Généalogie Charente-Périgord (GCP)

Sélection d'articles sur le thème de l'Histoire et du Patrimoine.

  • Paris, le 2 prairial, l’an 6e de la République françoise, une et indivisible.

    Citoyens administrateurs,

    Je m’empare, ainsi que je l’avois promis, du premier instant disponible pour vous annoncer que je suis à mon poste. Hier, j’ai eu l’honneur de siéger au Conseil avec les députés de l’an 6, et nous avons prêté ce serment qui sera toujours fatal et aux vils partisans des rois et aux sectaires immoraux de l’anarchie. L’organisation de notre bureau et de celui des Anciens est selon moi d’un heureux présage : il paroit qu’on fait ici quelque cas de ces exconventionnels tant déchirés, tant calomniés depuis trois ans. Le Directoire s’avise même de donner des fonctions très importantes à ceux qui ne sont pas réélus au Corps législatif; et de tout cela, mes amis, vous en conclurez ce qu’il appartiendra. Bellegarde qui s’avise aussi d’avoir quelque confiance en ces mêmes conventionnels, va beaucoup mieux, et avec du ménagement sa santé sera bientôt rétablie.

    On attend l’ex conventionnel Threillard qu’on s’est encore avisé de porter au Directoriat et l’ex conventionnel Syeis est aussi envoyé à Berlin, de manière que cette race au lieu de s’éteindre semble pulluler plus que jamais. Elle a dans les deux Conseils des ramifications très étendues. Comment voulez vous donc que les incroyables et les exclusifs puissent parvenir à leur but ? Non, ils n’y parviendront pas, j’en jure par le génie de la liberté. La Constitution de l’an 3 résistera à toutes les attaques. Je n’ai point encore assez examiné la phisionomie du nouveau Corps législatif pour en porter un jugement solide, mais les amis de la République ont beaucoup d’espoir.

    La loi relative aux élections vous donne quelque idée des principes qui ont dirigé les Conseils et le gouvernement, et qui vraisemblablement seront à l’ordre du jour pendant cette session; au surplus, vous en verrez les développemens et l’applications. Il est temps que les factions disparoissent et que le peuple françois ne soit plus dupe et victime de ses adulateurs royaux, ou démaguogues. La Constitution de l’an 3, voilà l’unique but et l’unique objet des désirs républicains.

    Continuez, administrateurs patriotes, à faire aimer la République par une administration sage; et de l’énergie et de la prudence, justice égale pour tous, et vous trouverez dans la tranquillité commune et le bonheur de vos administrés la seule récompense qu’il vous soit permis de désirer et glorieux d’obtenir.

    Salut et fraternité.

    Crévelier.

    Mon adresse : Au représentant du peuple Crévelier, député par le département de la Charante au Conseil des Cinq Cents, Rue Honnoré, n° 52.

    Source : Revue des bibliophiles.

  • Cette famille de marchands et de praticiens était installée dans la paroisse de Vouzan, diocèse d’Angoulême, jusqu’en 1789.

    Filiation suivie :

    I) François Durand, marchand de la paroisse de Vouzan. Il épousa Martiale Texier, aussi de la paroisse de Vouzan. La femme du seigneur de Vouzan fut marraine de leur enfant en 1635. Il fit son testament en 1660. De cette union naquit au moins :

    1) Léonard Durand, qui suit.
    2) Madeleine Durand, qui épousa Hubert Benoist, marchand à la suite du seigneur de Vouzan.
    3) Jeanne Durand, qui épousa Étienne Guitard, de la paroisse de Dignac.

    II) Léonard Durand, baptisé le 10 février 1623, dans l’église de Vouzan. Il fut marchand et notaire au village des Pendants (ou du Pendant). Il épousa Jacquette Mesnadeau, de la paroisse de Pranzac, remariée à Jacques Viroulaud, notaire. Il dota ses sœurs. De cette union naquit au moins :

    III) Antoine Durand, baptisé le 26 octobre 1659, dans l’église de Vouzan. Il fut marchand. Il épousa Marie Faure, de la paroisse de Bouëx, fille de Raymond Faure, notaire, et Sicaire Dalesme. Il fut qualifié de procureur de la seigneurie de Vouzan en 1706. De cette union naquit au moins :

    III) Léonard Durand, baptisé le 7 mars 1689, dans l’église de Vouzan. Il fut notaire au village des Pendants comme son aïeul. Il épousa Marie Texier, de la paroisse de Magnac-sur-Touvre, fille de François Texier, huissier, et Marguerite Noyon. Il fit son testament en 1720. Elle se remaria le 17 août 1723, avec Pierre Audouin, de la ville d’Angoulême. De cette union naquit au moins :

    1) Jacques Durand, qui suit.
    2) Marie Durand, qui épousa de François Rivaud, huissier de police.
    3) Autre Marie Durand, qui épousa François Perland, marchand.
    4) Françoise Durand, épouse de Pierre Blanchier, chirurgien.
    5) Autre Françoise Durand, épouse de Jean Garive, de la paroisse de Saint-Yrieix.

    IV) Jacques Durand, baptisé le 27 octobre 1715, dans l’église de Vouzan. . Il épousa (1) Elisabeth Devoisin, de la paroisse de Vouzan, fille de Jean Devoisin, bourgeois, et Françoise Gabillaud. (2) Marie Penot, de la paroisse de Chazelles, fille de Guillaume Penot, bourgeois, et Marie de La Quintinie. Il fut qualifié de procureur de la baronnie de Marthon. Il fut témoin en 1763 du mariage de Charles de Fornel, seigneur de Mainzac, avec Marie Hastelet. Il fut aussi tuteur de François Jamain, juge sénéchal de la baronnie de Marthon. Il quitta la paroisse de Vouzan pour s’installer dans la paroisse voisine de Chazelles. Il fut inhumé le 26 avril 1784, dans l’église de Chazelles.

    De la première union naquirent :

    1) Jean Durand (1735-1822), archiprêtre de Grassac.
    2) Marie Durand (1738-1759), célibataire.
    3) Autre Marie Durand (1745-1766), célibataire.

    De la seconde union naquirent :

    1) Étienne Durand (1769-1835), propriétaire et maire de la commune de Vouzan de 1800 à 1801, qui épousa Marie-Rose de Chambes (1766-1847), de la ville d’Angoulême, fille de Jacques de Chambes, et Marguerite André.
    2) Jean Durand, qui suit.

    V) Jean Durand, baptisé le 22 février 1768, dans l’église de Vouzan. Il épousa Marie Poitevin, de la ville de La Rochefoucauld, fille de Pierre Poitevin, notaire, et Marie Vidaud. Il fut propriétaire et agent municipal de Chazelles de 1795 à 1796. Il décéda le 13 avril 1832, dans la ville de La Rochefoucauld. De cette union naquirent :

    1) Marie-Magdelaine Durand, née le 20 juillet 1791, qui épousa Pierre Lagarde, propriétaire à La Rochefoucauld (Charente).
    2) Marie-Minette Durand, née le 1er août 1800, qui épousa Jacques Guimbelot, propriétaire et maire de la commune d’Eymouthiers (Charente).

    Documents annexes :

    Le sr du Coudour contre le sr des Pendants. Les 28 et 29 septembre 1768, procès-verbal des obstacles apportés a la jouissance du privilège possédé par Simon Héraud, sieur du Coudour, bourgeois, demeurant en la maison du Coudour, paroisse de Vouzan, de faire « tirer des mines ». Il dit « qu’il a présenté requête à M. le juge de la juridiction royalle de la marque des ferts d’Angoumois et du Haut-Poitou expositive entr’autres choses qu’il auroit été chargé par le sieur Beinaud, qui fait fabriquer des canons à la forge de Ruelle pour le service de Sa Majesté, de faire tirer des mines pendant 2 années à raison de 120 livres pour chacune fondue dans les domaines dud. sieur Héraud et dans ceux de son voisinage, relativement au double passé à ce sujet le 20 mars de la présente année duement en forme, par lequel led. sieur Héraud est autorisé à jouir aiinsy que led. sieur Beinaud du privilège qui lui est accordé par les traités qu’il a passés pour raison des fournitures qui y sont énoncées ; qu’en conséquence, il avoit fait ouvrir la terre tant dans ses domaines particuliers que dans d’autres dépendants des villages de La Rochette et de Jard, en la paroisse de Vouzan, qui avoisinent les siens, qu’il y a établi plusieurs atelliers auxquels des ouvriers travaillent depuis plus de 3 mois, au veu et seu des propriétaires des fonds qui, non seullement né peuvent l’empêcher, mais qui ont été préalablement avertis et prévenus, qu’ils y ont consenti expressément et formellement ; qu’au préjudice du tout, le sieur Durand, du village des Pendants, même paroisse de Vouzan, sans aucun droit et de sa propre autorité, s’est ingéré depuis quelques jours de troubler les ouvriers employés par led. sieur Héraud en leur déffendant avec menaces de continuer, et en employant au même travail d’autres ouvriers qu’il avoit lui-même conduit sur les endroits auxquels il avoit fait placer des atelliers auprès de ceux dud. sieur Héraud ». Durand répond que Héraud a fait creuser des trous dans des terres sur lesquels il a droit de rente, sans le consentement des propriétaires, et sans le sien qui est nécessaire en ce que les trous de mines diminuent la valeur de ces terrés et, par suite, la facilité pour les tenanciers de payer leurs rentes ; il a, il est vrai, creusé plusieurs trous lui-même, mais dans des terrains qui lui appartiennent, et il se réserve d’en vendre la mine à qui bon lui semblera. Le procès-verbal constate l’existence de nombreux trous avec ateliers en bois de chêne et tous garnis de cordes : l’un d’eux a 3 pieds de largeur, 7 pieds 2 pouces de profondeur : il a été pratiqué « au rez ou sol de sa profondeur une ouverture en forme de cave, ce que l’on nomme communément chambrer, cette ouverture a 4 pieds d’hauteur sur 9 de circonférence en largeur et longueur ». (AD 16 ; E 2073)

    Cahier de l’assemblée des pauvres habitants de Vouzan, paroisse éloignée de trois lieues de la ville d’Angoulême. Le 8 mars 1789, châtellenie de Marthon. Le tiers état de la paroisse et communauté de Vouzan remontre très humblement à sa majesté et à son conseil que Jacques Durand notaire et procureur de la baronnie de Marthon habitant de la paroisse de Vouzan eut ladresse de faire mettre en mémoire la cotte 177 du role pour héritages estimés 100 # de revenu art 146 sous le nom de son fils archipretre de grassac pour le faire rejetter sur la communauté quoi que cet archipretre n’en ait jamais joui et l’objet est aujourd’hui à louis durand bellecour qui l’afferme avec le surplus de ses domaines il convient que la cotte soit formée pour le tout et que l’on fasse droit à la paroisse de ce quelle à supporte à cet égard mal à propos. (AD 16 ; 142 B 23)

    Le vingt six avril 1784 a été enterré jacques durand sr des pendants procureur fiscal de la ville et baronnie de marthon juge senechal de chazelles pont roi la tour du luc décédé le jour précédent dans le bourg, agé d’environ soixante dix ans après avoir reçu les sacremens l’enterrement fait en présence des srs tourette curé de pranzac bourrinet curé de st paul, larue et de plusieurs autres pretres et laiques, rolland curé de chazelles. (AD 16 ; 3 E 98/2)

