Généalogie Charente-Périgord (GCP)

Sélection d'articles sur le thème de l'Histoire et du Patrimoine.

  • L’année 1726 se termina au lendemain de Noël par la banqueroute de la maison Descravayat et la perte de leur seigneurie de Roussines et de leur forge du Pont-Rouchaud.

    En 1606, Diane des Cars démembra Roussines de sa terre de Varaignes et la céda à Guillaume Guez, trésorier de l’extraordinaire des guerres, maire d’Angoulême.

    En 1651, Pierre Cheyrade, maître de forges à Roussines, fut le père de Jean Cheyrade, sieur du Pont-Rouchaud, gentilhomme de la grande vénerie du roi.

    En 1692, Alexandre Descravayat, seigneur de Roussines, Châteaufort et autres places, était un fournisseur de canons pour la flotte du Ponant.

    La famille Descravayat ne se releva pas de la vente judiciaire de ses domaines, elle s’installa dans la paroisse de Saint-Cybard-le-Peyrat, châtellenie de Villebois et prit le surnom d’Esterce.

    Sa dernière représentante décéda à Limoges le 8 février 1958.

    Ne pas confondre avec leurs cousins éloignés de Bélat (Roussines) et de la Barrière (Busserolles).

    L’acte de vente, reproduit ci-dessous, faisait mention d’une longue liste de créanciers entre Angoulême et Poitiers.

    « Vente faite le 26 décembre 1726 par messire Jean Descravayat écuyer seigneur de Châteaufort, chevalier de l’ordre militaire de Saint Louis, capitaine au régiment de Montmorency infanterie demeurant au lieu noble d’Écossas paroisse de Roussines, et messire Jean Descravayat écuyer héritier de défunt mre Louis Alexandre Descravayat écuyer seigneur de Roussines son père, émancipé d’âge et pardevant sous l’authorité de Jean de Rougnat écuyer sr du Rivaud son curateur demeurant audit lieu des Rivaux paroisse de Cherves, ledit sr de Châteaufort avec ledit Jean Descravayat, au lieu noble d’Écossas paroisse de Roussines, procédant tant en son nom que comme héritier pur et simple de défunt Alexandre Descravayat écuyer seigneur de Châteaufort et de Roussines son père et encore se faisant fort pour les cohéritiers dans ladite succession à messire Jean François de Lambertie chevalier seigneur de Menet et de la Fenêtre et dame Elizabeth de Vidal son épouse demeurant au château de Menet paroisse de St Maurice de Montbron, savoir de la terre et seigneurie de Roussines, consistant en une masure de château, haute moyenne et basse justice, nobles directes et foncières, maison, forge et domaines du Pont Rouchaud, ainsi qu’en avient joui ou du jouir lesdits vendeurs suivant les contrats d’acquisitions en date des 23 décembre 1640 et 7 juillet 1645, reçus par notaire royal, et tout ainsi qu’elle se trouvait comprise et énoncée dans le procès verbal de saisie réelle criée et bail judiciaire de Poitiers, à la requête des créanciers de ladite terre, ladite vente faite moyennant la somme de 65 000 # de laquelle somme lesdits vendeurs chargent lesdits sr et dame acquéreurs de payer aux créanciers opposant à la dite terre savoir aux héritiers de Pierre Thuet marchand, aux héritiers de me Pierre du Chazeau conseiller au siège présidial de Poitiers, à Pierre de Sèchère écuyer sieur d’Écossas, à messire Jacques Renoux écuyer sieur des Combes, à Françise Longeau veuve de Nicolas Chabroulaud, à Jean Bernard, au sieur Babinet procureur poursuivant, au sieur des Maisons marchand, à me François Béchade cy devant secrétaire de mr de Bouville intendant d’Orléans, aux héritiers de feu Mre André de Nesmond écuyer sieur des Étangs, aux dames religieuses de la Visitation de la ville de la Rochefoucauld, au sieur François Préveraud sieur de Maillou, à Jean Descravayat sieur du Châlard et de la Barrière son fils, aux héritiers d’Alexandre Chazeau sr du Mesnieux, au sieur Renoux de Masdebost et du Val en qualité d’héritiers d’Anne Renoux veuve de Daniel Chazeau sieur de Lescanie, aux prieur et religieux carmes de La Rochefoucauld, à Jérôme Guerry sieur du Roulle, au sieur François Reynaud écuyer sieur de La Soudière et au seigneur de Limalange son frère, à messire Jean de Bermondet seigneur de Cromières, à Denise Guerry, à Pierre Vergnaud, à dame Jeanne Dexmier veuve de monsieur Arnaud de Bouëx lieutenant particulier au siège présidial d’Angoulême, aux héritiers de messire Nicolas de Quélen seigneur de La Vauguion, toutes les sommes qui se trouveraient leur être dües. »

    Source : Généalogie Charente Périgord.

  • La semaine dernière, la Cour d’assises d’Angoulême était appelée à juger une singulière affaire.

    L’accusé était un ancien notaire du nom de Macrez, âgé de quarante-cinq ans, arrêté le 16 mai dernier, au moment où il cherchait à mettre le feu à la forêt de Braconne.

    Conduit devant la gendarmerie, l’incendiaire vagabond déclara qu’il ne parlerait que devant le Jury.

    L’instruction a rétabli les phases de l’existence de l’accusé.

    A l’âge de vingt-cinq ans, Macrez fut nommé notaire à Nogent-le-Bernard (Sarthe), où il resta pendant trois ans ; ses concitoyens l’avaient choisi comme maire. Pendant cette période, il mena une vie très régulière ; puis il vendit son étude et alla s’établir notaire à Oucques (Loir-et-Cher), près de la commune où habitait son frère, également notaire. Là, sa conduite changea brusquement ; il mena une vie de désordre qui détermina sa femme à demander le divorce ; puis il se lança dans une spéculation sur les immeubles où il ne fut pas heureux.

    En 1883, il s’aboucha avec un marchand de bois de Paris et acheta au comte de Montbron, pour un million, la forêt d’Horte, située en Charente. Sur ce prix, il acquitta seulement 200.000 francs. Le surplus n’ayant pas été versé, la forêt fut remise en vente.

    Macrez alla ensuite en Algérie ; là, il commit différents délits qui lui valurent des condamnations. Rentré en France, il se fit de nouveau condamner plusieurs fois pour fabrication de faux certificats, vol et escroquerie.

    A l’audience, questionné sur le mobile de sa tentative d’incendie, il a répondu : « J’ai choisi une forêt appartenant à l’État pour n’être pas soupçonné d’avoir voulu agir par vengeance. Quant au mobile, le voici : J’ai outragé l’Être suprême par ma vie débauchée ; je dois expier mes fautes. Vous allez m’envoyer aux travaux forcés, ce sera mon expiation. »

    Devant cette déclaration, la Cour, sur la réquisition du Ministère public, a renvoyé l’affaire à une autre session et a commis trois médecins-pour examiner l’état mental de Macrez.

    (Journal L’Univers illustré, 6 octobre 1894)

  • Quelques figures de meneurs émergent de la petite histoire des survivances de la révolte. Ce sont des invididus mal résignés à la désagrégation de l’armée des communes, des paysans ruinés par les passages de troupes, surtout des chefs des premiers Croquants nommément exceptés de l’abolition et obligés à la clandestinité. Dans l’ordre chronologique de leurs sursauts, les plus mémorables de ces chefs furent le marquis d’Aubeterre, Pineau le Jeune et Pierre Greletty.

