire des courses dans les provinces d’Angoumois, Poitou et Limousin, desquelles elle est limitrophe, le sieur marquis de Montauzier y avoit mis pour commandant le sieur de La Tour, par les ordres duquel ils auroient fortiffié la dicte ville, le fort d’icelle et le chasteau d’Albret qui la commande, appelé à leur secours diverses fois cinq à six cents de leurs voisins qu’ils avoient faict subcister, mis à couvert plusieurs lieux qui sans eux auroient esté la proye des ennemis, et par ce moyen maintenu dans l’obéissance de sa maiesté plus de trois mille hommes qui panchoient à la révolte, ce qu’ils n’ont pu faire sans se consommer en de grandes despances. Oultre lesquelles après avoir souffert plusieurs logemens, ils furent obligez de fournir la subsistance, ordonnée par le sieur duc de Candale, aux deux régiments du sieur de Sauvebeuf et aux trouppes de Plevixe et du comte Philippes ; montant et suivant la liquidation qui en fut faicte par les esleuz, à la somme de dix mille cinq cents livres, et de laquelle ils n’ont pu tirer aucun payement du receveur des tailles, bien que le dict sieur duc de Candalle leur aye donné ordonnance pour cest effect le xvili avril dernier, ce qui causeroit la ruyne totale de la dicte ville de Nontron si elle n’estoit rembourcée de la dicte somme ; et si sa maiesté ne la mettoit à couvert de la haine des esleuz de Périgueux, la pluspart desquels estoient dans la rébellion, et qui la veulent surcharger annuellement de taille et autres impositions, pour avoir esté la scule qui s’est généreusement opposée à tous les dessains de la dicte ville de Périgueux, et qui a mieux servi sa maiesté que ville de Guienne, ainsi qu’appert par les certifficats des lieu tenans généraulx et des mareschaulx de camp de son armée de Guienne, Au moyen de quoy requerroient qu’il pleust á sa dicte maiesté les vouloir descharger doresnayant de toute laille, taillon, droicts d’officiers et autres impositions qui ce peuvent faire durant le cours de l’année, ou du moins les reigler au quart des dicres impositions de l’année dernière, montant le dict quart, suivant les mande ou commission, à la somme de huit cens quarante cinq livres ; faire inhibitions et deffances aux dicts esleuz de laxer la dicte ville et paroisse de Nontron å une somme plus haute, à peyne de suspension de leurs charges, et de tous despens, dommages et interests. Et en outre ordonner qu’il sera par eux imposé l’année présente sur tous les contribuables de la dicte eslection, la dicte somme de dix mille cinq cens livres, à quoy monte la subcistance fournie aux régimens de Sauvebeuf, trouppe de Plevix et comte Philippes, suivant l’ordonnance du dict sicur duc de Candalle du dict jour xvil avril dernier, pour estre la dicle somme receue par le receveur des tailles en exercisse, payée aux sindigs et consuls de la dicte ville de Nontron sur leurs quittances a la partie de l’espargne, nonobstant, sans s’arrester aux deffenses portées par les commissaires des tailles, auxquelles il plairoit à Sa Majesté de vouloir desroger pour ce regard. Veu la dicte requeste et les certifficats des services rendus à sa majesté par les habitans de la dicte ville de Nontron, ordonnance du sieur duc de Candalle sus énoncée, le procèsverbal du sieur de Latour, commandant en la dicte le service de sa maiestė, contenant lestat des fortiffications faictes en icelle aux despans des dicts habitans et autres pieces attachées à la dicte requeste, signée Authier et Loride. Ouy le rapport et tout considéré. Le Roy en son conseil a deschargé et descharge les dicts habitans de la dicte ville de Nontron de la moictié, à quoy ils seront imposez de tailles pendant les années 1634 et 1655 a la charge de paier le surplus sans nouvellement. A ordonné et ordonne que la dicte somme de dix mil cinq cens livres sera imposée et levée sur les contributions des tailles de la dicte eslection de Périgueux en trois années esgallement, à commencer en la présente, nonobstant les deffences portées par les commissions des tailles, auxquelles sa maiesté a desrogé pour ce regard, pour estre la dicte somme reçeue par les receveurs des tailles en exercice les dictes années et par eux payée aux dicts sindiq et consuls de la dicle ville de Nontron sur leur emploi, pour leur tenir lieu des despences par eux faictes pour le service de sa maieste, et seront pour les dicts despens arrest toutes lettres par nous dellivrées. Signé : Séguier, Molé, Foucquet, Bordier. (Archives nationales, E. 264.)

    Source : Monographie de la ville et du canton de Nontron, de Pierre-Henri Ribault de Laugardière.