    Du vingt sept décembre de l’an mil huit cent vingt deux a dix heures du matin pardevant nous soussignés charles decescaud vigneras maire de la commune de charras faisant les fonctions d’officier de l’état civil sont comparus monsieur françois pautier propriétaire agé de soixante neuf ans demeurant au pandant commune de vouzand et léonard desnoyer domestique agé de trente huit ans demeurant au chef lieu de la commune de charras, lesquels ont déclaré que monsieur jean durand agé de quatre vingt sept ans cidevant curé de sigogne fils de jacque durand nottaire et d’elizabeth duvoisin, est décédé aujourd’hui a huit heures du matin au chef-lieu de la commune de charras, au domicille de monsieur etienne delage de la declaration avons dressé acte monsieur pautier a signé et léonard desnoyer a déclaré ne savoir signer et lecture faite aprouvée. (AD 16 ; 3 E 88/6)

    Histoire de Vouzan avant 1789 :

    Au XIe siècle, Vouzan appartenait à Hugues de Marthon et était le siège d’un archiprêtré, transféré plus tard à Grassac. La terre et fief de Vouzan était mouvante de la baronnie de Marthon et relevait aussi en partie de l’évéché d’Angoulême. Dans la première moitié du XIVe siècle, un certain Pierre de Vouzan était religieux au prieuré claustral de Saint-Cybard d’Angoulême. À la même époque sans que l’on sache comment, le château de Vouzan devint la propriété de la famille de Livenne (ou Livène), déjà seigneurs de la terre voisine de Bouëx, ainsi que de Verdille et plusieurs autres terres. En 1562, Vouzan était aux mains d’un seigneur protestant, Étienne de Livenne, héritier de ses prédécesseurs du même nom, et fut pillé par les hommes du seigneur catholique de Marthon, Hubert de La Rochefoucauld, au cours d’un violent épisode des guerres de religion. En 1611, Charles Raoul, receveur des aides en l’élection d’Angoulême, fit l’acquisition de la seigneurie pour 36,000 livres auprès des héritiers endettés de la famille de Livenne. Son fils, Samuel Raoul, compléta l’importante acquistion de son père en y ajoutant le fief de la Bergerie provenant d’une autre branche de la famille de Livenne. Ensuite le 4 juillet 1655, Jacques d’Abzac, chevalier, seigneur de Pressac, épousa dans l’église Saint-Jean d’Angoulême Marie Raoul de Vouzan et de la Bergerie, qui lui apporta ces terres en héritage. Leur fils Antoine d’Abzac, seigneur de Vouzan, fut inhumé dans l’église de Vouzan, le 29 mai 1707. Au XVIIe siècle, Vouzan possédait une justice moyenne et basse avec un juge, un procureur et un greffier. Pour la haute justice, la paroisse dépendait de Marthon. Enfin, la terre de Vouzan fut de nouveau cédée, cette fois à Noël Arnaud, maître des requêtes, célèbre pour son instruction de l’affaire Cartouche. Ses descendants conservèrent Vouzan jusqu’à la Révolution. Le dernier seigneur de cette famille fut Jean-Noël Arnaud, chevalier, seigneur de Chesne, lieutenant des maréchaux de France.

    Registres paroissiaux.

    Façade nord.

    Source : Généalogie Charente Périgord.

  • Parmi les épisodes de jacquerie périgourdine contre la féodalité, un des plus intéressants est l’échauffourée de Saint-Martin-de-Viveyrol, canton de Verteillac, arrondissement de Ribeirac, que Bussière a pu conter d’après les pièces de l’instruction judiciaire.

    Le marquis de Cherval, sénéchal d’Angoumois, était seigneur foncier de cette paroisse. Absent, il avait laissé seule, au château du Bourdet, la marquise, qui était femme de tête. En octobre 1790, elle, fit afficher, par les soins du maire, l’ouverture de la recette de ses rentes (cens ou champart). Le maire lui dit qu’on ne paierait que si elle produisait ses titres. Les vendredi et samedi 22 et 23 octobre, elle causa avec les tenanciers, les calma, accorda des remises et des quittances pro Deo, crut que c’était fini.

    Mais, du samedi au dimanche, l’état des esprits changea.

    Le dimanche 24, quand Mme de Cherval se rendit à Saint-Martial, accompagnée de deux dames du château et d’un jeune homme dévoué, M. de Badillac, elle trouva les paysans en nombre sur la place (les vêpres venaient de s’achever). Le maire lui dit : « Madame, vous m’avez dit de parler à la paroisse. La voilà assemblée. Nous pouvons lui expliquer vos raisons et vos intentions. » La marquise préféra s’expliquer elle-même. Habilement elle commença par offrir une victime expiatoire : « Mes amis, dit-elle, vous vous plaignez, dit-on, d’un nommé Bernard, qui a fait la recette des rentes dues au château de Saint-Martial. Je ne le connais pas. S’il a fait des concussions avant la jouissance de mon mari, les bienfaits et la justice de M. de Cherval auraient dû en effacer le souvenir. Bernard a pu vous tromper sur les mesures; mais je ne crois pas qu’il ait pu augmenter le devoir, puisque j’ai porté des lièves très anciennes, que j’ai laissées entre les mains de tous ceux qui l’ont désiré, que le maire les a feuilletées hier et qu’elles sont parfaitement d’accord avec les livres de quittances de ceux qui ont payé. » Les paysans s’écrièrent : « Nous voulons voir les titres primitifs ! — Eh ! mes enfants, reprit la dame, ni vous ni moi ne savons les lire. S’il faut les produire en justice, c’est une affaire fort chère. Je vous propose un moyen plus avantageux. Ne payez que ce que vous savez bien devoir en votre âme et conscience. Laissez tout le reste en arrérages. Marquons un jour pour cela. Je prendrai des notes sur les tenances et les noms de ceux qui auront des inquiétudes, et, lorsque M. de Cherval sera de retour, il trouvera des litres relatifs aux renseignements que vous m’avez demandés et les fera déchiffrer. Alors, vous serez satisfaits, vous de vous acquitter de ce que vous nie devez, et moi de vous restituer si j’ai trop reçu. — Nous vous enverrons un latiniste, cria-t-on. — Non, je n’ouvrirai pas mes archives en l’absence de mon mari. C’est sa fortune; c’est celle de mes enfants; je dois la leur conserver, et je ne les confierai à personne sans son aveu. — Eh bien ! nous attendrons son retour pour payer. — Vous en êtes les maîtres. Mais vous vous y refusâtes l’année dernière, lorsque M. de Cherval était présent. Celle-ci, encore, voilà deux ans : vous serez accablés d’arrérages. D’ailleurs, considérez que, malgré les sacrifices que j’ai pu faire, je suis dans l’impossibilité absolue de payer mes impositions. Vous ferez comme vous voudrez. »

    Mais les censitaires ne se laissèrent pas convaincre : pas de titres, pas de rentes, disaient-ils. Le matin môme, ils avaient « mis en prison et imposé d’un louis d’amende l’un d’entre eux qui avait payé deux années de sa rente sur trois. » Un nommé Sénillon, dit Brisetout, somma la marquise de dire le blé qu’elle avait déjà reçu; il s’avança jurant et gesticulant. M. de Badillac fit le geste de l’écarter : « Aussitôt, les bâtons se levèrent. » Badillac fut frappé et prit la fuite. Les dames se réfugièrent dans une maison voisine, qui fut aussitôt cernée. Les paysans et surtout les paysannes criaient : A mort ! Le curé intervint : « Il fit consentir la châtelaine à remettre la rente qu’elle avait reçue; et, s’avançant vers le peuple, avec le maire à ses côtés, il lui fit part de la promesse. Tout n’était pas fini cependant. Pas plus qu’elle n’avait voulu livrer ses titres, la marquise n’entendait livrer son château à la populace. Conformément à ces vues, le curé, en bon stratégiste, se chargea de faire immédiatement la restitution, au presbytère, mais avec son propre froment. A ce dessein, il se mit en route avec le maire et quelques grenadiers. La foule ne suivit pas; elle voulait entrer au château. Les hommes du château et la châtelaine eurent beau dire qu’ils n’avaient pas les clés; la foule voulait, non le blé du curé, mais celui du seigneur, c’est-à-dire son blé, à elle. C’est alors que dans le cimetière, au bord de la place, deux habitants de la paroisse de La Chapelle-Grézignac, tous deux fils d’un tenancier de la seigneurie, amenèrent une potence : un homme du bourg fit le trou, et l’instrument fut hissé en un instant. Le maire, que la marquise accusa pourtant « de n’avoir pas fait son devoir », accourut aussitôt. « Pourquoi cette potence ? » demanda-t-il. — Sans doute, répondit un paysan, pour y attacher le premier qui payera les rentes. » Les potences n’avaient en pareil cas que ce sens comminatoire; elles ne visaient que les vilains. Mais, en même temps, l’on criait : « Il faut brûler le château. — Et la dame avec ! » — clamaient quelques enragés. Enfin, l’on retrouva les clés; douze hommes montèrent au grenier, en bon ordre; quinze furent postés dans l’escalier pour faire la garde; le grain dernièrement perçu fut enlevé dans ses sacs. La justice populaire était satisfaite. Sur l’ordre du maire, le gibet fut abattu sans résistance. La justice se termina au cabaret, où le sentiment qui se manifesta entre tous fut l’orgueil de la victoire. A un bourgeois de l’endroit, qui le blâmait, l’un des meneurs, bon propriétaire, répliqua sans crainte et sans remords : « Nous avons bien de quoi répondre de 17 boisseaux de blé ! »

    L’avocat du Roi au sénéchal de Périgueux requit des poursuites contre quatorze des factieux et obtint décret de prise de corps contre huit d’entre eux.

    Ces paysans ne voulaient plus payer les droits du seigneur. Mais les privilèges honorifiques des seigneurs les irritaient autant que leurs droits utiles.

    Source : La Révolution française et le régime féodal, d’Alphonse Aulard.

  • I) Les premiers temps :

    Jauldes est le septième canton du district de La Rochefoucauld (Charente). Ce canton a existé de 1790 au Consulat (le 18 brumaire). Il comprenait neuf communes : Agris, Anais, Aussac, Brie, Coulgens, Nanclars, La Rochette, Tourriers et Jauldes.

    Le 14 juillet 1789 reste une date clef. Pour la première fois, le peuple est apparu plus fort que les Rois. Dès la fin de 1788, l’effervescence avait grandi à Paris, Le 14 juillet au matin, la foule, désireuse d’avoir des armes, alla en chercher à l’hôtel des Invalides, puis à la forteresse de La Bastille. Suite à ces faits, les premiers départs pour l’immigration vont s’effectuer. Le 1er août 1789, toutes les frontières furent fermées ou surveillées de très près. Les passeports ne s’obtinrent qu’au marché noir, Le prix monta jusqu’à dix mille livres (plus de 300 francs).

    Dans notre canton, dès le mois de mai, des pillages de grain sont signalés. Au mois de juillet 1789, commencent des aftentats personnels. La situation va bientôt être aggravée par la carence des pouvoirs publics. Les nobles et les prêtres attaqués, ne pouvant plus espérer les secours de la Maréchaussée, se verront livrés sans défense à la populace en furie. Le départ de ces jeunes nobles, ou supposés nobles, n’allait point sans déchirement. Ils laissaient leurs terres, leurs maisons, leurs familles pour prendre le chemin de l’exil. Un parcours semé d’embûches.