    On annonçait sa venue à la rescousse au moment où la plupart des révoltés rentraient chez eux. Il aurait pu apporter aux Croquants, outre la caution d’un nom illustre, l’appui d’une artillerie qu’ils avaient cherché en vain à Périgueux, à Sainte-Foy et à Bergerac. Son projet était de mener les communes « assiéger le château dudit Aubeterre pour avoir, ce qu’il promettoit à ce peuple, les canons qui estoient dans cedit château pour fortifier leur parti ». Aubeterre tint la campagne en septembre et octobre 1637 avec Madaillan et Constantin de Bessou. Leurs chevauchées secrètes les portaient des frontières de l’Angoumois où Aubeterre avait ses terres jusqu’à la forêt de Vergt, ralliant à eux « tous les mécontents, … le plus grand nombre d’amis qu’ils purent ». L’envoi des gardes d’Épernon à Périgueux suffit à empêcher la révolte de se renouveler et, en décembre, tout fut fini. Le vieux Constantin avait dû se cacher, dit-on, dans une troupe de bateleurs, Madaillan était réduit à marchander sa grâce en promettant de livrer d’anciens compagnons et d’Aubeterre devait fuir sous le coup d’une sentence de mort prononcée au présidial de Périgueux.

    Le prestige de la famille d’Aubeterre mérite qu’on s’arrête sur ce personnage. C’est le plus grand nom attaché aux révoltes paysannes de ce siècle. Pierre Bouchard d’Esparbès de Lussan, marquis d’Aubeterre (1605 1650 ?), était le fils aîné de François d’Esparbès, mort en 1628, maréchal de France, conseiller d’État, sénéchal de l’Agenais et du Condomois. Dès sa vingtième année, le jeune marquis avait semé la terreur dans le voisinage. Il conduisait une petite armée personnelle, levant des subsides sur les paroisses de la châtellenie, paraissant dans les villages les jours de marché à la tête de sa troupe bien armée qui battait le tambour. Déshérité par sa mère (17 février 1629), condamné à mort par le prévôt d’Angoulême (19 février 1630), il avait fui en Piémont où il était entré dans l’amitié du comte de Soissons. En août 1634, revenu dans la province, il avait conduit des assemblées de gentilshommes du parti de Monsieur. Le comte de Jonzac, lieutenant général en Saintonge, son beau-frère, avait reçu de la Cour l’ordre de le surveiller. En janvier 1637, Aubeterre avait appris que son frère cadet François, vicomte d’Aubeterre, lui avait non seulement été substitué dans l’héritage paternel mais encore dans la charge de sénéchal de l’Agenais et du Condomois. En se lançant dans la révolte, Aubeterre entreprenait en quelque sorte la reconquête de ses terres. La suite de sa vie aventureuse ne démentirait pas cette vocation violente. Conspirateur impénitent, le marquis d’Aubeterre fut un représentant achevé de cette noblesse provinciale, indépendante et frondeuse.

    Après Aubeterre, les paroisses du Paréage trouvèrent un nouveau chef en la personne de Jean Pineau, dit le Jeune. Il était fils d’un ministre protestant de Bergerac ; on l’avait vu dans l’armée des communes, capitaine de la paroisse de Maurens, au sud de la forêt de Vergt. Le vice-sénéchal de Périgord, Jean de La Brousse, exécutant une ordonnance de l’intendant Foullé, réussit à s’emparer de Pineau, mais, alors qu’il le ramenait à Périgueux à travers bois, une embuscade le fit échapper. La Brousse lui même et plusieurs archers périrent dans la rencontre (janvier 1638). Pineau, blessé, fut repris peu après et finit décapité à Périgueux.

    Source : Histoire des croquants, d’Yves-Marie Bercé.

  • Un extrait du registre des baptêmes de la paroisse Saint-Martin de Bazac en Saintonge porte que Roger de Raymond, fils de Charles-Joseph François de Raymond, chevalier, seigneur du Breuil et de dame Jeanne de l’Espinay sa femme, fut baptisé le 15 novembre 1672. Le parrain se nommait Roger d’Esparbès de Lussan, comte de Lussan, seigneur de Saint-Quentin de Chesneau de Puymangot, et la marraine Isabeau Joubert de Saint-Velai, femme de Jean-Pierre de La Cropte, chevalier, seigneur de Chassagne. En mai 1694, Roger de Raymond est qualifié « écuyer, seigneur d’Angle, demeurant paroisse de Saint-Maurice en Poitou, gendarme de la Garde du roi ».

    Le 3 mai 1698, François de Raymond, écuyer, sieur de Villagnon, Henry de Livenne, chevalier, seigneur de Laumont, Philippe de Sauzé, chevalier, seigneur de Breuil-Méraud, Joseph de Lhémery, chevalier, seigneur de Choisy « tous cousins et plus proches parents paternels et maternels de Roger de Raymond », attestent que « ledit sieur Roger de Raymond était encore mineur, n’ayant tout au plus que vingt-trois ans ou environ, et qu’ils en avaient parfaite connaissance […] » Entré très jeune dans les gendarmes de la Garde du roi, il devint aide de camp du prince de Soubise.

    Un extrait du registre mortuaire de la paroisse de Saint-Sulpice de Paris porte que sa mère, Jeanne de l’Espinay, mourut le 13 mai 1701 au logis des Treize-Cantons, rue des Quatre-Vents. Le registre mortuaire de la paroisse de Blanzac, diocèse de Poitiers, nous apprend que son père Joseph de Raymond, seigneur d’Angle, la suivit quelques mois plus tard, le 21 janvier 1702 (B.N. Ms. Cabinet des Titres. Carré d’Hozier, 525).

    Un acte daté de 1722 nous apprend que l’assassinat fut commis sur la personne d’un certain Jean Arnaud, « lieutenant particulier à Angoulême », lequel avait refusé de lui rendre une terre que le feu père de Raymond lui avait vendu à réméré, bien que le montant du rachat fût réuni. Un jour, une violente altercation eut lieu entre les deux hommes sur la route de Paris à Angoulême. Devant l’obstination d’Arnaud, Raymond sortit son pistolet, l’autre fit de même, les coups partirent ; Raymond fut touché au bras droit, dont il devait rester estropié et Arnaud reçut plusieurs balles : l’une qui lui transperça la poitrine, une autre au bras gauche, une troisième à la cuisse ; deux heures plus tard, il succombait à ses blessures. L’enquête fut menée d’abord par le juge royal des Muids, et ensuite « comme d’un cas privilégié », par le lieutenant criminel d’Orléans. Condamné à mort par jugement présidial du 4 octobre 1698, Raymond s’enfuit alors en Bavière.

    En 1701, il s’engage dans les troupes du duc de Bavière, Maximilien II Emmanuel, auprès duquel il réussit en peu de temps une brillante carrière. Successivement capitaine de dragons, chambellan de ce même duc, lieutenant-colonel de ses gardes carabiniers, ensuite leur colonel brigadier, il devient maréchal de camp et honoré de ses commissions en France. Blessé à la première bataille de Höchstädt (20 septembre 1703), prisonnier du duc de Marlborough à Heylissen-Wanghe (18 juillet 1705), il témoigne des plus hautes vertus militaires et s’acquiert par là les faveurs de son prince. De sa vie privée en Bavière, nous ignorons à peu près tout, sinon qu’il était constamment à court d’argent et criblé de dettes, ce qui lui valut plus d’une fois la saisie de sa solde d’officier. On sait aussi qu’une certaine duchesse d’Eglantier, née Raymond et un chevalier de Raymond, originaire d’Angoumois, payèrent pour son compte la somme de 6 000 livres au moment de sa requête au roi de France, c’est-à-dire en 1722. (Cf. Karl Staudinger, Geschichte des kurbayerischen heeres uter Kurfürst Max Il-Emmanuel. München, 1905, pp. 982, 1095 et Bayerisches Hampstaatsarchiv, München, Ms. OP 74811, 81345.) Cette année 1722, en effet, Roger de Raymond supplia le jeune Louis XV de lui accorder ses lettres « d’abolition, de grâce et de pardon ». Sa Majesté consentit à le remettre « dans sa bonne renommée et dans ses biens non confisqués d’ailleurs ». (B.N. Ms. Cabinet des Titres. Carré d’Hozier, 525).

    Exactement entre 1747 et 1753. Il vivait encore le 7 août 1747, car nous possédons à cette date une invitation à assister à la présentation des « lettres de grâce qu’il a obtenues de la bonté du roi, et dont la lecture sera faite ledit jour à l’audience du rôle de la Grande Chambre, sur les huit heures du matin ». (B.N. Ms. Cabinet des Titres. Pièces originales, 2441.) Mais il était mort le 10 novembre 1753, date à laquelle Mme de Raymond assiste, en qualité de marraine au baptême des cloches de l’église de Dravegny. L’extrait de la paroisse la qualifie : « Marie de Blay de Montrosier, veuve de très haut et très puissant seigneur messire Roger, comte de Raymond, vivant gouverneur d’Ingolstadt, lieutenant général colonel des cuirassiers de S. A. Électorale le duc de Bavière. » (A.D. Aisne : 1 E 298/1.) Roger de Raymond fut inhumé à l’église St. Moritz d’Ingolstadt, où l’on pouvait voir encore sa pierre tombale en 1943.

    Source : Donatien Alphonse François, marquis de Sade, de Maurice Lever.

  • 1423. 16 Juin. Paris. Henri VI, voulant récompenser les services de Jacques de Montberon et le dédommager de la perte de sa seigneurie de Montberon occupée par les ennemis, lui donne les terres et seigneuries de Lévis, Marly, Magny et Amblainvilliers, confisquées sur Philippe de Lévis.

    (JJ. 172, n° 311.)

    Henry, par la grace de Dieu roy de France et d’Angleterre, savoir faisons à tous presens et avenir que nous, considerans les grans, notables et aggreables services que nostre amé et feal chevalier Jaques, seigneur de Montberon (1), a faiz longuement et loyaument es temps passez à feu nostre tres-chier seigneur et ayeul, le roy Charles, derrenierement trespassé, que Dieu absoille, ou fait de ses guerres ou autrement en plusieurs et maintes manieres, et aussi les pertes et dommaiges qu’il a souffers et soustenuz pour cause et occasion des debas et divisions qui ont esté et sont en nostre royaume de France par le fait et coulpe dampnable des rebelles et desobeïssans à nous qui detiennent et occupent ses ville et chastel de Montberon (2), et autres ses terres, possessions et seigneuries, comme de ce sommes souffisamment informez, à icellui Jaques, seigneur de Montberon, par l’advis et deliberation de nostre tres chier et tres amé oncle Jehan, regent nostre royaume de France, duc de Bedford, avons donné et octroié, donnons et octroyons de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes les chasteaux, forteresses, maisons, manoirs, villaiges, fours, molins, justices, seigneuries, juridicions, terres, prez, vignes, bois, cens, rentes, revenues, fiefz, arriere fiefz, et autres heritages, possessions, et biens immeubles du lieu de Levis (3), et des lieux de Marly (4) et de Maigny (5), qui souloient appartenir à Philippe de Levis (6), ensemble la terre et seigneurie et appartenances d’Emblevilliers (7) en la parroisse de Verrieres (8), qui anciennement partit et fut des appartenances desdictes seigneuries de Levis et de Marly, et laquelle terre d’Emblevillier souloit appartenir à Philippe de Levis, soy-disant seigneur de Roches (9) et de la Vote (10) en Auvergne, nepveu du dessus dict de Levis, avecques des autres appartenances et appendances quelzconques des seigneuries et lieux dessus dicts, et aussi de tous les autres biens immeubles que les dessus nommez de Levis et chascun d’eulx povoient et devoient avoir et qui leur competoient et appartenoient, et qu’ilz soient assis et situez es villes, prevosté et viconté de Paris, et es bailliages de Chartres, Galardon et Nogent le Retro, estans en nostré main et à nous escheuz, forfaiz et confisquez parce qu’ilz sont aidans, favorisans et confortans le parti de cellui qui se dit Dalphin, nostre ennemi et adversaire, jusques à la somme de six cens livres parisis par chascun an, eu regart à l’extimacion du temps qui couroit quinze ans a, par maniere de provision et jusques à ce qu’il puist estre retourné à ses dictes terres et seigneuries, pour joir et user….

    Si donnons en mandement par la teneur de ces presentes à noz amez et feaulx conseillers les gens de noz comptes à Paris, tresoriers et generaulx gouverneurs de toutes noz finances, les commissaires par nous ordonnez ou à ordonner sur le fait des confiscacions et forfaictures escheues et à escheoir en nostre royaume de France, aux prevost de Paris et bailli de Chartres….

    Donné à Paris, le XVIe jour de juing, l’an de grace mil IIIIc XXIII et de nostre regne le premier.

    Ainsi signé : Par le roy, à la relacion de monseigneur le regent duc de Bedford,

    Notes :

    1. Jacques, second fils de Jacques de Montberon, maréchal de France, mort en 1422, lequel avait reçu en 1408 la seigneurie de Montberon, fut en outre seigneur d’Azay-le-Rideau (Anselme, Hist. gén. de la maison de France, t. VII, p. 17). Le roi lui avait fait don antérieurement à 1421 de l’hôtel de Besançon, au coin de la rue de l’Hirondelle et de la rue Gilles-Coeur (Sauval, p. 295); mais cette demeure fut concédée depuis, par lettres du 29 avril 1423, à Guy le Bouteiller, seigneur de la Roche-Guyon (voyez plus haut, p. 88). Le compte des confiscations pour les années 1423 à 1427 nous apprend que Montberon occupait alors l’hôtel de Bar, confisqué sur le cardinal de Bar, lequel hôtel était situé rue des Bernardins, sur la rivière de Seine, au coin de la rue de Bièvre (Sauval, p. 315).

    2. Aujourd’hui Montbron (Charente, arrond. d’Angoulême, chef-lieu de cant.).

    3. Lévis-Saint-Nom (Seine-et-Oise, arr. de Rambouillet, cant. de Chevreuse). Peut-être la donation de la terre de Lévis n’aura-t-elle pas eu un effet de longue durée, car il paraît qu’en 1426 Guillaume Sanguin rendit hommage de la terre de Meudon à un certain Jean de Haufride, qualifié seigneur de Marly (Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, t. VII, p. 195).

    4. Marly-le-Roi (Seine-et-Oise, arr. de Versailles, chef-lieu de cant.).

    5. Magny-les-Hameaux (Seine-et-Oise, arr. de Rambouillet, cant, de Chevreuse).

    6. Philippe de Lévis, IVe du nom, vicomte de Lautrec, seigneur de la Roche, d’Annonay et Pradelles, avait succédé en 1387 à son frère aîné, Guigues II; il mourut en 1440, à l’âge de 60 ans, et fut enterré dans l’église d’Annonay (Anselme, Hist. gén. de la maison de France, t. IV, p. 27-28).

    7. Amblainvilliers (Seine-et-Oise, arr. de Versailles, cant. de Palaiseau, commune de Verrières-le-Buisson.

    8. Ms. : Bernieres.

    9. Ou plus exactement « de la Roche », car il s’agit de la Roche-en-Regnier (Haute-Loire, arr. du Puy, cant. de Vorey).

    10. La Voulte-sur-Rhône (Ardèche, arr. de Privas, chef-lieu de cant.). Philippe possédait cette seigneurie du chef de sa femme, Antoinette d’Anduze, fille et héritière de Louis d’Anduze, seigneur de la Voulte (Anselme, t. IV, p. 28).

    Source : Paris pendant la domination anglaise (1420-1436), d’Auguste Longnon.