    Les victimes

    1) Quelques personnes exilées

    Marc Pierre René Bareau, Marquis de Girac et Seigneur de Fayolle, émigra en 1791 avec une partie de sa famille. Il se rendit au cantonnement de Cardou, le 21 mai 1792. Il rentra dans la compagnie des officiers du Régiment de Normandie comme aide de camp. Il fait les campagnes de Hollande de 1794 à 1795. Il rejoint l’Angleterre où il séjourne jusqu’en 1799. Rayé de la liste des émigrés par arrêté des consuls, le 15 avril 1802, il rentre alors en France. Néammoins, ses biens, dont le château de Fayolle, sont vendus au profit de la République. Le château contenait le nombre de 272 journeaux et 190 carreaux. A la menne du pied de Guienne, divisé en dix-huit lots estimés à la somme principale de 49.250 livres par le citoyen Lesenne, géomètre du district Révolutionnaire de La Rochefoucauld, demeurant au village de Magnac en paroisse Jauldes. Le quartidé de la troisième décade de Nivose de la deuxième année républicaine. (Archives Départementales de la Charente. Série Cartes et Plans n° 8.)

    Jean-François Crozan, chevalier alias François, fils de Maximilien Crozan, Seigneur de Rivière et de Marguerite Normand de La Tranchade, Il n’a que dix-huit ans quand il émigre, en 1791. Il se retrouve dans l’armée le 20 octobre, au cantonnement d’Andérrarde. Il enfre dans une compagnie d’infanterie (pas la 7e), commandée par des officiers de divers régiments. Le tout commandé par le Comte de Ronault, il part pour Coblenz, le 5 décemre 1791. A Munster-Mayenfeld, il rejoint les gentilshommes d’Angoumois, de Saintonge et d’Aunis. En janvier 1792, nommé officier, il rentre dans le Régiment de Normandie, où il fait la campagne dans l’armée des princes.

    2) Quelques personmes executées:

    Logis du Bois de Jauldes

    Anne de Crozant, née en 1715, mariée à Jean de Labrosse. Veuve de celui-ci, décédé en 1744, elle fut arrêtée pour « conspiration avec l’ennemi » et « correspondance clandestine avec des prêtres exilés. » Dénoncée au District révolutionnaire de La Rochefoucauld par un de ses domestiques, qui avait découvert une correspondance avec son fils émigré. On la conduisit dans les sous-sols du château de La Rochefoucauld qui servaient de prison et de « salle d’attente » avant de partir à Paris pour être guillotinée. Déjà âgée, elle ne put résister aux mauvais traitements (froid, humidité, faim) et y décéda.

    Sa belle-soeur, Anne Marguerite Normand de La Tranchade, veuve de Pierre François de Crozant avant la Révolution. Elle eut deux fils : l’aîné, Jean François de Crozant, émigré dès le début de la Révolution. Tls furent saisis en tant que propriétaires ainsi que son frère du logis et dépendance du Bois de Jauldes. Elle fut arrêtée et conduite au château, elle aussi. Le dossier de Mme Marguerite Normand de La Tranchade, conservé aux archives nationales, permet de suivre la longue marche vers l’échafaud, où seuleument dans les différents arrêts on pouvait se reposer un peu dans un très court sommeil. Pour repartir au relais suivant.

    Le parcours était immuable : La Rochefoucauld-St. Junien, Limoges-Argenton sur Creuse, Vierzon-Etampes, et… l’échafaud. Le voyage durait deux semaines, où l’on avait le temps de méditer sur son propre sort ou ceux des passagers du même charroi. Mme. De La Tranchade fut décapitée le 16 juillet 1794.

    Les pillages

    Le 28 juillet 1789, dans le Canton de Jauldes, des bruits circulent sur la venue de briqands, d’un nombre considérable. Ils se dirigeraient vers les villes d’Angoulême et de La Rochefoucauld. Le commandant provisoire de la milice de Jauldes ne possède pas d’armes lourdes (canons). Il partit donc avec ses hommes et parcourut les forêts circonvoisines. Puis les bois situés au Nord-Ouest de notre commune, en quête de débusquer ces fameux brigands. Au retour de notre brave milice, sur le rapport qu’elle fit, le calme fut rétabli dans l’esprit de tous les habitants du Bourg et des hameaux voisins. Ce n’était qu’un bruit sans fondement.

    Organisation militaire

    Le 1er mars 1790, un futur général de la Révolution est nommé par le district révolutionnaire de La Rochefoucauld commandant de la garde de Jauldes. Il s’agit de Pierre Fureau, dit Villemalet, citoyen de La Rochette. Il quitte l’armée du Roi Louis XVI en 1789 après avoir été seulement nommé caporal suite à neuf ans de service (!). Ne pouvant pas prétendre à une retraite, à défaut de ne pas avoir plusieurs titres de noblesse, il s’engage dans les premiers volontaires de la Révolution. L’année suivante, le 17 octobre 1791, il est nommé capitaine de la troisième compagnie du 1er bataillon de volontaires de la Charente. Dans ce dernier bataillon, figurent les noms des quarante volontaires de la garde nationale de la ville de La Rochefoucauld, les noms des 188 volontaires, originaires des soixante-quinze communes du district révolutionnaire.

    Regroupés à Angoulême le 17 octobre 1791, ils quittent le département le 5 décembre. Ils suivent à pied l’itinéraire suivant, par étapes : Angoulême-Chabanais, St. Junien-Limoges, Ste. Maure-Tours, Amboise-Blois, Beaugency-Orléans, puis Dormans en Champagne. Ils arrivent en avril 1792 à Maubeuge où ils restent jusqu’en mai. De juin à août, ils tiennent garnison à Valenciennes, où ils sont adjoints au 29ème Régiment d’Infanterie, dans l’ordre de la Bataille de Dumouriez. Les deux citoyens Jean Chauvaud et Louis Petit de la commune de Jauldes, en firent parti.

    III) La Révolution chez les habitants de Jauldes :

    Vu le peu d’engagés volontaires, le District de La Rochefoucauld sous les ordres de l’Assemblée, durcit sa position en matière de recruterments. Le 2 mai 1793 face à la coalition des puissances étrangères et des Ennemis de la République, aux pertes supportées par la France, le Comité de salut public du District ordonne une levée d’hommes. Le Commandant Lechelle fut appelé par un arrêté départemental du 27 mai 1793 pour former un régiment de cavalerie à raison de neuf hommes pour Jauldes.

    Les vivres commencèrent à manquer aux soldats. Le 9 juin 1793, sur la commune, il fut enjoint aux habitants de déclarer sous huit jours les farines et grains qu’ils possédaient. La commission passa dans chaque foyer. Il fut défendu expressément de détacher ou de ramasser aucune espèce de fruits tombés sous les arbres ou d’y laisser passer les bestiaux sous peine de quarante-huit heures de prison. Il fut également interdit à compter du 25 août 1793 d’aller acheter des animaux dans les pays contaminés par la maladie, sous peine de cent Francs d’amende.

    Le 12 septembre 1793, ce fut le recensement général des fourrages, avoine, orge, paille et foin, Puis vint la réquisition des armes. En application du décret de la Convention Nationale du 29 septembre 1793, fixant le maximum des prix des denrées et marchandises de première nécessité, la municipalité fixa le maximum des salaires, gages, main-d’œuvre et journée de travail, qui fut consigné sur le registre, et lu par le procureur public devant l’Assemblée :

    1°) Un laboureur à bœuf pour charroyer sans être nourri, ni ses bœufs, avait droit à cinq livres par jour.

    2°) Le même bouvier pour labourer lorsqu’il ne sera pas nourri, ni ses bœufs, aura droit à quatre livres. Lorsqu’il sera nourri lui seul, trois livres.

    3) Menuisier, Charpentier, tonnelier, Charron, Scieur de long, tailleur de pierres non nourris, une livre dix sols. Nourris : quinze sols.

    4°) Maçon, recouvreur, piqueur sans être nourris : une livre quatre sols. Nourris : quinze sols. Tailleur d’habits : dix sols. Tailleuse d’habits : trois sols.

    5°) Laboureur à bras sans être nourri : dix huit sols. Nourri : huit sols. Femme en journée nourrie : huit sols.

    Il n’est pas anodin de préciser que les journées de travail commençaient à cinq heures du matin pour finir à huit heures le soir.

    ***

    Le 10 mai 1794, le citoyen Ravaud de St. Angeau, fut chargé par le Comité des réquisitions de venir prélever chez les habitants de Jauldes possédant des cochons, et d’en prendre 1/8. La majeure partie des cochons étant aux champs, il accepte après bien des tractations de remettre la levée au lendemain. La Cavalerie manquant de chevaux, on établit également une réquisition de ceux-ci.

    Le 29 prairial de la seconde année républicaine, s’est présenté le citoyen Boissier Louis, maître de poste au pond de Churet (Anais), avec un extrait des registres du Directoire de La Rochefoucauld, portant commission du recensement des pailles et des foins, et chargeant la municipalité de Jauldes d’accompagner le dit Boissier dans l’exécution de sa mission. De plus, nul ne devra couper son seigle et son orge sans prévenir la municipalité, s’il ne veut pas être dénoncé au Comité Révolutionnaire et encourir une sanction.

    Le district révolutionnaire supervise les notaires pour toutes les ventes de biens. C’est Pierre de Ray De Labrosse qui va effectuer la vente du Logis du Bois de Jauldes à Michel Roux, le 11 de Nivose de l’An II de la Révolution. Le 21 messidor de l’an II (9 juillet 1794), le citoyen Ravaud et le citoyen Commandant des réquisitions Charles Lechelle furent chargés de visiter les communes du canton de Jauldes pour réquisitionner toutes les vieilles fontes, les poteries de fer hors-d’usage, les plaques de cheminées, et d’autres objets en fer coulé.

    La poudre manquait pour les armes des soldats. On désigna Cambois-Robinière, et Boissier-Descombes, pour recueillir du salpêtre dans les écuries et sur les vieux murs de notre commune. Vers le 16 juillet 1794, le Commandant Lechelle avait pour mission de recueillir les plantes propres à faire du salpêtre. Telles que : fougère, Genévrier, Genêt, Buisson, Bruyère et Yelle.

    III) L’église de Jauldes sous la Révolution :

    La constitution civile du clergé

    Ce jour même du 4 août 1789, un paquet de verges fut accroché à la porte de l’église avec cette inscription : Avis aux dévotes aristocrates, ici, médecine purgative distribuée it gratis. L’église prit le nom de « Temple de la Raison ». Le 27 novembre 1790, l’Assemblée Nationale vote le projet contraignant tous les prêtres fonctionnaires publics à prêter serment de maintenir de tous leurs pouvoirs la Constitution, décrétée par l’Assemblée et acceptée par le Roi. En cas de refus du serment exigé, ils perdaient leur place. Et s’ils continuaient malgré tout d’exercer leurs fonctions, ils seraient poursuivis comme « rebelles ».

    A cette époque, le curé Faverau, dernier archiprêtre, sous la crainte, prêta serment à la Constitution civile. Huit jours après, il se rétracte de tous ces mauvais serments, et préfère l’exil à la honte. Il est déporté en Espagne. Il disait dans sa correspondance clandestine avec les gens de Jauldes : « Le bouillon qu’on nous sert ne vaut pas votre eau de vaissesse ». Son exil prit fin après la Révolution et il put rentrer en France. Notre église a eu malheureusement deux intrus, comme dans la plupart des paroisses de France. Le premier, Etienne Ferrand, resta très peu de temps (jusqu’en mai-juin 1791). Il fit tous les serments demandés par la Révolution et quitta Jauldes pour la paroisse de St. Martial à Angoulême. Il y est établi le 12 Juin 1791.

    Le second fut appelé par le pouvoir civil à l’exclusion du pouvoir religieux. Il se nommait « Sauvage ». Il était vicaire de Cellefoin, quand il prêta le premier serment. Le 18 septembre 1791, il avait refusé la cure de St. Sernin à laquelle on le conviait. La cure de Jauldes étant libre, celle-ci l’influença dans son choix. Il la demande et s’y installe le 1er avril 1792.

    Il exerce le culte à Jauldes jusqu’en 1793. Il exerça encore ses fonctions ecclésiastiques sans rétracter ses erreurs. On le retrouve à Beaulieu en 1800.

    Du 27 novembre au 20 février 1790, tous les paroissiens fortunés ou nobles de Jauldes qui avaient obtenu du conseil de fabrique des bancs à l’intérieur de l’église se les voient retirés dans l’esprit de l’abolition des privilèges. On procéda à l’inventaire de tout ce qui dans l’église était à l’usage du culte. L’argenterie fut enlevée et déposée au Directoire du District. La cloche fut elle-même enlevée pour récupérer le bronze, afin de fondre des canons. Les gens de Jauldes, ne reprendront une des deux cloches de Brie qu’à la fin de la Révolution. La corde de cette cloche ne fut pas épargnée. Elle fut remise à Louis Meslier, maître des gabarres au port de l’Houmeau. Tous les biens du clergé passent à la disposition de la nation. La condamnation par le pape de cette loi au printemps 1791, interdisant formellement de prêter serment entraîna la scission entre l’église et l’Etat.

    Entre les fêtes qui vont avoir lieu pendant la Révolution, une grande partie passera par le « Temple de la Raison » : Fête de la jeunesse, des époux, de la vieillesse, même la plus suivie, celle de l’Agriculture. Le rituel de ces cérémonies étaient toujours le même. Le Commissaire, représentant le Directoire, donnait lecture des lois. Tous les gens présents, même l’intrus, y re-prêtent serment civique. L’intrus officiera peu avec une grande modération, sous une certaine surveillance, ne fut-ce que pour être toujours là.

    Votée le 10 juin 1794, la loi de « La Terreur », supprime l’interrogatoire de l’accusé avant l’audience publique. Elle laissait l’audition des témoins à la discrétion du tribunal, et refusait à l’accusé l’aide d’un défenseur. En outre, une seule peine était prévue : la mort. Les têtes tombaient alors comme des ardoises. Du 10 juin au 27 juillet 1794, on compte plus de 1.380 personnes guillotinées.

    IV) La mairie sous la Révolution :

    Depuis la Révolution, le rôle de la Mairie est de tenir l’Etat Civil de la Commune. Les premiers signataires du registre déposé par le Directoire ne sont pas des maires mais plutôt des secrétaires mandatés pour le faire. En 1791, il n’y avait pas de local spécial pour la mairie, qui était dans la maison du maire. Il n’y eut qu’une pièce affectée comme mairie, prise au presbytère, qui était vide de son occupant. Je pense au curé Faverau exilé en Espagne. Cette pièce fut nommée chambre commune. En 1792, un citoyen approuvé par le district révolutionnaire, Mr. Barthélémy Couroy, habitant et membre du Conseil Général de Jauldes fut élu par délibération du 20 pluviose. Pour rédiger les actes destinés à constater : les naissances, les mariages, et les décès des citoyens.

    Le 1er janvier 1793, par accord de Louis Desaunière, représentant le District, le citoyen Clément Sauvage va remplacer Mr. Couroy dans ses fonctions administratives. Après, l’arrêté du 23 avril 1798, rendant obligatoire l’observance du décadi, donne lieu à diverses arrestations et emprisonnements dans les sous-sols du château de La Rochefoucauld. Il fut rapporté qu’une femme non-citée à l’époque, habitant La Motte de Jauldes, fut arrêtée pour avoir travaillé ce jour-là. On ne l’a jamais revue. Un maçon de Jauldes, lui, eut un peu plus de chance (en la forçant), Jean Lurat, se présente à la Chambre Commune un jour de décadi en vêtements de travail. On lui fit remarquer qu’il ne célébrait point la fête décadaire. Le ton monte. Lurat répond en « blasphémant ». Le Commissaire et les Conseillers requièrent le Capitaine de la Garde, Boisroultes. Avant que ce dernier n’arrive, Lurat prend la porte et s’enfuit. Il restera deux ans dans la clandestinité.

    Source : Pierre Tallon.

  • L’ordonnance de 1669 interdira formellement l’entrée en forêt de tous les animaux sous peine de leur confiscation et vente au marché voisin et forte amende. Les maîtres particuliers seront tenus de visiter leur maîtrise une fois l’an, les gardes-marteau tous les six mois, les gardes et sergents journellement. Les gens d’église seront tenus sous six mois de faire borner et arpenter leurs bois; ils ne pourront les faire couper sans l’autorisation de la maîtrise; tous les pièges sur les rivières, établis sans titre sont supprimés (B 140/24).

    En 1670 la grande garenne est visitée par Nicolas Dorien, maître des requêtes, accompagné de Jean Paulte, maître particulier; parmi les usurpateurs se trouve le marchand papetier hollandais Abraham Jansen; sur le chemin d’Angoulême à Basseau se trouve une espèce de motte plantée de trois arbres «chesniers» tout près d’une ancienne croix; ce lieu-dit porte encore le nom des trois chênes; il se trouvait sur la ligne limitant les fonds de l’évêque de ceux des dames de St Ausone; les bornes de l’évêque portaient un écusson avec une croix au sommet.

    En Braconne comme ailleurs, tous les triages seront bornés; les usurpateurs une fois connus seront punis de 100 à 300 livres d’amende et à la restitution des bois volés; en cas de récidive la punition sera exemplaire.

    Le sieur de Puyvidal pour avoir mis en culture après l’avoir essartée une partie de la forêt est condamné à la restitution du terrain et à le repeupler en bois sous peine de 500 livres par jour !

    Tous ceux, particuliers ou collectivités, qui prétendent avoir des droits d’usage, pacage ou autres, devront sous quinze jours apporter leurs titres à la maîtrise en bonne et due forme; ces titres seront vérifiés par le commissaire enquêteur; peu en avaient.

    Alexandre de Redon, Sr de Pranzac prétend avoir des droits sur la Braconne depuis 1269, droits répétés en 1374 par Edouard prince de Galles (le Prince noir); il exploite la Braconne avec Jean Florenceau marchand de bois; les terres et les bois sont réunis pour toujours et à perpétuité au domaine de sa majesté; le Sr de Pranzac est condamné à 10 000 livres d’amende, il restituera 35 000 livres à lui versés par Florenceau, plus 25.000 livres pour ce qu’il avait vendu au même.

    François de la Tranchade, sieur de Bouëx, et ses fermiers sont condamnés à des amendes et à la restitution des bois usurpés.

    Louis de la Charlonnie, malgré des lettres patentes de Louise de Savoie en 1497 permettant des droits d’usage et d’exploit — lisez exploitation — en Braconne voit ces droits abolis; ils étaient passés au Sr Couillaud, et aux Hauteclaire; ces derniers verseront 4 200 livres à la Charlonnie. Ces droits seront limités par la suite.

    Les dames de St Ausone se prévalent d’un acte de 1270 pour un droit de chauffage en Braconne, en principe illimité, il y sera mis ordre.

    Le Sr de Lunesse prétend avoir des droits de pêche sur la Touvre, plus l’usage de bois mort et mort bois en Braconne pour son chauffage et construction en sa maison, plus encore le droit de pacage pour son bétail; ces soi-disant droits seront fortement réduits.

    Sont également limité les droits d’usage, fourre-tout des usurpations, de divers seigneurs : Arnaud de Chalonne, le Sr de Fissac, le Sr de Maumont, le Sr de Puyrobert.

    Le Sr Nesmond de Brie produit un acte de 1362 du prince de Galles, accordant à sa famille le droit de chauffage et de chasse en Braconne; il réclamait les mêmes droits pour sa maison de la Michenie à Agris; il ne pourra prétendre qu’à un seul chauffage, comme il en avait été décidé en 1523.

    Henry du Vignaud Sr de Fayolle (Jauldes) n’aura le droit d’usage que sur 40 pieds d’arbres et 30 charetées de bois, annuellement.

    Tison de la Marche (Coulgens) n’aura pas d’avantage.

    Roc Frotier-Tison, Sr de la Rochette, produit la copie d’un aveu et dénombrement du 15-10-1476 écrit en latin «rendu à la chambre des comptes d’Angoulême à cause d’un droit d’exploit en Braconne, pour y prendre des bois pour l’entretien de sa maison noble et bâtir et édifier en icelle, pour son chauffage et pour y faire paître et pasturer ses bestiaux au simple devoir d’un dîner, chaque an, aux sergents gardes de la forêt» (B 140/6).

    Tous les riverains de la Braconne et de Bois Blanc ont usurpé; ils sont sanctionnés collectivement; ceux de Brie à 500 livres d’amende, ceux des Rigalloux (un village de Brie) à 50, ceux de Jauldes à 60, ceux de Coulgens à 120, ceux de la Rochette à 200, ceux de Villemalet et de Villebreton (villages de la Rochette) à 125 et 20 livres, ceux d’Agris à 500.

    Tous sont avertis de ne pas recommencer; des officiers de la maîtrise tenant leurs assises à Mornac et à Agris recevront les versements espacés de 6 mois en 6 mois, en 4 règlements égaux (B 140/6).

    (Société archéologique et historique de la Charente, 1994)

  • Jean Callueau, 1er abbé-commendataire de l’abbaye de La Couronne (1515-1522).

    Jean Callueau, ayant obtenu ses bulles de Léon X, se fit mettre en possession de l’abbaye, le 15 août 1515, par un notaire apostolique de Poitiers.

    Nommé bientôt après évêque de Senlis, il prêta serment au roi, en cette qualité, le 16 mars 1516, et fit son entrée solennelle dans son église cathédrale, dédiée à Notre-Dame, le 1er février 1517. Dans le mois de mai, il assista au couronnement de la reine Claude à Saint-Denis. L’année suivante, Michel Bureau, abbé régulier de Saint-Pierre de La Couture, dans la ville du Mans, étant venu à mourir (6 juin 1518), François Ier, ne tenant compte ni de l’article du concordat qui l’obligeait à donner pour chefs aux abbayes des religieux de leur ordre, ni de l’opposition des moines bénédictins qui avaient élu, en place du défunt, Jean Bougler, prieur de Solesmes, préposa Jean Callueau à l’abbaye de La Couture et le fit deux fois commendataire.

    Le Gallia christiana nous apprend que Jean Callueau employa les revenus de la mense de La Couture pour le bien du monastère, qu’il construisit les deux ailes de l’église ainsi que le cancel, et qu’il consolida l’édifice par quatre colonnes placées entre le chœur et l’autel ; abbatialis mensce proventus in utilitatem ipsius monasterii impendit, exstruxit ulramque alam ecclesiæ necnon cancellos, fulsitque œdificium quatuor columnis chorum inter et altare positis.