  • Lucien descendit à l’Houmeau par la belle promenade de Beaulieu, par la rue du Minage et la porte Saint-Pierre. S’il prenait ainsi le chemin le plus long, dites-vous que la maison de Mme de Bargeton était située sur cette route. Il éprouvait tant de plaisir à passer sous les fenêtres de cette femme, même à son insu, que depuis deux mois il ne revenait plus à l’Houmeau par la porte Palet. En arrivant sous les arbres de Beaulieu, il contempla la distance qui séparait Angoulême de l’Houmeau. Les mœurs du pays avaient élevé des barrières morales bien autrement difficiles à franchir que les rampes par où descendait Lucien. Le jeune ambitieux qui venait de s’introduire dans l’hôtel de Bargeton en jetant la gloire comme un pont volant entre la ville et le faubourg, était inquiet de la décision de sa maîtresse comme un favori qui craint une disgrâce après avoir essayé d’étendre son pouvoir. Ces paroles doivent paraître obscures à ceux qui n’ont pas encore observé les mœurs particulières aux cités divisées en ville haute et ville basse ; mais il est d’autant plus nécessaire d’entrer ici dans quelques explications sur Angoulême, qu’elles feront comprendre Mme de Bargeton, un des personnages les plus importants de cette histoire. Angoulême est une vieille ville, bâtie au sommet d’une roche en pain de sucre qui domine les prairies où se roule la Charente. Ce rocher tient vers le Périgord à une longue colline qu’il termine brusquement sur la route de Paris à Bordeaux, en formant une sorte de promontoire dessiné par trois pittoresques vallées. L’importance qu’avait cette ville au temps des guerres religieuses est attestée par ses remparts, par ses portes et par les restes d’une forteresse assise sur le piton du rocher. Sa situation en faisait jadis un point stratégique également précieux aux catholiques et aux calvinistes ; mais sa force d’autrefois constitue sa faiblesse aujourd’hui ; en l’empêchant de s’étaler sur la Charente, ses remparts et la pente trop rapide du rocher l’ont condamnée à la plus funeste immobilité. Vers le temps où cette histoire s’y passa, le gouvernement essayait de pousser la ville vers le Périgord en bâtissant le long de la colline le palais de la préfecture, une école de marine, des établissements militaires, en préparant des routes. Mais le commerce avait pris les devants ailleurs. Depuis longtemps le bourg de l’Houmeau s’était agrandi comme une couche de champignons au pied du rocher et sur les bords de la rivière, le long de laquelle passe la grande route de Paris à Bordeaux. Personne n’ignore la célébrité des papeteries d’Angoulême, qui, depuis trois siècles, s’étaient forcément établies sur la Charente et sur ses affluents où elles trouvèrent des chutes d’eau. L’État avait fondé à Ruelle sa plus considérable fonderie de canons pour la marine. Le roulage, la poste, les auberges, le charronnage, les entreprises de voitures publiques, toutes les industries qui vivent par la route et par la rivière, se groupèrent au bas d’Angoulême pour éviter les difficultés que présentent ses abords. Naturellement les tanneries, les blanchisseries, tous les commerces aquatiques restèrent à la portée de la Charente ; puis les magasins d’eaux-de-vie, les dépôts de toutes les matières premières voiturées par la rivière, enfin tout le transit borda la Charente de ses établissements. Le faubourg de l’Houmeau devint donc une ville industrieuse et riche, une seconde Angoulême que jalousa la ville haute où restèrent le gouvernement, l’évêché, la justice, l’aristocratie. Ainsi, l’Houmeau, malgré son active et croissante puissance, ne fut qu’une annexe d’Angoulême. En haut la noblesse et le pouvoir, en bas le commerce et l’argent ; deux zones sociales constamment ennemies en tous lieux ; aussi est-il difficile de deviner qui des deux villes hait le plus sa rivale. La Restauration avait depuis neuf ans aggravé cet état de choses assez calme sous l’Empire. La plupart des maisons du Haut-Angoulême sont habitées ou par des familles nobles ou par d’antiques familles bourgeoises qui vivent de leurs revenus, et composent une sorte de nation autochtone dans laquelle les étrangers ne sont jamais reçus. A peine si, après deux cents ans d’habitation, si après une alliance avec l’une des familles primordiales, une famille venue de quelque province voisine se voit adoptée ; aux yeux des indigènes elle semble être arrivée d’hier dans le pays. Les préfets, les receveurs généraux, les administrations qui se sont succédé depuis quarante ans, ont tenté de civiliser ces vieilles familles perchées sur leur roche comme des corbeaux défiants : les familles ont accepté leurs fêtes et leurs dîners ; mais quant à les admettre chez elles, elles s’y sont refusées constamment. Moqueuses, dénigrantes, jalouses, avares, ces maisons se marient, entre elles, se forment en bataillon serré pour ne laisser ni sortir ni entrer personne ; les créations du luxe moderne, elles les ignorent. Pour elles, envoyer un enfant à Paris, c’est vouloir le perdre. Cette prudence peint les mœurs et les coutumes arriérées de ces familles atteintes d’un royalisme inintelligent, entichées de dévotion plutôt que religieuses, qui toutes vivent immobiles comme leur ville et son rocher. Angoulême jouit cependant d’une grande réputation dans les provinces adjacentes pour l’éducation qu’on y reçoit. Les villes voisines y envoient leurs filles dans les pensions et dans les couvents. Il est facile de concevoir combien l’esprit de caste influe sur les sentiments qui divisent Angoulême et l’Houmeau. Le commerce est riche, la noblesse est généralement pauvre. L’une se venge de l’autre par un mépris égal des deux côtés. La bourgeoisie d’Angoulême épouse cette querelle. Le marchand de la haute ville dit d’un négociant du faubourg, avec un accent indéfinissable : — C’est un homme de l’Houmeau ! En dessinant la position de la noblesse en France et lui donnant des espérances qui ne pouvaient se réaliser sans un bouleversement général, la Restauration étendit la distance morale qui séparait, encore plus fortement que la distance locale, Angoulême de l’Houmeau. La société noble, unie alors au gouvernement, devint là plus exclusive qu’en tout autre endroit de la France. L’habitant de l’Houmeau ressemblait assez à un paria. De là procédaient ces haines sourdes et profondes qui donnèrent une effroyable unanimité à l’insurrection de 1830, et détruisirent les éléments d’un durable État social en France. La morgue de la noblesse de cour désaffectionna du trône la noblesse de province, autant que celle-ci désaffectionnait la bourgeoisie, en en froissant toutes les vanités. Un homme de l’Houmeau, fils d’un pharmacien, introduit chez Mme de Bargeton, était donc une petite révolution. Quels en étaient les auteurs ? Lamartine et Victor Hugo, Casimir Delavigne et Canalis, Béranger et Chateaubriand, Villemain et M. Aignan, Soumet et Tissot, Étienne et d’Avrigny, Benjamin Constant et La Mennais, Cousin et Michaud, enfin les vieilles aussi bien que les jeunes illustrations littéraires, les Libéraux comme les Royalistes. Mme de Bargeton aimait les arts et les lettres, goût extravagant, manie hautement déplorée dans Angoulême, mais qu’il est nécessaire de justifier en esquissant la vie de cette femme née pour être célèbre, maintenue dans l’obscurité par de fatales circonstances, et dont l’influence détermina la destinée de Lucien.

    Source : La comédie humaine, d’Honoré de Balzac.

  • M. le président remercie MM. Béquet et David pour leurs intéressantes communications et donne lecture de la note suivante relative au supplice de la damoiselle de Marandat, d’après des documents inédits :

    Dans une étude sur Les Montmorency barons de Montbron, (Bul.1911, p. 159), M. Touzaud, parlant incidemment du supplice de « la damoiselle de Marandat », rapporté dans un livre aujourd’hui fort rare, le Théâtre des Cruautez des Hérétiques de nostre temps, (à Anvers, chez Hubert, 1587, in-4°), a montré que les du Rousseau étaient seigneurs de Marandat à cette époque — XVIe siècle », mais n’a pu identifier la dite damoiselle. Plus heureux dans nos recherches que notre savant collègue, et grâce aux papiers de famille que M. Alain de Ferrière a bien voulu nous communiquer, il nous a été facile de savoir quelle était la victime et quel fut le bourreau.

    Voici d’abord, d’après l’édition de 1588, le récit de ce drame illustré par une gravure (planche III, lettre A) :

    « Les Huguenots estant en garnison en la ville de Montbron, visitoient fort souvant la damoiselle de Marandat, voisine de leur garnison. Cette bonne damoiselle, pleine de douceur et d’honesteté qui sont compagnes perpétuelles de la Religion Catholique, les recevoit avec fort bonne volonté et meilleur traictement, à fin d’avoir quelque support de ces déloyaux garnements.