    Nous aimons à croire que l’administration de Jean Callueau fut aussi avantageuse à Notre-Dame de La Couronne qu’à Saint-Pierre de La Couture. Nous savons qu’il fit achever et meubler les chambres hautes de l’hôtel abbatial et qu’il termina les voûtes de l’église, Plus de cinquante ans s’étaient écoulés depuis leur chute ; on voit par là que les travaux n’allaient pas vite à cette époque ; pour construire l’église tout entière, il avait autrefois suffi de trente ans.

    Nous avions cru avec Boutroys que Jean Callueau avait obtenu de Louise de Savoie, dont il était l’aumônier et le chancelier, et même du roi, d’abondants secours pour continuer les restaurations ; c’est ce que pouvait faire supposer la présence des armoiries de François Ier et de sa mère sur quelques clés de voûte. Nous en doutons un peu depuis que nous avons vu le fidèle serviteur mettre sa bourse à la disposition de son maître et lui prêter successivement de grosses sommes, dont ses héritiers eurent bien de la peine à être payés. Le jeune roi, besoigneux et prodigue, employait son argent et celui de ses sujets à tout autre chose que des réparations d’église.

    Grâce aux revenus de ses bénéfices, l’évêque de Senlis pouvait être généreux, et il l’était dans une certaine mesure. Il ne le fut pas seulement pour le roi et pour ses abbayes ; il n’oublia pas non plus sa famille. « Il jeta, dit M. Maulde, les bases de la fortune de sa maison, en même temps qu’il fit commencer (à L’Oisellerie) le grand bâtiment qui regarde le nord et élever cette élégante et gracieuse tour ronde qui en décore l’extrémité orientale ».

    Au retour d’un voyage à Rome, Jean Callueau mourut à Lyon, le 29 juin 1522. Par son testament, il avait fondé quatre services solennels, à célébrer dans sa cathédrale, le lundi de chaque semaine des Quatre-Temps, et il avait laissé pour cette fondation 2,750 écus au soleil, du coin du roi, à prendre sur les 3,000 écus au soleil dont François Ier était débiteur à son égard. Il avait, en outre, légué à ses chanoines diverses créances montant à 2,148 livres 19 sols 4 deniers. Le chapitre fut obligé de soutenir, au sujet de ces legs, procès sur procès contre le trésorier royal, qui avait mis la main sur la succession de Jean Callueau, aussitôt après son décès.

    (Société archéologique et historique de la Charente, 1887)

  • Famille Le Musnier (1612-1691).

    Jacques Le Musnier, chevalier, conseiller du roi, trésorier de France et général des finances au bureau de Limoges, avait déjà hérité de la seigneurie de Mosnac et de celle de Rouffignac, de son père François Le Musnier, écuyer, seigneur de Lartige, mort en 1605. Il acquit successivement tout ce qui sormait naguère la seigneurie de Moulidars. Indiquons seulement les différents actes.

    25 mai 1612. Vente de la seigneurie de Moulidars, « par Yzac Mehée, seigneur de Moulidars et de Bors, demeurant en sa maison noble de Bors, châtellenie de Chaulx en Angoumois, époux de Marie du Nourrigier », à Jacques Le Musnier, pour la somme de 13,000 livres tournois.

    8 avril 1619. « Décret de la vente et adjudication des biens de François du Nourrigier, livré audit sieur Le Meusnier, délivré au présidial d’Angoulême. (Gandobert, gref.) »

    14 juillet 1619. Contrat d’acquisition par Jacques Le Musnier, de François du Nourrigier, sieur de Lestang.

    12 septembre 1620. Vente de la maison noble et seigneurie de la Cour de Moulidars, par « Yzac Lucreau, escuyer, sieur du Pourtal, demeurant au lieu noble du Pourtal, paroisse de Saint-Genis de Lombault, en Guienne », comme époux d’Anne Dexmier, à Jacques Le Musnier, pour la somme de 13,000 livres tournois.

    7 novembre 1624. Vente de partie de la seigneurie de Moulidars (la Tour-Blanche), par René de Girard, écuyer, sieur de la Tour-Blanche, fils de Pierre de Girard et de Jeanne Dexmier, à Jacques Le Musnier, pour la somme de 8,500 livres tournois.

    5 juillet 1625. Adjudication, par décret des juges présidiaux d’Angoulême, des biens ayant appartenu à Pierre et René de Girard, père et fils, écuyers, sieurs de la Tour Blanche, Auge et partie de Moulidars, et demoiselle Jeanne Dexmier, mère dudit René, faite à Jacques Le Musnier, pour la somme de 8,500 livres. La première vente à l’amiable fut altaquée par quelques créanciers, et confirmée par autorité de justice.

    En tout cela, il n’est point question du château d’Ardenne. En effet, il avait été acquis, dès le 12 juin 1605, d’Isaac Méhée et Marie du Nourrigier, par François des Ages, écuyer, sieur de Macqueville, Ruelle et Maumont, dont la fille, Bertrande des Ages, avait épousé, le 22 mai 1603, François de la Rochefoucauld, écuyer, seigneur d’Orbé, fils de Louis de la Rochefoucauld, seigneur de Bayers, et d’Angélique Gillier; puis, après la mort de François des Ages, vendu de nouveau le dernier de février 1608, à « Messire Raymond de Forgues, chevalier, baron des Pins et de La Rochechandry, conseiller du roy, grand’maître enquêteur et refformateur des eaux et forêts de France, au département des provinces et gouvernements de Guyenne, Poictou, Xaintonge et Angoumois, demeurant en ceste ville d’Angoulesme).

    Ardenne demeura 25 ans dans la maison de Forgues. Ce n’est que le 16 avril 1633, après la mort des seigneurs de Moulidars et de La Rochechandry, que leurs veuves firent entre elles un échange par lequel Catherine Redon, dame de Forgues, céda le château d’Ardenne à Hippolyte de La Place, dame de Moulidars et de Mosnac en partie, qui lui donna, entre autres choses, ladite seigneurie de Mosnac.

    C’est donc à tort, on le voit, que Vigier de La Pile dit que Jacques Le Musnier « avait le fief d’Ardenne en Moulidars ». Ce fief n’entra dans sa famille que quatre ans après sa mort, qui arriva en 1629. Il est vrai qu’il est désigné officiellement sous le nom de seigneur de Moulidars, mais nous savons, d’après ce qui précède, que cela ne veut nullement dire seigneur d’Ardenne.

    Rapportons ici un incident caractéristique du temps. François du Nourrigier, dernier seigneur de L’Etang, forcé de vendre par voie de justice, et jaloux de cette nouvelle puissance qui venait tout absorber, voulait du moins garder jusqu’au bout les préséances honorifiques dont avaient joui ses ancêtres dans l’église de Moulidars. Mais Jacques Le Musnier résista à ses prélentions, comme nous le montre la pièce suivante.

    « Acte pour Monsieur de Moulidars. Aujourduy, huitiesme jour d’apvril mil six centz dix-huict, pardevan moy, notaire et tabellion royal, et gardenottes hereditere en An goumois, et tesmoins cy bas nommez, a esté, à hissue de messe paroissiale cellébrée ce jourduy dans l’églize de Sainct Hipolitte de Moulidars, par messire Jehan Mamin, chanoyne de Blanzac, et vicquere perpetuel dudict Moulidars, de mandé et requis acte a moy dict notayre, par Jacques Le Musnier, escuyer, seigneur dudict Moulidars, Rouffignac, et Mosnac, conseilhier du Roy, Trésorier général de France en la Générallité de Limoges; de ce que François Dunourigier, escuyer, sieur de Lestang dudict Moulidars, l’a ce jourduy, pandant le service divin et durant la saincte messe, troublé en la préseance qui luy apartient, tant pour cestre ingéré de prandre le pain bénist avant luy, que autres actes ausquelz, pour le respcc que l’on doibt à Dieu et au divin sacrifice de la messe, ledict seigneur de Moulidars n’auroit faict autre instance, ne dict chose quelconque, espérant en avoir raison par justice.

    Pour raison de quoy, il prestant se pourvoir ainsy qu’il verra estre affere; et pour laditte entreprise, a protesté ledict seigneur de Moulidars contre ledict sieur de Lestang, de confiscation de son fief, comme estant son vassal; à quoy ledict Nourigier n’a voulleu rien dire, ains s’en est allé, ac compaigné de plusieurs personnes qui estoyent avec luy ar mez d’espée.

    Dont de tout ce que dessus ledict scigneur de Moullidars m’a requis acte, pour luy valloir ct servir en temps et lieu, à telles fins que de raison, estan dans lad. eglize; ce que luy ay auctroyé, ez présence dudict Mamin, de Pierre Lambert, escuyer, sieur de Cesseau, lieutenant de monsieur le visé neschal d’Angoumois, Me Louys Cauroy, archer dudict sieur visséneschal, Jehan Grellet, segrestin, qui a déclaré que il y a fort long temps que ledict sieur de Lestang luy avoit com mandé de luy présanter le pain berist le premier, et que s’il y manquoyt, il le payeroyt; aussy ez présences de Anthoyne et Hélies Durandeaux, Jean André, clerc, de François Bouthilier, maistre tailheur d’abits, et plusieurs autres; lesquels Durandeaux ont dit ne savoir signer.

    (Signé) : J. Lemusnyer. Mamin. Cauroy. Lambert. G. Grelet. J. André. F. Bouthilier. G. Condan, notaire royal héréd. »

    Jacques Le Musnier rendit aveu et dénombrement au roi, pour ses seigneuries de Moulidars et Mosnac, le 5 mars 1620. Après sa mort, quelques différends s’élevèrent entre Hippolyle de la Place, sa veuve et le doyen Jean Mesneau. L’acte de 1438, en faisant cession au doyen de toutes les dimes inféodées de la seigneurie de Moulidars, exceptait les lerres qui étaient du domaine privé des seigneurs, et des quelles chaque nouveau possesseur fournissait le dénombre ment. Jean Mesneau disait que la dame de Moulidars voulait étendre ses dîmes inféodées ou ses exemptions de dîmes, plus loin qu’elle n’y avait droit; elle, de son côté, prétendait que le doyen en exigeait plus que le titre de 1438 ne lui en donnait, ajoutant d’ailleurs que, depuis les guerres de religion, les doyens avaient négligé de faire célébrer les ser vices mentionnés. De là transaction. Le doyen s’engage à faire célébrer les services, et à laisser jouir de tous les droits honorifiques dans l’église paroissiale, ainsi qu’il avait été accordé avec les anciens seigneurs; de plus, à ne pas percevoir de dîmes sur 37 articles qui seront énumérés par le dénombrement. La dame de Moulidars promet de se dé sister de toute prétention sur le reste, et de payer aux doyens d’Angoulême, à chaque mutation de seigneur, un missel ou autre objet servant au culte, de la valeur de six livres.

    Cette transaction est du 12 novembre 1633, et le même jour « Madame la générale Le Musnier » donna, comme tutrice de ses enfants, « dénombrement et déclaration des domaines et héritages tenus à droit de dixme inféodée, ou exemptz de dixme, dépendanız de la Cour de Moulydar, de La Tour-Blanche, de Lestang dudit Moulydar, et de la maison d’Ardene…, à Monsieur Me Jehan Mesneau, doyen de l’esglise catedralle d’Angolesme, et lesquelles dixmes inféodées et exemption de dixmes sur les domaines et héritages, elle avoue tenir dud. sieur doyen, à cause de la cure de Moulydars annexée audict doyenné, au debvoir d’un messel vallant six livres, ou autre ornement d’esglise, à chasque mutation de seigneur de Moulydars. »

    Les pièces de terre déclarées, au nombre de 37, formaient ensemble 166 journaux, 39 carreaux, selon l’arpentement fait à la requête des parties. Le 37e et dernier article donna lieu à une transaction particulière. Il concernait le château d’Ardenne, acquis, ainsi que nous l’avons dit, quelques mois auparavant.