    « Mais ces barbares cruels despouillez de toute humanité, après avoir bien souppé en sa maison, la firent monter en une chambre haute, où premièrement, par menaces la voulurent forcer de leur bailler quelques deniers avec argent, non moins qu’ils pensoient qu’elle eust, et voyans leurs menaces ne l’esmouvoir, firent apporter du bois et allumer du feu, et prenans cing palettes de fer qu’ils firent rougir, les apposèrent aux plantes de cette pauvre hotesse. Puis voyans le millieu de leurs palettes arrousées du sang de cette palivre femme délicate et de l’humeur que le feu tiroit de ses pieds, ils tournèrent vers elle le bout trenchant desdites palettes encore toutes rouges, et depuis les chevilles des pieds jusques aux hanches, luy firent dix ou douze rayes, tirans la peau par esguillettes, finalement ils la dépouillèrent, et emportèrent tout l’argent monnoyé et à monnoyer, qu’elle avait espargné pour pourvoir ses enfants ».

    La personne ainsi suppliciée n’était autre que Marie Couraudin, veuve de Junien du Rousseau, écuver, seigneur de Marandat, et l’auteur responsable de ces atrocités, Georges de Clermont d’Amboise, comme cela appert des pièces que nous allons citer. Ces pièces font partie d’un dossier que la famille du Rousseau dut constituer et produire, en vertu des édits de 1666, pour prouver sa noblesse. (Arch. nat., E. 441b f° 168).

    « La première en parchemin, est-il dit, dattée du 22 août 1581, est un arrêt du Parlement de Paris, signé Radigue. donné sur défault et contumaces au proffict de damoiselle Marie Couraudin, veufve de Junien du Rousseau, vivant écuier, sieur de Maranda et de Ferrière, lès Montbron, qui condamne à mort Messire Georges de Clermont d’Amboise, le jeune, pour plusieurs excedz inhumains et exécrables, vols et pillages d’or et d’argent exercés envers la dicte Couraudin ; — la deuxièsme, en papier, du dernier juillet 1582, est une expédition collationnée à la minute originale par de Sainct-Waast et de Montroussel, notaires au Chastelet de Paris, d’un transport faict par François du Rousseau, ecuier, sieur de Ferrière, tant en son nom que comme fondé de procuration de damoiselle Marie Couraudin, sa mère, veufve de feu Junien du Rousseau, sieur de Maranda et encore soy faisant et portant fort de Jean, Pierre, François, Junien et Jacques du Rous seau, ses frères, au sieur de Bellenaure, gentilhomme de la Chambre, de tous les droits et actions contre le dict sieur Georges de Clermont d’Amboise, en conséquence du susdict arrest ; ensuite est la procuration de la dicte damoiselle de Couraudin ; — la troisiesme est un ancien livre imprimé, couvert de parchemin, intitulé Les horribles cruautez des Huguenots en France et Angleterre, contenant les inhumanitez par eux exercées envers la damoiselle de Maranda… »

    Marie Couraudin était fille de Pierre, seigneur de Ferrière et Chabrot, maître de forges à Pierre-Pansue, sur les rives de la Tardoire, près de Montbron, et de Christine Baudoin de Fleurac. Elle avait été mariée le 8 mai 1540, par contrat reçu Depeyris, notaire, à Junien du Rousseau, fils de Jean et de Paule Berenger. Elle devint veuve peu après 1567, car, cette année même, et le 7 juillet, Junien du Rousseau et Pierre Couraudin, le gendre et le beau-père, rendaient aveu et dénombrement au duc de Montmorency, pour leur hôtel noble de Montbron, devant Sauvo et Denespoux, notaires au dit lieu.

    De ce mariage vinrent six enfants : Jean, qui continua la branche de Ferrière ; Junien qui continua celle de Marandat ; François qui continua celle de Coulgens ; et Jacques, celle de La Vue ; Pierre et autre François moururent jeunes.

    Les souffrances endurées par la dame de Marandat ne l’empêchèrent pas d’atteindre un âge assez avancé : en effet, en 1589, elle se faisait représenter par Pierre de Lézay au mariage de son fils, Jean, avec Jeanne Frotier de La Messelière ; elle vivait encore lors du mariage de son autre fils, Junien, le 5 février 1597, et dût mourir peu après, puisque le partage de sa succession entre ses quatre fils survivants eut lieu le 25 novembre de cette année. En la supposant âgée de vingt ans lors de son mariage, elle serait donc décédée à 77 ans.

    Elle eut la satisfaction d’honneur de voir condamner, « par défaut et contumaces » il est vrai, son bourreau, Georges de Clermont.

    Elle obtint même le 31 juillet 1582, une rente de 2.000 livres, comme dommages-intérêts. Mais, dans la suite, Marie Clutin, veuve de Georges de Clermont, ayant voulu changer l’assiette de cette rente, les enfants de Marie Couraudin, Jacques, sieur de la Vue, Jean, François et Junien, lui firent sommation, le 1er février 1619, d’avoir à garantir cette rente assignée sur tous les biens de Georges de Clermont. (Arch. dép. E. 950).

    Le sieur de Clermont, dont il est question ici, ne doit pas être confondu avec le capitaine huguenot du même nom, seigneur de Pilles « gentilhomme périgourdin d’une fortune médiocre, mais d’une très grande valeur », dit de Thou, lequel se distingua lui aussi par ses cruautés à Angoulême et à La Couronne, fut compris dans la sentence de mort prononcée par le Parlement de Bordeaux le 2 avril 1569, et périt à la Saint-Barthélemy.

    Georges de Clermont, le coupable, était originaire d’Anjou, petit-fils de Louis et de Renée d’Amboise, et fils d’autre, Georges, fait prisonnnier à Jarnac. Il eut de Marie Clutin de Villeparisis, sa femme, plu sieurs enfants qui tous se marièrent avec des coreli gionnaires : Henri, l’aîné, épousa Louise de Polignac de Saint-Germain ; Charlotte fut mariée à Jean Chabot de Jarnac et Saint-Aulaye, etc., etc. Il est à croire que, malgré sa condamnation, il đût mourir tranquillement dans son lit, après avoir obtenu des lettres de rémission, comme il était alors d’usage en pareilles circonstances.

    Il reste à établir le lieu et l’année du supplice. Marandat ne comprenait alors, en dehors du hameau de ce nom, qu’une ferme et un rendez-vous de chasse. Junien du Rousseau et les siens habitaient ordinairement le château de Ferrière, près des forges de Pierre-Pansue, à quelques centaines de mètres de Montbron, dans la vallée de la Tardoire. C’est donc là que les chauffeurs exercèrent leur sauvagerie (1).

    Quant à l’année exacte de ce drame. il est plus difficile de l’établir, mais il doit être situé entre 1567 et 1577. En effet, Marie Couraudin était veuve quand elle subit les violences des huguenots ; or son mari vivait encore en juillet 1567. De plus, bien qu’on manque de renseignements sur l’occupation de Montbron par les troupes protestantes, cependant on sait par le journal de Pillard, alors chanoine de La Rochefoucauld, que « le 4 mars 1577, la ville de Montbron fut assiégée et prise par le sieur de Ruffec. Il ne périt dans cette action, ajoute-t-il, que Le Fresle, et Le Drosle qui l’avait prise pour ceux de la Religion » (2).

    En résumé, « la damoiselle de Marandat », suppliciée, était Marie Couraudin ; le coupable, Georges de Clermont d’Amboise ; et la scène dut se passer au château de Ferrière entre juillet 1567 et mars 1577.

    Notes :

    1. Cependant, d’après l’édition de 1588 que nous avons en mains, — exemplaire ayant appartenu au chanoine Descordes, — la scène semble s’être passée à Marandat. On y lit en effet cette variante dans le texte · « Les Huguenots, qui étoient en garnison en la ville de Montbrun, visitoient souvant une honnête et vertueuse damoiselle en sa maison à Marendat, près la dite ville : Elle les y recevoit… » (p. 56).