    « 37. Plus dix-huict ou vingt journeaux de prés, terres, bois et vignes, comprins dans les ranclos d’Ardene, et y joignant, renfermé de fossés et murailles, que lad. dame a novellement acquiz de lad. feue dame de Forgues. » Pour garder son clos exempt de dimes, elle céda ailleurs d’autres terres que le doyen accepta.

    Ce dénombrement est signé : J. Gibaud, notaire royal; Mesneau, doyen; H. de La Place. J. Méhée. J. Thomas.

    A partir de ce moment, la résidence seigneuriale fut au château d’Ardenne. Celui de La Cour devint ce qu’il est au jourd’hui, une métairie ou servitude pour l’exploitation agricole. Les Le Musnier toutefois demeurèrent le plus souvent à Rouffignac, dont l’aspect, au xvile siècle, était moins sévère, et le séjour plus commode que celui d’Ardenne.

    Vigier de La Pile (p. CXXVI) dit que Jacques Le Musnier eut de son mariage avec Hippolyle de La Place, plusieurs enfants, entre autres un aîné nommé « de Moulidars », qui fut d’abord conseiller au parlement, vendit ensuite sa charge et fut guidon des gendarmes. Cet ainé se nominait Jean-Louis Le Musnier. Il épousa à Paris, le 6 mai 1646, demoiselle Marie Cartier, fille de messire Claude Cartier, conseiller du roi en ses conseils d’Etat et privé, et de dame Anne Ferry, son épouse. Parmi les nombreux personnages cités au contrat, nous trouvons du côté de l’époux, « damoiselle Charlotte Laisné, veuve de François Lemusnier, escuyer, seigneur de Lartige et de Rousfignac, ayeulle paternelle dudit sieur de Molidar » : elle avait alors quatre vingt-huit ans; et du côté de l’épouse, « noble homme Daniel Ferry, conseiller du roy, et trésorier provincial de l’extraordinaire des guerres en Saintonge et Brouage, et Ambroize Ferry, conseiller et secrétaire du roy, oncles maternelz… »

    Vigier dit encore que le sieur Moulidars ne laissa que deux filles. Il avait eu en effet cinq enfants, savoir : 1° Claude Hippolyte Le Musnier, l’aîné, seigneur d’Ardenne, qui signe sous ces noms et en cette qualité, comme parrain d’un baptême à Moulidars, le 3 juin 1663. Une lettre à son père, du 12 avril 1688, est signée simplement « Dardenne ». Il fut tué cette même année, 1688, au siège de Manheim, dans le Palatinat. Dans une transaction passée avec son père le 3 août 1686, il est dit « chevalier, seigneur d’Ardenne, enseigne des gardes de Son Altesse Mgr le duc du Maine, demcurant ordinairement près de Son Altesse, ez cour. » Par cet acte, le sieur de Moulidars se démet de tous ses biens en faveur de son fils aîné, à la charge des dettes paternelles et droits de ses sœurs; 2° Anne Le Musnier, l’aînée des filles, qui devint Mine d’Anqueville. Nous n’avons pas l’état civil de ces deux premiers, probablement nés à Paris, où leurs parents habitaient, les années qui suivirent leur mariage; 3° Charles Le Musnier, dit l’abbé de Moulidars, baptisé le 22 septembre 1649. Il entra dans les Ordres; mais devenu infirme, il ne dépassa pas le sous-diaconat, et mourut avant son père. Dans la transaction citée plus haut nous lisons : « Et d’autant que Charles Le Musnier, soubz diacre, est tumbé en foiblesse, ledict seigneur de Moulidars veult dès à présent, que ledict seigneur d’Ardenne soit son tuteur et curateur, et qu’il jouisse de sa portion de bien tant et sy longuement qu’il sera au monde… Et toutefois ledict scigneur de Moulidars, de gré à gré, se charge de le nourir auprès de luy, sur le revenu dle son douère, pendant que ledict seigneur de Moulidars sera au monde; après quoy ledict seigneur d’Ardenne aura l’éducation de sa per sonne comme de ses biens »; 4° Catherine Le Musnier, née le 5 et baptisée le 30 avril 1664, est devenue Mme de Lartige; 5° François-Claude Le Musnier, dit le chevalier de Moulidars, né le 21 novembre 1666, et baptisé le 24 novembre 1667 4. Il était mort à la date du 3 août 1686.

    Restèrent donc les deux filles. Catherine, la plus jeune, épousa Louis Le Musnier, seigneur de Lartige, arrière petit-fils de François Le Musnier et de Charlotte Laisné, comme elle-même en était arrière-petite-fille.

    Anne Le Musnier, l’aînée, fut mariée d’abord à messire Isaïe Méhée, chevalier, seigneur des Courades, fils de Josias Méhée, chevalier, seigneur de La Ferrière, d’Anqueville, etc., et de Marie de Lestang. Ce mariage avait été long à s’accorder. Le seigneur des Courades était beaucoup plus âgé que sa future, et de plus, pro testant. Dans une lettre de lui, du 14 août 1670, nous lisons : « Ausi tost mon mariage achevé, qui m’occupe extrê mement pour la difficulté des religions, j’yrui dans deux ou trois mois à Paris….. Les négociations durèrent encore plus de deux ans. Il est probable que la principale diffi culté fut levée par l’abjuration d’Isaïe Méhée; car Josias, son père, protestant de vieille souche, mourut catholique l’année suivante, et fut inhumé par le curé de Vibrac 4. Le contrat fut enfin signé au château de Rouffignac, le 7 octobre 1672, et la bénédiction nuptiale donnée aux époux dans l’église de Vibrac, le 10 octobre suivant, par Pierre Dubois, ancien curé de la paroisse, et alors curé de Saint-Martial d’Angoulême 6. Les enfants qui naquirent de cette union furent baptisés et élevés dans la religion catholique. Toutefois, nous avons vainenient cherché dans les registres de Vibrac, l’acte de sépulture d’Isaïe Méhée, à la date qui correspond à son décès, arrivé aux Courades le 9 janvier 1681, ainsi que nous l’apprend l’inventaire de ses meubles fait au château de Monleau , le 3 mars suivant. Le seigneur des Courades avait fait son testament au lieu noble des Ris, paroisse de Saint-Hilaire, le 2 juillet 1677.

    Il laissa deux fils : 1° Pierre Méhée, né le 6 décembre 1675, sieur de Monleau, puis sieur d’Ardenne, après la mort de Claude-Hippolyte Le Musnier, son oncle; 2° autre Pierre Méhée, né le 27 septembre 1677, sieur de Saint Hilaire, et ensuite sieur d’Ardenne, après que son aîné eut été tué à Steinkerque, le 3 août 1692. Il sera question de lui plus loin.

    Devenue veuve, Anne Le Musnier se remaria à René Méhée, chevalier, seigneur d’Anqueville, fils d’un cousin germain de son premier mari, capitaine d’infanterie, d’abord au régiment de Champagne, puis au régiment Dauphin. La bulle de dispense d’assinité accordée par le pape Innocent XI, le 13 février 1682, dit que cette union a pour but d’éteindre de graves dissensions. Nous savons, en effet, que les deux branches de la maison d’Anqueville étaient en procés depuis fort longtemps, pour la succession de David Méhée et Jacquelle de Sousmoulins, ancêtres communs. Nous en parlons ailleurs. Malheureusement, ces querelles ne furent qu’assoupies; les intérêts opposés des enfants des deux lits les rallumèrent quelques années après.

    Le sieur d’Anqueville qui, lui aussi, était calviniste, comme loute cette famille, fit son abjuration en 1682, entre les mains du P. Philippe Guérin, recteur des jésuites d’An goulême, et le mariage fut contracté à Paris, le 29 mars 1684.

    Marie Cartier décéda la première, à Angoulême, le 24 août 1683, ct fut enterrée le lendemain dans l’église du Petit-Saint-Cybard. Son testament est du 20. Quant à Jean Louis Le Musnier, nous ignorons le lieu et l’époque précise de sa mort, à cause d’une lacune dans les registres de Mou lidars, de 1685 à 1703. Dans une sentence concernant la vente de la terre des Adjots 4, il paraît comme créancier, à la date du 27 mai 1693, et le 2 juillet suivant il est dit défunt. Il serait donc mort en juin 1693, dans un âge avancé. N’ayant pas trouvé son acte de sépulture dans les registres de Saint-Cybard d’Angoulême, nous avons tout lieu de croire qu’il décéda à Moulidars, et fut enterré dans l’église. Il s’était remarié avec Marie Calluaud, veuve de Pierre Ballue, éc., sieur de Mongaudier, demeurant audit lieu, paroisse de Fléac, laquelle requiert l’inventaire de ses meubles, le 17 août 1693.

    Les biens de Jean-Louis Le Musnier furent partagés de son vivant entre ses filles, par acte du 26 novembre 1691, lequel sépara pour toujours les deux seigneuries de Moulidars et de Rouffignac. Après avoir énoncé que ces terres sont communes par moitié entre les deux sœurs, comme ayant été recueillies par le décès de leur mère et de leurs frères, l’acte ajoute qu’il en a été fait deux lots : « le premier, dudit lieu noble d’Ardenne, et le segond du lieu, noble de Rouffignac; lesquels lots sont séparés par le chemain qui va de la chapelle de Vibrac au village des Panetiers, en continuant led. chemain à la Croix Ozanière dud. Moulidars, et de lad. croix au village de Cartelesche, aussy continuant led. chemain jusques au grand chemain quy va de Jarnac à Angoulesme, et le suivant vers Hiersat. » Tout ce qui est à droite de cette ligne, savoir « ledit lieu noble de Rouffiynac », consistant en corps de logis, chapelle, dépendances, fuie, garenne, plus les métairies de Rouffignac, Etendeuil, Chez-Borgnet, les bois de Rouillan et autres, prés, terres, etc., échut à madame de Lartige. Tout ce qui est à gauche, savoir « le lieu noble de Ardenne », avec ses dépendances, la métairie de La Cour; avec ses dépendances de bois, garennes, prés, terres, etc., fut dévolu à madame d’Anqueville. Il est dit aussi : « Et est demeuré audit lot d’Ardenne, les droits honorifiques de l’église de Moulidars, aveq le ban entien du costé de la chapelle, à main gauche en entrant à lad. eglise, et l’autre ban demeuré aud. lot de Rouffignac. »

    Fait à Angoulême le 26 novembre 1691, en présence de « Messire Anthoine de Cellière, conseiller aumosnier du roy, abbé de Saint-Estienne de Bassat, y demeurant, et de Messire Louis de Saint-Hermine, chevallier, seigneur de Chenon, demeurant en la ville d’Angoulesme, tesmoins requis ».

    (Signé) : De Cellières. Chenon de Saint-Hermine. L. Le Musnier. René Méhée d’Anqueville. J. Rouhier, notaire royal héréditaire.