    2. Le Drosle est inconnu. Il s’agit vraisemblablement du capitaine huguenot La Drosle, qui, la veille de la Pentecôte 1562, pilla la cathédrale, avec les capitaines Chanterat, La Mothe, Pille, Jean de Flandres et autres. (Voy. Bull. 1868-69, p. 512).

    (Société Archéologique et historique de la Charente, 1930)

  • Édit de création d’une université à Angoulême, par François 1er

    Amboise, 27 décembre 1516. (Registré au parlement le 2 avril 1549, avant Pâques ; Ie volume des ordonnances de Henri II, coté P, f° 436.)

    François, etc. Sçavoir faisons à tous présens et advenir que, comme entre toutes choses servans au gouvernement, entretenement et augmentation de tous royaumes, principaultéz et monarchies, soit nécessairement requis, avoir, nourrir, entretenir et privilégier gens clercs, lettrés et sçavans, par révolution de livres, estudes et spirituels labeurs, les gestes, doctrines et louables exercices de ceulx qui ont illustré, anmobli, accreu et augmenté, tant par leur sens, escriptures, littérature, que actes vertueux, le bien et estat de la chose publicque, chrétienne, qui ne peut estre, par expérience, entendu ni cogneu durant la vie des humains, parce qu’elle est momentaire, caducque et de briefve durée ;

    Et à ceste cause, est requis avoir recours à la révolution et lecture des livres et doctrine des bons, grands et notables personnaiges, qui ont profondément et à plain escript en toutes facultés, et que, par cours et usaige commun, les esperits et entendemens humains ne soient capables avoir congnoissance des dictes facultés et sciences, sans directeurs, précepteurs, maitres et docteurs d’icelles facultés, et qu’il y ait lieux, colléges et universités appropriées, dédiées, érigées et fondées pour enseigner, monstrer et apprendre icelles facultés et sciences.

    Et que, ayons esté deument advertis que feu de bien heureuse et très recommandable mémoire, Jehan, comte d’Angoulesme, nostre ayeul paternel, qui tant et si vertueusement a vécu, manié et traioté ses subjects et affaires, que devant Dieu et em son Esglise il reluit et fleurit, par miracles, et en a porté, et encore tient le titre et renom du bon comte Jehan, que nous tenons à Nous et toute nostre maison, à très grand honneur et exaltation ;

    Considérant, sa vie durant, sa ville et comté d’Angoulesme être une bien belle, grande et spacieuse cité, élevée et assise en haut lieu, doulx air benin et tempéré, sain, propre et très commode pour estude et exercice spirituel, hors de tous passages et négociations mondaines et séculières, garnie de bois, champaignes, rivières et ruisseaulx prochains; environnée de toutes parts de bon, fertile, doulx et plaisant pays, tant pour le vivre, nourriture et entretenement des gens de lettres, docteurs et estudians, qui pourroient venir et converser en icelle, que pour leur récréation, soulagement et consolation spirituelle,

    Et que icelle ville, qui est du nombre des principales clefs et frontières de nostre royaume, mesmement du costé et endroict de nostre duché et pays de Guyenne, et que, en temps de guerre et hostilité, elle a toujours, par cy devant, fait, et pourra, par cy après, faire plusieurs bons services, à Nous et à nostredit royaume, n’a pu, par cy devant, et ne pourroit, pour l’advenir, estre peuplée, remplie et garnie de gens d’autorités, esprit, scavoir et conduite, sans y dresser, ériger, créer et establir université : collége et escolles, en toutes facultés, auroit pris et conçeu propos, vouloir et délibération, faire ériger, dresser et establir en ladite ville et cité d’Angoulesme escolles, collége et université, en toutes facultés, tant pour la construction, fortification et entretenement d’icelle cité, que pour le bon et pitenx désir qu’il avoit au proffit et instruction des pauvres et ieunes personnages de ses pays et circonvoisins, et exaltation de nostre saincte foy catholique ; ce que, prévenu de mort, il n’auroit pu faire, et sont les choses demourées sans perfection jusques à présent, qu’il a plu à Dieu, le créateur, Nous exalter et faire parvenir à la couronne.

    Et que nostre très chère et très amée dame et mère, à laquelle, pour partie de son entretenement, Nous avons donné et octroyé ladicte ville et cité, ensemble le pays et duché d’Angoulmois,

    Nous a supplié et requis ensuir et accomplir le bon et louable désir et vouloir dudit feu seigneur nostre bon ayeul, et en ce faisant, créer, établir et ordonner en ladite ville et cité d’Angoulême escolles et université en toutes facultés, et icelles doter et enrichir de libertés, immunités et priviléges y requis et nécessaires.

    Pour ce, est-il que Nous, qui de tout nostre cœur et vouloir désirons estre imitateur dudit feu seigneur nostre bon ayeul, ensuir et parfaire les bonnes œuvres et propos par lui entreprinses et délibérées, peupler, enrichir et annoblir ladite ville et cité d’Angoulesme, faire et accroistre la commodité et proffit dudit pays et duché d’Angoulmois, auquel Nous avons prins nostre commencement et naissance, obtempérer, et de nostre pouvoir, satisfaire aux prières et requestes de notre dite dame et mère, qui, de ce, nous a très instamment supplié et requis.

    Pour ces causes et autres raisonnables considérations, à ce nous mouvans, de nostre certaine science, grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale,

    Avons érigé, créé, ordonné et nouvellement estably, créons, érigeons, ordonnons et establissons en ladite ville et cité d’Angoulesme, collége, escolles et université, en toutes facultés et sciences, et pour l’entretenement, conservation et augmentation d’icelle, avons donné et octroyé, donnons et octroyons à icelle université, colléges, facultés et docteurs, maistres gradués et estudians, escolliers, bedeaux, messagiers et autres officiers d’icelle université, présens et advenir, et qui, en icelle, vacqueront et desserviront sans fraude telle et semblable jurisdiction, puissance, autorités, priviléges, immunités, libertés, exemptions et franchises que ont et ont accoutumé d’avoir les universités de nos bonnes villes de Paris, Poitiers et Toulouse, et les suppots, officiers, messagiers, docteurs, gradués, escolliers et estudians d’icelles et chacune d’elles que voulons estre d’un tel effet, force et vertu, comme s’ils étoient nommés, déclarés et exprimés en cesdites présentes.

    Et pourront les docteurs, maistres et gradués d’icelle université élire, instituer et créer recteurs et tous autres officiers d’icelle université, sauf et réservé le conservateur des priviléges royaux d’icelle duquel l’institution et provision nous appartiendra à la nomination et présentation de nostredite dame et mère.

    Si donnons, etc.

    Source : Recueil général des anciennes lois françaises, de François-André Isambert.

  • Jugement du 18 messidor, an deuxième de la République Française, une et indivisible, qui condamne Marie Amilien, veuve Amilien et Méry Vidaud, témoins, à huit jours de prison, pour avoir osé paraître dans le Sanctuaire des loix, sans avoir la cocarde nationale.

    Extrait des Registres du greffe du Tribunal criminel du Département de la Charente, séant à Angoulême.

    Séance publique du 18 Messidor, l’an second de la République Française, une et indivisible.

    En l’audiance du Tribunal criminel du Département dé la Charente, tenue pour le jugement de l’accusation portée contre F. Valade, Joubert, P. Valade, Léonard Lacaton et Michel Chevrier, ci-devant maire, officiers municipaux et Agent national de la commune de Combiers ; à la requête de l’Accusateur public, se sont présentés successivement pour déposer, Marie Amilien, veuve Amilien ; la citoyenne Grolier, veuve Boyer ; Guillaume Forestas et Méry Vidaud, témoins, assignés â la requête de l’Accusateur public ; il a été observé que ces citoyens n’avoient point la cocarde tricolore, et osoient se présenter jusque dans le Sanctuaire des loix, sans le signe auguste de notre liberté ; ouï sur ce, l’Accsateur public qui a de suite conclu contre eux à l’exécution des loix, le Tribunal condamne ladite veuve Amilien et Grolier, veuve Boyer, à huit jours de prison, conformément aux dispositions-de la loi du 21 septembre 1793, dont il a été fait lecture, et qui est ainsiconçu :

    « La Convention nationale, sur la proposition d’un membre, décrète que les femmes qui ne porteront pas la cocarde tricolore seront punies la, première fois de huit jours de prison ; en cas de récidive, elles seront réputées suspectes ; et quand à celles qui arracheroient à une autre ou profaneroient la cocarde nationale, elles seront punies de six années de réclusion » ;

    Et avant de prononcer définitivement contre lesdits Forestas et Vidaud, ordonne qu’ils seront provisoirement retenus ;

    Et le même jour, vu par le Tribunal l’attestation donnée par les Inspecteurs et Administrateurs de la forge ; de Ruelle, du zèle de la veuve Boyer, pour remplir les réquisitions faites à la forge de Combiers dont elle est propriétaire, et que son arrestation peut entraver l’exécution des mesures qui lui ont été prescrites ; et après avoir entendu la nouvelle municipalité de Combiers, présente à la barre, qui a attesté le civisme de la veuve Boyer et de Forestas, et qu’ils sont dans l’usage de porter la cocarde nationale ; qui déclare en outre ne pouvoir donner la même attestation en faveur de la veuve Amilien et dudit Méry Vidaud ; ouï sur ce, l’accusateur public, le Tribunal ordonne que ladite Grolier, veuve Boyer, et ledit Forestas, seront sur le champ mis en liberté ; ordonne que Méry Vidaud, provisoirement retenu, tiendra prison pendant huit jours, que le présent jugement sera envoyé au Comité révolutionnaire, de ce District, imprimé et affiché au nombre de cent exemplaires aux frais des détenus. Fait et prononcé en l’audience publique du Tribunal criminel du Département de la Charente, où siégeoient les citoyens Léridon, président ; Debresme, Paulet et Doche, juges ; ainsi signé Léridon, Debresme, Paulet et Doche.

    Au nom du Peuple Français : il est ordonné à tous huissiers de mettre le présent jugement à exécution, à tous commandans ou officiers de la force publique, de prêter main-forte lorsqu’ils en seront requis, et aux Commissaires nationaux près des Tribunaux d’y tenir la main. En foi de quoi le présent jugement a été signé par le président et le greffier.

    Pour expédition :

    Léridon, président ; Thibaud, greffier.

    Attestation :

    Egalité — Fraternité — Liberté

    Nous, Inspecteur général de l’Artillerie de la Marine et Directeur de la Fonderie nationale de Ruelle et autres, certifions que la forge de Combiers, District d’Angoulême, exploitée par la veuve Boyer, est en réquisition pour le service de la République depuis le 4 Frimaire dernier ; que depuis cette époque, la veuve Boyer a constamment apporté dans ses travaux le zèle et l’activité la plus soutenue ; qu’elle a fait de son propre mouvement tous les sacrifices pour prolonger son fondage malgré les basses eaux, et que son arrestation peut entraver l’exécution des mesures qui lui ont été prescrites pour se préparer à un nouveau fondage aussitôt que la situation des eaux le permettra.

    Ruelle, le 18 Messidor, an second de la République, une et indivisible.

    Inspecteur général de l’Artillerie de la Marine,
    Dubouchage.

    Le Directeur de la Fonderie,
    Néard.

    Angoulême : chez P. Broquisse, Imprimeur du Département, deuxième année de la République.

    (Études locales, 1928)

  • Jean Fauvaud dit Bertrand

    Vous donnons ci-dessous le jugement tout entier de ce condamné; c’est le seul document que nous possédions, mais il est complet. Quant au dossier, il nous a été impossible de le retrouver aux archives du greffe d’Angoulême, il est égaré; mais il existe une note d’audience du président Léridon, qui constate le jugement de Fauvaud, sur le premier registre du tribunal criminel, sans dire la cause de sa condamnation. Nous avions donc renoncé à donner une notice sur ce malheureux, lorsque, dans un récent voyage à Paris, on nous signala, aux Archives de l’Empire, l’existence de cartons spéciaux contenant la plupart des jugements des tribunaux criminels des départements, et là nous avons trouvé trois exemplaires du jugement de Fauvaud, savoir : une expédition à la main signée par le président et le greffier, deux affiches imprimées et certifiées par le greffier. C’étaient les pièces expédiées par le tribunal criminel de la Charente au ministre de la justice. Nous pouvons donc certifier et garantir l’authenticité de cette pièce, remarquable à plusieurs titres.

    Jugement en dernier ressort et sans recours au tribunal de cassation, rendu par le tribunal criminel du département de la Charente, séant à Angoulême, qui condamne Jean Fauvaud, dit Bertrand, de la commune de Mazerolle, district de La Rochefoucauld, à mort, convaincu d’avoir proposé et provoqué le rétablissement de la royauté. Du 24 brumaire l’an second de la République française, une et indivisible.

    « Au nom de la République française, à tous et à venir, salut.

    « Le tribunal criminel du département de la Charente a rendu le jugement suivant: «

    « Vu par le tribunal criminel du département de la Charente, séant à Angoulême, l’acte d’accusation dressé par l’accusateur public près le tribunal criminel du département de la Charente, contre Jean Fauvaud, accusé d’avoir tenu des propos contrerévolutionnaires tendant au rétablissement de la royauté, dont la teneur suit :

    « Pierre Mallet, accusateur public près le tribunal criminel du département de la Charente, autorisé par les lois des 7 et 9 avril dernier à poursuivre et faire juger sur la réquisition des corps administratifs, et sans recours au tribunal de cassation, les prévenus de provocation au rétablissement de la royauté,

    « Expose que le citoyen Jean Fauvaud, dit Bertrand, tonnelier, de la commune de Mazerolle, district de La Rochefoucauld, aurait été arrêté et conduit à la maison de justice, en vertu des délibérations du comité de surveillance établi à La Rochefoucauld et du citoyen Harmand, commissaire de la Convention nationale en ce département, des 14 et 15 du présent mois, portant que ledit Fauvaud, dit Bertrand, serait traduit au tribunal révolutionnaire, comme prévenu d’avoir tenu différents propos tendant au rétablissement de la royauté.

    « Qu’aussitôt l’arrivée dudit Fauvaud en la maison de justice, il a été entendu sur les causes de sa détention et de son arrestation; qu’examen fait des pièces relatives au délit dont est prévenu ledit Fauvaud, et notamment du procès-verbal dressé par la municipalité de Mazerolle, le 1er octobre dernier (vieux style), transmis à l’accusateur public, il en résulte que ledit Fauvaud aurait manifesté, dès le 14 juillet dernier, sa haine et son mépris pour cette Constitution nouvelle que la Convention nationale a rédigée pour le bonheur des Français, et pour leur assurer cette liberté si désirée dont ils étaient privés depuis tant de siècles; que ledit Fauvaud, non content de blâmer ceux des citoyens qui l’avaient acceptée, les aurait menacés qu’ils s’en repentiraient, ce qui indiquait évidemment que ledit Fauvaud était dès lors le complice et l’agent d’une faction qui projetait d’anéantir la liberté et l’égalité et rappeler toutes les horreurs de l’ancien régime; que ces sentiments se sont soutenus dans le caur dudit Fauvaud jusqu’audit jour 1er octobre dernier, où il les a fait éclater bien plus évidemment encore en provoquant expressément le rétablissement de la royauté, puisqu’il se serait permis de dire aux officiers municipaux de la commune de Mazerolle, chargés de faire exécuter la loi relative à la réquisition des jeunes gens de la première classe, et qui lui demandaient d’engager son fils à se réunir aux autres jeunes citoyens pour marcher à la défense de la patrie. qu’ils étaient des bougres (sic), qu’ils ne voulaient pas de roi, et que puisqu’ils voulaient la Constitution, ils n’avaient qu’à aller la soutenir. Si vous aviez voulu nommer un roi, les choses seraient finies; mais puisque vous ne l’avez pas voulu, mon fils ne partira pas d’ici; et si vous voulez absolument le faire partir, il faudra le tuer sur la place. Menaçant même les officiers municipaux, s’ils insistaient, d’aller dans sa maison prendre une serpe ou volant pour leur couper les bras.