    L’acte ci-dessus fut ratifié le 30 novembre suivant, au château de Rouffignac, par mesdames d’Anqueville et de Lartige, devant P. Baudet et P. Castaigne, notaires royaux.

    Source : Le château d’Ardenne et la seigneurie de Moulidars, de Gabriel Tricoire.

  • Fief de Vilhonneur : M. de Labatud.

    Le fief de Vilhonneur était possédé au XIIe siècle par une des plus anciennes familles de l’Angoumois, la famille de Chambes, d’origine chevaleresque.

    Les de Chambes, appelés aussi de Jambes, du nom que prit au XVe siècle la branche établie en Anjou, paraissent pour la première fois dans l’histoire de l’Angoumois, vers 1051, dans la personne de Pierre de Chambes, premier du nom.

    David de Chambes, fils du précédent, fut père de deux enfants, que lui donna Pétronille de Vitré : 1° Landry, chevalier, 2° Guilloto.

    Landry se signala dans les premières guerres contre l’Angleterre. Guilloto fut seigneur de Vilhonneur. Il épousa N. de La Rivière, dont il eut Pierre, qui suit.

    Pierre de Chambes, deuxième du nom, mourut à Vilhonneur, où il fut enterré en 1256. On y voyait encore dans ces dernières années le mausolée élevé au chevalier de Chambes, placé derrière le chevet de l’église. La pierre tumulaire sur laquelle le chevalier est représenté couché tout armé, avec le casque, l’épée et la cotte d’armes semée de fleurs de lys se trouvait exposée à toutes sortes de dégradations et avait déjà subi quelques mutilations. J’ai pu dans l’été de 1862, comme délégué de la Société archéologique et historique dela Charente, obtenir l’autorisation de la faire enlever pour être transportée au musée de la ville d’Angoulême où elle se trouve actuellement. Elle porte encore l’inscription suivante reproduite par M. l’abbé Michon dans sa Statistique monumentale de la Charente, page 331.

    Jhambis dictas Petrus est tellure relictus
    Quem si Xriste placet tibi virgo piissima placet
    Praeteriensposcat Xristum quod pace quiescat
    Cum sanctis anima nec inferni sciat yma. Amen.

    Pierre de Chambes fut père de Geoffroy de Chambes, chevalier, qui était marié en 1295 avec Laurette de Vivonne. De ce mariage vint Pierre de Chambes, troisième du nom, qui s’allia en 1314 avec Marie de Rohan. Leur fils, Jean de Chambes, premier du nom, chevalier, seigneur de Vilhonneur, fut tué en 1356 à la bataille de Poitiers. Il avait épousé Jacquette de Craon, dont Héliot de Chambes, marié en 1395 à Marie d’Estouteville. Le fils issu de cette union, Bernard de Chambes, chevalier, décéda le 24 janvier 1435. Il avait épousé Sybille de Montenay.

    La famille de Chambes se divise au onzième degré en deux branches principales. Le chef de la branche seule mentionnée par les généalogistes, Jean de Chambes, deuxième du nom, seigneur de Fauquernon, ambassadeur à Rome et en Turquie, devint par alliance avec les Chabot, baron de Montsoreau. Cette branche, dite de Chambes-Montsoreau, finit dans la dernière moitié du XVIIe siècle par deux filles, dont l’une, Marie-Geneviève, porta par mariage en 1664 le comté de Montsoreau dans la famille des Bouchet, marquis de Sourches.

    La branche d’Angoumois, oubliée dans les Nobiliaires, conserva son nom primitif de Chambes, et après de nombreuses vicissitudes, cette famille qui possédait encore au commencement du XVIIIe siècle de nombreux fiefs dans la province, déchut rapidement pour finir en la personne du chevalier de Chambes qui comparut à l’assemblée de la noblesse en 1789 et mourut dans les premières années de ce siècle.

    En 1546, Antoine de Chambes, écuyer, seigneur de Vilhonneur, vendit une rente à Jean de Chambes, seigneur de Boisbaudrant.

    En 1598, Pierre Dussault, écuyer, est dit seigneur de Villars et de Vilhonneur. Il était marié à Christine de Chambes, fille et héritière, ainsi que Jeanne sa sœur, de Pierre de Chambes, seigneur de Vilhonneur.

    Un siècle plus tard, en 1698, le fief de Vilhonneur appartenait encore à la famille Dussault. En 1789, il était possédé par M. Labatud, qui comparut à l’assemblée de la noblesse d’Angoumois.

    Chambes. — D’azur, semé de fleurs de lys d’argent sans nombre, au lion de même, armé, lampassé et couronné de gueules, brochant sur le tout.

    Dussault alias de Saulx.— D’argent, à trois chabots d’azur, 2 et 1.

    Source : Terres et fiefs relevant de l’évêché d’Angoulême, d’Edmond Sénemaud.

  • La cour du roi François Ier, une des plus polies et des plus galantes du seizième siècle, prenait ses ébats dans le château de Saint-Germain, sur les bords de cette Seine favorite, qui, en passant à Paris, baise les pieds du Louvre, et s’en va loin de la, au Havre, mêler sa voix harmonieuse à celle des tempêtes. Dans cette cour aventureuse vivait un beau jeune homme, élevé aux frais du roi, qui avait voulu être son parrain et qui l’appelait son fils. Ce jeune homme avait de la grâce, de l‘esprit,du courage, de l’audace; il s‘appelait François de Vivonne, seigneur de la Châtaigneraie, et étant fils d’André de Vivonne, grand Sénéchal du Poitou. On l’avait remarqué dans différents combats en Italie, et pas un n’eût osé lui disputer sa bravoure, tant la cour l’aimait pour sa générosité, pour ses belles grâces, pour son esprit; le dauphin l’aimant presque autant que le roi. « Du reste fort amoureux, fort libéral, excellant dans tous les exercices, adroit une épée à la main, que c’était merveille; menant toujours après lui quelque maître d’armes fameux, jusqu’à ce qu’il en sut tout le secret, et en faisant venir d’Italie quand il n’avait plus rien a apprendre du dernier. » Le vieux sénéchal, qui connaissait le caractère bouillant et impétueux de son fils, disait parfois : « S’il va jamais en enfer, il fera tant de peur aux diables u’ils fuiront pour le laisser tout seul. » Tel était la Châtaigneraie. Redouté des hommes qu’aucun d’eux n’aurait voulu pour rival, il était aimé des femmes qui admiraient son audace, je pourrais dire son insolence, sa jeunesse et les qualités aimables qu’il déployait auprès d’elles.

    A cette même cour, parmi les favoris du roi, élevés a la même école, vivait aussi Guy Chabot-Jarnac, appelé à cette époque le sieur de Montlieu, parce que son père, le baron de Jarnac, existait encore. Guy Chabot était d’une taille moyenne et bien prise, d’une figure agréable sans être belle, mais d’un noble maintien, d’une bravoure distinguée. On l’avait vu dans plusieurs combats faire preuve d’une grande valeur, et le roi François Ier, qui le traitait en fils, lui fit épouser la sœur de la duchesse d’Etampes, alors toute puissante auprès du monarque. Mais la galanterie et le tact politique de la cour ne s’allient pas toujours à la bravoure; Guy Chabot nous en fournit la preuve, car il ne sut pas taire ses quel ues bonnes fortunes, de sorte qu’il fut peu aimé des femmes, qui ui reprochaient d’être indiscret.

    Guy Chabot et la Châtaigneraie, sans jamais avoir été amis, avaient été compagnons d’armes; ils se voyaient souvent, mais ils se parlaient peu, de façon qu’il n’y avait entr’eux ni haine ni amitié.

    Un jour, on prétend que Guy Chabot étant allé à Compiègne avec le dauphin, fit confidence à celui-ci que Madeleine de Puyguyon, seconde femme de son père, et encore jeune et séduisante, ne lui refusait aucune preuve d’amour et qu’il s’était fait remettre par elle des sommes considérables, qu’il avait follement dépensées. Le dauphin s’en fut imprudemment raconter ce que Guy Chabot venait de lui dire. Bientôt toute la cour le sut, et cette aventure servit de thème aux conversations des oisifs du château. Cette étrange révélation qu’on a différemment jugée, fut une grande douleur pour ta duchesse d’Etatnpes, qui vit ainsi sa famille devenir la fable de la cour, tandis qu’elle plongea dans la joie Diane de Poitiers et ses amis, qui s’empressèrent de montrer au doigt Guy Chabot et sa belle-mère. Tous ces méchants bruits tirent irruption dans ce vaste château de Saint-Germain; ils ne ntanquèrent pas d’arriver aux oreilles du roi François Ier, qui devenait vieux et il aimait plus guère le scandale. La duchesse d’Etampes se jette alors aux pieds du monarque et le conjure de faire remonter à la source de ces rumeurs, pour savoir qui, le premier, a répandu ces bruits fâcheux. Le roi ne sut pas résister aux prières et aux larmes de sa favorite; il ordonna une enquête sévère, et comme, de on dit en on dit, on allait remonter jusqu’au dauphin lui-même, la Châtaigneraie, sans doute intéressé dans cette atl‘aire, prit fait et cause pour le prince, et déclara que c’était à lui, la Châtaigneraie, que Chabot-Jarnac avait fait cette confidence, et qu’il le soutiendrait envers et contre tous!

    Il fallait voir alors les agitations des deux femmes rivales qui se partageaient la cour: Diane de Poitiers était triomphante, la duchesse d’Etampes était furieuse. M. de Jarnac, abasourdi, répondit à la Châtaigneraie par un démenti formel, mais le roi, fatigué de tout ce brun, imposa silence à ces deux ennemis, désormais implacables.

    Sur ces entrefaites, François Ier, qui se sentait mourir depuis longtemps, rend le dernier soupir dans la grosse tour du château de Rambouillet. Son successeur s‘appelle Henri II.

    A peine monté sur le trône, le jeune souverain voit se renouveler la querelle de Jarnac et de la Châtaigneraie. Celui-ci venait d’être comblé d’une faveur nouvelle : le roi l’avait nommé colonel-général de l’infanterie française. Les mécontents qui s’agitèrent à la cour, après la mort de François Ier, furent nombreux. Diane de Poitiers continuait d’en faire les délices par ses grâces et son esprit. Mais à cette même cour la fortune de la duchesse d’Etampes et de ses amis avait considérablement baissé; de façon que Guy Chabot-Jarnac se trouva dans la disgrâce du roi régnant. Alors, par suite des machinations des courtisans en titre, la querelle de la Châtaigneraie se ranima plus violente et plus passionnée que jamais ; les deux adversaires demandèrent le champ clos au roi, pour vider leur différend. On comprend que le monarque ne refusa rien à celui qui s’était fait son champion, et, partant, le champion de la belle Diane.

    La Châtaigneraie, en demandant à prouver par le duel, le sujet de sa querelle avec Chabot-Jarnac, obligea celui-ci à l’accepter, pour la défense de l’honneur de sa famille. Le cartel envoyé au roi par la Châtaigneraie, pour lui demander le combat, était ainsi conçu :

    « Sure, ayant entendu que Guy Chabot a été dernièrement à Compiègne, où il a dit que quiconque avait dit qu’il se fut vanté d’avoir couché avec sa belle-mère, était méchant et malheureux; sur quoi, Sire, avec votre bon plaisir et vouloir, je réponds qu’il a méchamment menti et mentira toutefois et quantes qu’il ira qu’en cela j’ai dit chose qu’il n’ait dit : car il m’a dit plusieurs fois et s’est vanté d’avoir couché avec sa belle-mère.