    « Que ledit Fauvaud, dans son interrogatoire, a dénié d’avoir tenu aucun des propos qui lui sont imputés; est seulement convenu d’avoir dit, parce qu’il l’avait entendu dire à plusieurs autres personnes, que la loi n’exigeait point que les pauvres fussent se battre contre les rebelles de la Vendée, que c’était aux riches à y aller; qu’il ne connaissait point la loi; qu’il est allé au chef-lieu du canton accepter la Constitution, qu’il s’y enivra, et qu’il n’a pas d’idée d’avoir tenu à son retour les propos insérés dans le procès-verbal des officiers municipaux.

    « D’après l’exposé ci-dessus, l’accusateur public å dressé le présent acte d’accusation contre ledit Jean Fauvaud, dit Bertrand, père, tonnelier, pour avoir, méchamment et à dessein, le 14 juillet dernier, manifesté de la haine et du mépris pour la Constitution, annoncé par ses menaces et ses propos le désir et l’intention de renverser l’édifice sublime de la liberté du peuple français, et notamment pour avoir, le 1er octobre dernier, en persévérant dans ses sentiments perfides, provoqué directement et expressément le rétablissement de la royauté en France, menaçant d’attenter à l’existence des officiers municipaux qui étaient allés requérir son fils pour marcher à la défense de la patrie, disant que son fils n’irait pas, qu’ils étaient des b…… qui ne voulaient pas de roi; que c’était à ceux qui n’en voulaient pas et qui avaient accepté la Constitution i aller soutenir cette Constitution.

    « En conséquence, requiert l’accusateur public qu’il lui soit donné acte de la présente accusation par le tribunal assemblé; qu’il soit ordonné que, par l’huissier porteur de l’ordonnance à intervenir, ledit Fauvaud sera pris au corps et écroué sur les registres de la maison de justice ; qu’il sera permis à l’accusateur public de faire entendre tels témoins qu’il pourra découvrir à l’appui de l’accusation, et notamment les officiers municipaux rédacteurs du procès-verbal dudit jour 1er octobre, attendu que la signature de ces officiers n’est pas légalement certifiée, et ce le jour qu’il sera indiqué par le jugement; qu’il soit ordonné en outre que la présente accusation sera notifiée tant à l’accusé qu’à la municipalité d’Angoulême.

    « Fait à Angoulême, le 20 brumaire, l’an deuxième de la République française, une et indivisible.

    « Signé : Mallet. »

    Au bas duquel jugement est l’ordonnance du tribunal qui donne acte à l’accusateur public dudit acte d’accusation, ordonne que l’accusé sera écroué, et indique l’audience de ce jour pour être définitivement fait droit sur ladite accusation :

    « Le tribunal, après avoir ouï l’accusateur public, considérant : 1° qu’il résulte de la déposition d’un des témoins que, dans une circonstance où la municipalité de Mazerolle rassemblait les citoyens et les exhortait à la défense de la République, l’accusé dit que si tout le monde pensait comme lui, elle n’aurait pas lieu, et que dans une occasion antérieure il avait dit au même témoin que celui-ci ferait bien de donner sa démission d’officier municipal, qu’il ne ferait pas bon à la municipalité;

    « 2° Qu’il résulte de la déposition d’un autre témoin que le matin du jour où la commune se rassembla au canton, à Montembeuf, pour y accepter la Constitution républicaine, l’accusé dit dans un cabaret qu’il se rendait à l’assemblée pour y nommer un roi;

    « 3° Qu’il est prouvé par la déposition orale et uniforme de deux témoins que le même jour, revenant de Montembœuf, l’accusé dit aux témoins qu’il n’avait point accepté la Constitution, parce qu’il ne la voulait pas, et qu’eux se repentiraient de l’acceptation qu’ils avaient faite;

    « 4° Qu’il est constant par la déposition orale et uniforme de trois témoins qui réclamaient, comme officiers municipaux, le départ du fils de l’accusé dans le cas de la première réquisition, le 1er octobre dernier (vieux style), que ledit Fauvaud a dit que ceux qui avaient accepté la Constitution devaient aller la défendre, que son fils n’irait pas, qu’il faudrait plutôt le tuer, et que si l’on eût voulu nommer un roi, les choses seraient finies; qu’il a même fait des menaces auxdits officiers municipaux de leur abattre les bras;

    « Le tribunal, par jugement en dernier ressort et sans recours au tribunal de cassation, conformément à l’article 3 de la loi du 19 mars dernier, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu : « Le fait demeurera constant soit par un procès-verbal revêtu de deux signatures, soit par un procès-verbal revêtu d’une seule signature confirmée par la déposition d’un témoin, soit par la déposition orale et uniforme de deux témoins, » déclare ledit Fauvaud, dit Bertrand, convaincu d’avoir proposé et provoqué le rétablissement de la royauté;

    « En conséquence, le condamne à la peine de mort, conformément à la loi du 4 décembre dernier et aux articles fer et 3 de la loi du 9 avril dernier, desquels il a été fait lecture et sont ainsi conçus :

    « Art. 1er de la loi du 9 avril. La Convention nationale met au nombre des tentatives contre-révolutionnaires la provocation au rétablissement de la royauté. »

    « Art. 3. Les tribunaux criminels de tous les départements de la République sont également chargés de poursuivre et faire juger les mêmes délits dans les mêmes formes et d’après la même loi et celles précédentes auxquelles il n’est pas dérogé. »

    « Déclare les biens dudit Fauvaud confisqués au profit de la République, conformément à l’article 7 de la loi dudit jour 19 mars dernier, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu :

    « Art. 7. La peine de mort prononcée dans les « cas déterminés par la loi emportera la confiscation des biens. Il sera pourvu sur les biens confisqués à la subsistance des père, mère, femme et enfants qui n’auraient pas d’ailleurs des biens suffisants pour leur nourriture et entretien. »

    « Ordonne que ledit Fauvaud sera dans les vingt-quatre heures livré à l’exécuteur des jugements criminels.

    « Et sera le présent jugement imprimé, publié et affiché dans l’étendue de ce département.

    « Fait et prononcé à Angoulème, le 24 brumaire, l’an second de la République française, une et indivisible, en l’audience du tribunal criminel du département de la Charente, où siégeaient les citoyens Léridon, président; Mourou, Gautier et Mallet, juges, qui ont signé la minute dudit jugement.

    « Signé : Léridon, président.
    « Mourou, Gautier, Mallet, juges.

    Pour expédition :

    « Signé: Léridon, président; Thibaud, greffier. »

    A Angoulême, chez les citoyens P. Broquisse et L. Marvaud, imprimeurs du département, rue Saint-François. — 1793.

    Cette affaire porte avec elle sa réprobation. Il est impossible de ne pas improuver une telle condamnation, même avec les lois exorbitantes de l’époque. Fauvaud a peut-être bien tenu des propos favorables à la royauté, mais il n’a fait aucune action tendant au rétablissement de la royauté.

    Extrait du registre du greffer du tribunal criminel du département de la Charente

    « Appert que par l’interrogatoire subi devant ledit Tribunal par Jean Fauvaud, tonnelier, accusé d’avoir tenu des propos tendant au rétablissement de la royauté, et condamné à mort par jugement du 24 brumaire, il a répondu aux interpellations qui lui ont été faites sur ses moyens d’existence et la consistance de ses biens, qu’il était tonnelier de profession et qu’il n’avait d’autre faculté pour faire subsister sa famille, et qu’il était même à loyer de maison de Pierre Baud, de la commune de Mazerolle, district de la Rochefoucauld. »

    Pour expédition : Thibaud, greffier. (Archives de l’Empire.)

    Source : Les victimes de La Terreur du départment de la Charente, de Claude Gigon.