    François de Vivonne. »

    Ce cartel était suivi d’un autre écrit ou la Châtaigneraie demandait au roi à faire preuve de ce qu’il avait dit, afin que par ses mains, puisque le cas ne pouvait se prouver autrement, fut vérifiée toute l’ofiense que Jarnac avait faite à Dieu, à son père et à la justice. Instruit de ce qui se passait, Guy Chabot écrivit de son côté :

    « Cartel de M. de Montlieu, sieur de Jarnac, au roi mon souverain seigneur.

    Sire, je suis venu exprès de ma maison, pour me défendre de la fausse imputation de laquelle je vous parlais à Compiègne, et vous supplie de le trouver en pour l’honneur qu’il vous a plu me faire de me nourrir.

    Guy Chabot. »

    Alors le roi Henri Il, après en avoir donné connaissance à Son conseil, autorisa les sieurs de la Châtaigneraie, assaillant, et Guy Chabot, assailli et défendeur, à vider leur différend parla preuve des armes en champ clos. Et le prince, qui ne doutait pas que son champion ne fût vainqueur, voulut donner à ce duel ‘a pareil le plus pompeux. Cette sanglante cérémonie fut fixée au dimanche 10 juillet 1547, dans le parc du château de Saint-Germain. Les témoins devaient être le comte d’Aumale pour l’assaillant, et M. de Boissy, grand écuyer, pour l’assailli.

    Arrivé au jour fixé pour le combat, tout le peuple de Paris accourut à Saint-Germain, comme s’il s’était agi, pour lui, d’assister à une fête. La Châtaigneraie se croyant très-supérieur à son rival, emprunte beaucoup d’argenterie, et fit préparer un magnifique souper, auquel il invita ses nombreux amis, afin de les faire jouir de son triomphe.

    Au moment où le soleil suivait le char de l’aurore à l’horizon. le héraut d‘armes cria aux deux cantons du camp dressé sur l’espace libre entre le château et le parc : « Aujourd’hui 10e jour du présent mois, le Roi notre souverain soigneur a permis et octroyé le camp libre et seur à toute outrance à François de Vivonne, sieur de la Châtaigneraie, assaillant, et Guy Chabot, sieur de Montlieu, dé» fondeur et assailli; pour mettre fin par les armes au différend d’honneur dont entre les parties est question : par quoi, je fais a savoir à tous, de par le Roi, que nul n’ait à empêcher l’effet du dit présent combat, ni aider ni nuire à l’un ou à l’autre des combattants, sur peine de la vie. »

    Sur l’estrade dressée pour la cour, en voit successivement arriver pour être spectateurs du duel, le roi, Catherine de Médicis, toute rayonnante de jeunesse et d’attraits, mesdames les filles de France, la princesse de Condé, madame de Nevers, madame de Guise, Diane de Poitiers, mesdames de Montpensier, de Rieux, d’Elbeuf, de la Roche-sur-Yon, d’Usez, de Brissac, de Châtillon, de Biron, de Joyeuse, de Barbezieux, de Lansac, de Villeroi, d’Entragues, de la Meilleraye, de Sommerive, de Lude, de Sancerre, d’Estrées (Gabrielle et Diane), de Restaing, de la Mirande, de Grammont, d’Etampes, de la Châtaigneraie, de Torigny, et ces deux belles fleurs de la corbeille du printemps de la cour de France, mesdemoiselles de Guise et de Longueville, et tant d‘autres à l’avenant. Parmi les hommes on remarquait tous les beaux noms que nous venons de citer, et encore messieurs de Sansac, Monclus, Amboille, Frésolle; le comte Balinguier; les seigneurs de Clervaux, Boisse, Vaux-Roüy et d’Ambleville. On comptait aussi tous les chevaliers de cette cour de France, et, ce qui ne valait pas moins, de belles dames et demoiselles.

    Avant le duel, les deux champions jurèrent sur les saintes Evangites qu’ils combattaient pour bonne et juste cause. Toutes les passions paraissaient soulevées dans ce moment qui mettait en présence deux familles rivales. Le roi et Diane de Poitiers ne s’en cachaient pas, ils faisaient des vœux contre Guy Chabot. L’intérêt devenait immense : d’un côté, la Châtaigneraie si fort et si habile dans ces sortes de batailles; de l’autre, Guy Chabot était si calme et paraissait si oublieux de ces exercices de guerre, que l’issue du combat ne semblait pas douteuse. La Châtaigneraie se présente comme à une fête : beau et rayonnant, il ne dispute ni sur les armes offensives ni sur celles défensives; il accepte toutes les conditions, tant il avait de confiance en son épée. Guy Chabot prit donc de son poignet solide un glaive tout d’une venue, qu’il tendit comme un mur d’airain devant la Châtaigneraie.

    Les témoins ayant laissé les combattants, on vit ces deux ennemis face à face, l’un plein de sa force, l’autre plein de son bon droit, s’aborder furieusement et se ruer contre l’acier avec une valeur digne d’une meilleure cause. En ce moment, je vous laisse à penser l’effroi des dames, le silence des hommes, la curiosité de tout le monde !

    Après pIusieurs coups échangés de part et d’autre, l’un porté par Guy Chabot-Jarnac atteignit le jarret de la jambe gauche de la Châtaigneraie, ce qui le fit échir et tomber. Jarnac voyant alors que son adversaire était atteint d’une telle façon, que sa vie était à sa discrétion, lui dit: « Rend-moi mon honneur et crie merci à Dieu et au roi de France de l’offense que tu as faite. Rend-moi mon honneur ! D’après la loi des duels, il fallait que la Châtaigneraie avouât qu’il avait menti et demandât grâce au vainqueur, ce qui était tout simplement impossible pour le plus dédaigneux des hommes et le plus haut à la main.

    La Châtaigneraie, renversé et ne pouvant se relever, ne murmura pas un mot; en vain Guy Chabot le supplia de lui rendre l’honneur, et de s’accuser vaincu. Alors se dirigeant vers l’estrade royale, et à genoux devant tous, Guy Chabot dit au roi : « Sire, je vous supplie que je sois si heureux que vous m’estimiez homme de bien, je vous donnela Châtaigneraie, prenez-le, Sire, et que mon honneur me soit rendu. Ce ne sont ue nos jeunesses, Sire, qui sont cause de tout cela, qu’il n’en sont rien imputé aux siens ni à lui aussi par sa faute, car je vous le donne. »

    Le roi garda le silence ! Vous devez penser qu’elle fut la solennité de ce moment, moment plein d’angoisses et de tortures! Guy Chabot revint encore vers la Châtaigneraie, et le voyant écumant de dépit et de fureur, en essayant de se jeter sur lui de nouveau, il lui dit : « Si tu bouges, je te tue ! » Le vaincu faisant de vains efforts pour se lever, lui répliqua avec colère et défi : « Tue-moi donc ! »

    Guy Chabot étant revenu vers le roi, renouvela sa supplication; mais ce ne fut qu’à la troisième fois que le monarque consentit à accepter la Châtaigneraie, c’est-à-dire de répondre pour lui. A partir «le ce moment le combat étant terminé, la Châtaigneraie fut enlevé du champ clos, et le roi embrassa Guy Chabot, en lui disant: « Vous avez combattu en César et parlé en Cicéron. »

    Ce langage de la part de son souverain fit un extrême plaisir à Guy Chabot, qui le remercia de l’honneur qu‘il lui faisait, le suppliant de l’agréer toujours pour son serviteur, ce que le roi lui promit. Puis, ayant pris congé de toute la cour, le vainqueur retourna à sa tente, et de là a la maison de M. de Boiss, grand écuyer, félicité par tous les princes, chevaliers et gentils ommes témoins du combat, tant pour la conduite digne et courageuse qu‘il avait montrée avec un adversaire aussi dangereux que la Châtaigneraie, que pour avoir usé de belle gracieuseté envers lui.

    Quant à la Châtaigneraie, avec son esprit hautain et son âme inflexible, il ne put se résigner à vivre; il comprit qu’il n’y avait plus pour lui ni hommage, m louange, ni respect dans cette jeune cour qui s’annonçait si brillante; d’une main ferme il arracha l’appareil posé sur sa blessure. Ainsi mourut à vingt-quatre ans, le beau la Châtaigneraie, lui qui avait préféré la réputation d’être le plus vaillant homme de la cour, à celle du plus prudent.

    A peine mort, la Châtaigneraie fut oublié, péché de cour assez commun, et le roi s’en consola en voyant ensevelie une affaire fâcheuse dans laquelle il avait eu une large part.

    L’étonnement que causa ce dénouement, auquel on était loin de s’attendre, changea la fête qu‘on avait préparée en une scène de confusion et de désordre. Le festin et l‘argenterie furent pillés par le peuple, et l’impression qui resta d’un événement dont la cour et la ville furent longtemps occupées, firent donner proverbialement le nom de coup de Jarnac à toute espèce de ruse qui, en surprenant un adversaire, déconcerte aussitôt tous ses moyens de défense.

    Seize jours après cette scène, Henri Il fut sacré à Reims avec la pompe accoutumée.

    Source : Le château de Jarnac ses barons et ses comtes, de Paul de Lacroix.

  • Bernard de Jambes, en latin Bernardus de Jambis, figure comme maire d’Angoulême dans plusieurs actes de 1396 à 1398. Gentilhomme d’extraction, il avait épousé Sybille Bernard, fille d’un bourgeois de la ville. Leurs descendants comparurent à l’assembIée de la noblesse d’Angoumois en 1789. Ils ont possédé le logis de Lunesse jusqu’au XVIIe siècle avant de s’installer ailleurs. Le dernier chevalier de Jambes est décédé le 22 pluviôse an XII (12 février 1804) à son domicile d’Angoulême.

    Pièces justificatives :

    — Bernard de Jambes, maire d’Angoulême, reconnaît avoir reçu par les mains de Charlot de Voysins, damoiseau, capitaine du château de cette ville, sur la vente des biens de Martin Ollier, saisis et exécutés par justice, la somme de cent treize sous qui lui était due par ce dernier sur la recette du patis imposé sur les habitants de Dirac, et dont il avait tenu compte aux Anglais comme receveur dudit patis. (2 septembre 1396)

    — Jeanne Barbe, veuve de Pierre Caille, bourgeois d’Angoulême, reconnaît avoir reçu de Florence Caille, sa fille, par les mains de Bernard de Jambes, maire d’Angoulême, et des échevins de ladite commune, tuteurs de ladite demoiselle, la somme de deux cents francs d’or, tant en vaisselle d’argent que joyaux, en à-compte sur la restitution de sa dot. (5 avril 1397)

    — Consentement donné par Jean de L’Oume, bourgeois de Saintes et mari de Jeanne Barbe, veuve en premières noces de Pierre Caille, bourgeois d’Angoulême, à ce que les biens meubles qui lui tiennent en commun avec Florence Caille, fille du premier lit de sa femme et dudit Pierre, dans leur maison d’Angoulême, soient vendus par Bernard de Jambes, maire, et les échevins de ladite commune, comme tuteurs de ladite demoiselle, jusqu’à concurrence de la somme de cent livres, montant des reprises de sadite femme. (12 septembre 1398)

    Source : Nouvelle chronologie historique des maires de la ville d’Angoulême (1215-1501), de Gustave Babinet de Rancogne.